Professionnaliser le secteur informel dominé par les Congolaises



Par Badylon Kawanda Bakiman

Kikwit: Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) a pris la pleine mesure de la contribution des femmes dans l’économie informelle. Les professionnaliser équivaudrait à les intégrer dans le secteur formel. De ce fait, l’Etat encourage les organisations de la société civile à les former.
Selon Brigitte Mukwa, cadre au ministère du Genre, «80% de l’économie nationale est générée par le secteur informel entre les mains de femmes mais contrôlée et gérée par des hommes. Et 70% de ces femmes sont des agricultrices ».

Plusieurs dizaines de Congolaises se sont engagées dans l’entreprenariat pour de multiples raisons. D’abord, elles veulent en finir avec la pauvreté car selon la politique nationale du genre, 61.2% des Congolaises vivent en-dessous du seuil de pauvreté contre 59.3% de Congolais. Ensuite, ces femmes ne veulent plus subir de violences et estiment qu’un rapport de force équilibré avec leur conjoint y mettra fin. Elles veulent aussi être financièrement indépendantes pour leur propre dignité et finalement, elles cherchent à mieux pourvoir aux besoins de leur famille.

Lorsqu’ils n’écoutent pas les traditions qui veulent maintenir les femmes à la maison, les hommes encouragent leurs femmes dans la voie de l’entreprenariat car ils réalisent que seuls, ils ne pourraient assurer tous les besoins de la famille. Progressivement, ces hommes et femmes conscientisés, prônent l’égalité du genre afin que la parité devienne un jour réalité.

Des initiatives émanant surtout de la société civile émergent pour encourager les femmes à se lancer dans l’entreprenariat. Martine Mushikwanga, chargée nationale de l’éducation et de la formation à Action Féminine Chrétienne du Congo (AFC), organisation non-gouvernementale regroupant 10 292 femmes dans toute la RDC, explique que son organisation dispense des formations sur la fabrication de cirages, de pagnes, de pains spéciaux, de parfums, de sacs à main pour dames, de désinfectants et autres désodorisants, de savons de qualité, d’insecticides, de vins différents et des biscuits. L’AFC les aide aussi à faire leur marketing et à vendre leurs produits. « De nombreuses femmes ont suivi nos formations et ce qu’elles produisent leur rapportent des ressources conséquentes depuis plus de trois ans et contribuent au développement de leur famille », raconte-t-elle tout sourire.

Martine Mushikwanga affirme qu’à Kikwit, dans le sud-ouest de la RDC, l’AFC et ses membres fabriquent hebdomadairement 12 pagnes qui sont vendus à 35 dollars l’unité. « Ce qui fait que le bureau de l’AFC à Kikwit et ses membres encaissent 1680 dollars mensuellement et 20 160 dollars annuellement. Ce qui n’est pas mal du tout. A cela s’ajoutent les revenus des autres produits susmentionnés», dit-elle en regrettant le fait que le gouvernement congolais ne subventionne pas cette organisation.

De son côté, Evelyne Manzita qui dirige le Réseau des femmes engagées de Kikwit (REFEKI), une plate-forme de 18 associations féminines de base regroupant plus de 400 femmes engagées dans le secteur informel dans la province du Bandundu dans le sud-ouest du pays, précise que «les produits comme des biscuits à base de farine de maïs, des savons améliorés et en poudre et des conserves que nous fabriquons pour ne citer que ceux-là, sont conformes aux normes internationales. J’ai personnellement suivi une formation de six mois en 2006 auprès de l’Institut Panafricain de Développement basé à Douala au Cameroun. Depuis mon retour au pays, je forme des femmes pour qu’elles maîtrisent la fabrication de ces produits », dit-elle en spécifiant que les produits vendus rapportent 65% de bénéfices. Il faut aussi dire que le REFEKI bénéficie parfois de l’appui financier d’INTERED, ONG espagnole. Le financement obtenu leur permet d’organiser les sessions de formation, d’acheter le matériel et les matières premières pour la fabrication des produits précités.

La Dynamique de la Jeunesse Féminine Congolaise (DJFC), une structure regroupant plus de 7000 jeunes filles de 15 à 25 ans ne se croise pas les bras non plus. Justine Kakesa, une des responsables dans le Bandundu, donne l’exemple en préparant et vendant des samossas, beignets frits à base de viande de bœuf, de farine de blé et d’oignon. «Cet aliment, comme tant d’autres, se vend bien. Dans le Bandundu, DJFC les prépare trois fois par semaine et les met en vente. Vente qui rapporte à chaque fois 90 dollars, soit 270 dollars hebdomadairement », explique-t-elle.

Pour les femmes qui ont connu le goût amer de la pauvreté, pas question de gaspiller l’argent récolté. «Je place régulièrement 40% de mes gains dans une coopérative d’épargne et de crédit où j’ai ouvert un compte depuis l’année dernière. Je ne dépends plus totalement de mon mari et de ses caprices», se réjouît Thérèse Nkuyi, vendeuse des pains et de savons améliorés.

Il existe au ministère du Genre, du moins sur papier, un fonds national pour la protection de l’enfant et la promotion de la femme, destiné à appuyer les activités des femmes et favoriser leur autonomisation économique. Mais ce fonds a souvent des problèmes de trésorerie et des problèmes de liquidités se posent. C’est ce qu’explique Georgette Biebie Songo, spécialiste du genre et défenseuse des droits des femmes. Elle ajoute cependant que chaque année, pendant le mois de mars, le ministère du Genre organise une foire grâce à l’appui financier de la Mission des Nations Unies pour la Stabilité au Congo (MONUSCO). Cette foire de l’entrepreneuriat féminin permet aux associations féminines d’exposer leurs produits, la MONUSCO donnant 50 dollars à chaque association méritante.

Même si l’Etat congolais ne soutient pas financièrement ces petites entrepreneures, il ne leur met pas des bâtons dans les roues non plus, se conformant à l’article 19 du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, qu’il a signé et ratifié et qui demande aux Etats membres d’adopter d’ici 2015 des politiques et de promulguer des lois qui assureront aux femmes comme aux hommes l’égalité d’accès au commerce et à l’entrepreneuriat.

Qu’en pensent les hommes de ces femmes entrepreneures qui s’en sortent? Claude Kitoko, responsable du Mouvement ouvrier chrétien du Congo à Bandundu, encourage les femmes entrepreneures à persévérer car ce faisant, dit-il, elles contribuent à réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Les droits des femmes et la problématique de l’autonomisation sont inaliénables. Les gouvernements des pays africains, y compris celui de la RDC, devraient s’efforcer de les aider à s’épanouir car la parité hommes-femmes est un élément essentiel au développement durable.

Badylon Kawanda Bakiman est journaliste en RDC. Cet article fait partie du service d’information de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.

Posted by on Jul 5 2014. Filed under Monde. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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