La tragédie des Africaines mourant en couches



Par Leevy Frivet

Etre maman est une expérience formidable. Mais de nombreuses femmes meurent hélas en couches, faute d’avoir été suivies convenablement durant leur grossesse.

Dans son rapport 2012, l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF) avance que 1 000 femmes meurent au quotidien dans le monde en accouchant ou des suites de complications liées à la grossesse. Selon MSF, ces décès étaient pourtant évitables, de même que ceux de leurs nouveaux nés,  en favorisant notamment la formation d’un personnel spécialisé et en facilitant l’accès aux équipements sophistiqués, ainsi qu’à du matériel médical approprié.

«Dans le monde, 15% des grossesses encourent à tout moment un risque de complication pouvant entraîner fausses couches et mortalité maternelle», précise Kara Blackburn, en charge de la santé des femmes à MSF. « Les femmes devraient avoir accès à des soins obstétricaux de qualité, qu’elles vivent à Sydney en Australie, à Port-au-Prince à Haïti ou à Mogadiscio en Somalie. Cette réalité est la même partout, de l’hôpital moderne d’une grande ville à un centre de soins en zone de conflit, en passant par un camp de réfugiés ou sous un abri après un tremblement de terre», ajoute-t-elle.

MSF constate une pénurie de soins obstétricaux d’urgence dans un grand nombre de pays. C’est une tragédie familiale et souvent communautaire quand une femme meurt en couches. Les problèmes économiques en Afrique sont directement liés au nombre élevé des femmes qui meurent en couches sur ce continent.

A Madagascar,  on attend une enquête approfondie sur ce problème mais le ministère de la Santé de la Grande île avance qu’une femme sur dix meurt en couches chaque jour. C’est une tragédie car la majorité de ces femmes habitent en brousse là où les premiers soins sont inaccessibles.  Ces femmes souffrent de malnutrition, de pauvreté, de manque d’informations mais aussi de l’absence de sages-femmes dans leurs régions. Et quand il y en a, celles-ci font appel à des méthodes traditionnelles qui ne sont pas toujours recommandées et en ligne avec les innovations en matière de santé en 2013.

Certains observateurs estiment que la lutte contre la pandémie du VIH/SIDA se fait souvent au détriment de la santé reproductive. On parle davantage de prévention contre cette maladie en oubliant l’importance pour les femmes d’avoir une bonne santé sexuelle et reproductive. Or, comment peuvent-elles l’avoir s’il  n’y a pas d’infrastructures et d’équipements appropriés pour les suivre ?

Il est important de comprendre que la tragédie des femmes mourant en couches, celle des enfants qui n’ont pas vagi ou eu l’opportunité de marcher, n’est aucunement une fatalité, ni une cause mais une conséquence d’un manque d’équipements, de médecins et  parfois d’un manque de détermination de certains dirigeants africains de faire de leur priorité la santé sexuelle et reproductive des femmes.

MSF dispense pourtant des soins obstétricaux dans près de 30 pays. En 2010, plus de 150 000 bébés sont nés grâce à ces soins mais c’est loin d’être suffisant. « C’est tragique de voir autant de femmes mourir en accouchant, alors que nous savons que proposer des soins de qualité au moment de l’accouchement peut avoir un réel impact sur elles. Il faut toujours se rappeler qu’un décès maternel est un drame facilement évitable,» insiste Kara Blackburn.

L’article 26  du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement prévoit l’adoption et l’application de politiques et de programmes pour le bien-être physique, mental, émotionnel et social de la femme, avec des objectifs spécifiques pour réduire le ratio de mortalité maternelle et assurer aux femmes un accès équitable à des services de qualité en matière de santé sexuelle et reproductive.

Susan Yoshihara, vice présidente du Catholic and Human Rights Institute, qui  collabore souvent aux recherches internationales ayant trait aux questions affectant les femmes évoque aussi ce problème de  femmes mourant en couches. «. Les risques de mourir que courent les femmes ne disposant que d’un revenu modeste s’élèvent à 1 sur 56, et ce pour des causes en lien avec leur grossesse. Dans les pays riches, leurs risques de mort sont de 1 sur 42 000. En Afrique subsaharienne, le risque est très élevé: de 1 sur 39 ; il est 4,5 fois plus élevé que la moyenne mondiale. Pendant des années, les agences d’aide les plus importantes du monde ont fait du planning familial leur priorité numéro un comme solution pour faire baisser les taux de mortalité maternelle, et dans la foulée baisser aussi le taux de natalité. Les besoins liés aux interventions médicales faites pour traiter réellement la santé maternelle – grâce à un personnel qualifié dans les soins liés à la naissance et aux soins prénataux – ont été rabaissées au deuxième ou troisième échelon de priorité sur la liste des financements ».

Elle est même d’avis que, le taux de mortalité maternelle pourrait être bien plus élevé que le pensent les experts. Ce taux est élevé dans les régions où les données sont les plus rares. Le rapport admet que les données de qualité n’existent que dans les régions où ont lieu seulement 15% des naissances, particulièrement dans les pays en voie de développement. «Dans 27 des 180 Etats objets de l’enquête, il n’existe aucune donnée. Dans 88 Etats, les données de qualité manquent. En fin de compte, malgré l’amélioration des techniques pour rassembler et analyser les données, personne ne sait réellement combien difficile est la situation concrète de la plupart des mères».

Le rapport conclut « qu’il n’est pas possible d’expliquer complètement pourquoi certains pays ont vu leur taux de mortalité maternelle décliner plus que d’autres, et pourquoi certains n’ont fait aucun progrès».

En tous cas, ces disputes et autres désaccords autour des chiffres ne pourront à eux-seuls consoler les milliers d’orphelins qui ont vu leur maman partir en les mettant au monde ou le nombre de maris devenus veufs le jour de l’attente d’un heureux évènement.

Leevy Frivet est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 

Posted by on Mar 30 2013. Filed under Monde. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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