Besoin d’urgence d’une loi sur l’IVG



Par Loga Virahsawmy.

Plusieurs vies auraient pu être sauvées si la bonne décision avait été prise à propos de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). Cela n’a plus d’importance. En revanche, ce qui importe désormais, c’est de savoir que bientôt, les victimes de viol et d’inceste qui sont enceintes, de même que les mères dont la grossesse n’évolue pas normalement, mettant leur vie en péril, seront dorénavant protégées. Elles auront droit à une IVG sécurisée, pratiquée en milieu hospitalier par des professionnels. Quel soulagement pour les femmes en général.

 

Les femmes et les jeunes filles ne peuvent jamais dire qu’elles vivent dans un environnement sécurisé même quand le viol, l’inceste ou la violence basée sur le genre sont rarement présents. Et la violence basée sur le genre a pris des proportions épidémiques à Maurice. Presque tous les jours, les médias rapportent des cas de viol sur des handicapées, des enfants, des jeunes filles et des femmes âgées.

 

Maurice, pays souvent cité comme un modèle de démocratie dans la région, est maintenant pointé du doigt en raison de l’absence de législation sur l’avortement. Maurice a pourtant ratifié la Convention sur l’Elimination des Toutes Formes de Discriminations Envers les Femmes (CEDAW) et pourtant, les femmes font toujours l’objet de discrimination. La discrimination basée sur le genre est à son apogée dans les cas d’avortements. La femme qui va se faire avorter  s’expose à une condamnation alors que ce n’est pas le cas pour l’homme qui la met en voie de famille.

 

Les activistes du genre et en particulier le Mouvement Liberasyon Fam doivent être félicités pour s’être battus contre cette loi archaïque, rétrograde et confuse qui régit l’avortement et qui date de 1838.

 

En 2006, Shabeela Kalla, une jeune femme, n’a pas caché le fait qu’elle se soit fait avorter. Elle a payé son courage au prix fort, soit trois ans de sa vie car elle a été poursuivie et a dû se rendre en Cour à plusieurs reprises. En 2009, tous les délits dont on l’accusait ont été finalement rayés. Cela n’a pas signifié pour autant que la guerre en faveur de l’IVG était gagnée car l’avortement est toujours illégal à Maurice.

 

Juste avant que le cas de cette jeune femme ne passe en Cour, l’ex-ministre des Droits de la Femme (rebaptisé celui de l’Egalité du Genre), Indira Seebun, a organisé une rencontre assistée par Sheila Bappo, la ministre de la Sécurité sociale, Rama Valayden, l’ex-Attorney General, plusieurs membres d’organisations non-gouvernementales incluant Gender Links et la Media Watch Organisation. Tous ceux présents ont donné leur avis. Shabeela Kalla qui était présente, a livré un témoignage poignant de ses comparutions en Cour. C’est à ce moment là que l’Attorney General a informé les personnes présentes que les amendements au Code pénal relatifs à l’avortement étaient prêts. Ce qui signifie que l’avortement dans les cas de viol, d’inceste ou de grossesse mettant la vie de la mère en péril, serait légalisé. Depuis cette réunion, on n’a plus rien entendu, ni vu venir, hormis quelques articles de presse écrits par ceux opposés à l’avortement, même dans des cas spécifiques.

 

C’est seulement maintenant à la veille de la présentation par Maurice de son rapport au CEDAW que cette question revient sur le tapis. S’exprimant dans la presse le 3 septembre 2011, l’avocate et experte du CEDAW, Pramila Patten, a confirmé que Maurice présentera son rapport au CEDAW en octobre 2011 et a ajouté que « en 2007, lorsque Maurice a soumis son rapport, il y était souligné que la loi mauricienne sur l’avortement était archaïque et avait besoin d’être revue. Si nous présentons à nouveau un rapport indiquant que rien n’a été fait par rapport à cette question, nous perdrons toute notre crédibilité ». De son côté, Satyajit Boolell, le Directeur des Poursuites Publiques, a indiqué que «cette initiative était attendue depuis longtemps. La loi actuellement en vigueur n’est pas conforme à la réalité mauricienne, ni avec les progrès scientifiques. Nous savons que certaines grossesses affectent la santé des bébés, de même que celle des mères. Nous avons aussi des cas d’inceste et de viol. C’est un fait qu’il y a des avortements clandestins qui se déroulent dans des conditions déplorables avec un manque d’hygiène de base. La nouvelle loi soulignera les normes qui doivent être respectées.»

Quand Marie-Noëlle Derby, photojournaliste à l’express, est morte en 2009 en raison de complications post-abortives, l’ensemble de la population a été sous le choc. Elle avait ses raisons pour recourir à un acte si désespéré et malheureusement, elle l’a payé de sa vie, laissant derrière elle des enfants en bas âge et une famille brisée.

Marie-Noëlle Derby était une photojournaliste réputée et sa disparition a été largement commentée par les médias. Quelque part, nous devons la remercier car sa mort a soulevé des débats passionnés et sensibles sur l’avortement. Mais combien de femmes ont-elles perdu la vie en raison d’avortements clandestins pratiqués par des faiseuses d’anges ou par elles-mêmes avec des méthodes barbares ? Nous avons une pensée spéciale pour ces jeunes filles et femmes qui ont laissé derrière elles des enfants et des êtres chers.

Selon la Mauritius Family Planning Welfare Association, en 1997, il y avait 20 000 avortements clandestins pratiqués en un an et selon le ministère de la Santé, il y a eu 24 217 cas rapportés de complications post-abortives et dix décès par avortement clandestin entre 1997 et 2007. Et ce ne sont là que les chiffres officiels.

Souhaitons que l’amendement au Code pénal pour autoriser l’avortement dans des cas spécifiques sauve plusieurs vies et maintienne la sécurité des familles.

Loga Virahsawmy est directrice du bureau francophone de Gender Links et présidente de la Media Watch Organisation. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

Posted by on Nov 7 2011. Filed under Actualités. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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