Julian Assange : des affaires classées mais les ennuis continuent



La justice suédoise a annoncé jeudi le classement de trois enquêtes visant le fondateur de WikiLeaks pour agressions sexuelles. Une autre se poursuit.

La justice suédoise avait prévenu au printemps. Les agressions sexuelles pour lesquelles elle voulait entendre Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, seraient bientôt prescrites et les affaires classées. La procureure l’a officiellement annoncé aujourd’hui : trois enquêtes visant Julian Assange sont closes.

Dans son communiqué, la procureure Marianne Ny écrit être «obligée de classer sans suite une partie de l’enquête». «Rien ne change pour Julian Assange», réagit Juan Branco, son conseiller juridique en France. Une enquête, pour «viol de moindre gravité», court toujours, la prescription n’intervenant qu’en août 2020.
De quoi Julian Assange est-il soupçonné ?

«Julian Assange n’est pas inculpé», précise d’emblée Juan Branco. La justice suédoise le soupçonne depuis l’été 2010 d’agressions sexuelles et de viols. Au mois d’août, cette année-là, deux jeunes femmes ont déposé plainte en Suède contre lui.

WikiLeaks vient alors de publier quelques-unes de ses fuites les plus retentissantes : une vidéo montrant une bavure de l’armée américaine en Irak au printemps, mais surtout la première fournée des War Diaries, ces dizaines de milliers de documents secrets de l’armée sur la guerre en Irak.

La justice suédoise ouvre une enquête et veut interroger Assange. Mais il a quitté le pays à la fin du mois de septembre. «Il n’a pas fui la justice suédoise. Il est resté en Suède pendant cinq semaines après le dépôt des plaintes» insiste Juan Branco. La police suédoise l’a d’ailleurs interrogé une première fois à la fin du mois d’août. Dans l’impossibilité de l’entendre à nouveau, la procureure émet un mandat d’arrêt européen.

La suite se passe au Royaume Uni, où Assange a élu domicile. Arrêté par la police britannique, il passe plus d’une semaine en détention en décembre 2010, avant d’être libéré sous caution. Puis mène une bataille judiciaire pour ne pas être extradé vers la Suède. En vain. Ses appels sont rejetés par les juridictions britanniques. En juin 2012, lors d’un épisode rocambolesque, il parvient à se réfugier dans l’ambassade d’Equateur où il dépose une demande d’asile. Trois ans après, il y est toujours.
La situation est-elle inextricable ?

Depuis juin 2012, une guerre des tranchées s’est installée. Assange reste à l’ambassade sous peine de se faire arrêter par les Britanniques. La justice suédoise a refusé pendant longtemps de se déplacer pour l’entendre sur place. En mars 2015, elle y consent finalement, après de nombreuses démarches de l’équipe de défense de l’Australien.

Nouveau rebondissement et nouveau blocage : l’Equateur demande à la procureure suédoise de déposer une demande formelle pour pénétrer dans l’ambassade. C’était en juin. Marianne Ny n’a pas obtenu l’autorisation à temps. Trois dossiers sont donc clos depuis aujourd’hui.

«Je suis ravi que les enquêtes dans lesquelles il n’y avait pas de preuves consistantes soient classées», réagit Gavin MacFadyen, directeur du Center for Investigative Journalism et membre de l’équipe de défense légale d’Assange. «D’un autre côté, je suis très en colère parce que Julian Assange n’aura pas la possibilité de répondre. Sa réputation a été salie.»

Une enquête est toujours en cours, pour «viol de moindre gravité». Ces faits ne seront prescrits qu’en août 2020. Dans cette affaire non plus, Assange n’est pas mis en examen. Son équipe de défense va se servir de ce statut pour contester le mandat d’arrêt européen, explique Juan Branco. «Le Royaume Uni a modifié sa loi pour que les mandats d’arrêt ne concernent que les inculpés, pas les simples suspects», détaille-t-il. En principe, cette loi n’est pas rétroactive.
Que risque Julian Assange ?

Le peine maximale prévue pour le viol est quatre ans de prison. Mais ce que redoute surtout Julian Assange, c’est d’être extradé vers les Etats-Unis. Ses défenseurs doutent depuis le début de la sincérité de la procédure suédoise. Gavin MacFadyen cite l’exemple des SMS échangés entre les deux plaignantes, dans lesquelles elles parlent de «vengeance».

Aux Etats-Unis, un grand jury enquête depuis 2010 sur Assange et WikiLeaks. La justice américaine a recours l’Espionage Act, une loi adoptée en 1917, en pleine Première guerre mondiale… L’administration Obama seule a plus utilisé ce dispositif légal contre les lanceurs d’alerte et les journalistes que toutes les administrations précédentes réunies.

Et c’est pour violation de l’Espionage Act que Chelsea Manning a été condamnée à trente-cinq ans de prison en août 2013 pour avoir transmis les centaines de milliers de documents secrets à WikiLeaks. Ses conditions de détention sont particulièrement dures depuis. Elle risque d’être à nouveau placée à l’isolement pour possession de dentifrice périmé et de divers magazines, dont le numéro de Vanity Fair sur Caytlyn Jenner, transgenre tout comme Chelsea Manning.

Les défenseurs d’Assange assurent que cette épée de Damoclès ne mettra pas un terme aux publications de WikiLeaks. Gavin MacFadyen renvoie aux déclarations récentes du fondateur de l’organisation. En juillet, Julian Assange expliquait au Spiegel avoir mis au point une plateforme de nouvelle génération pour recevoir des documents, et «crouler sous les documents».
Pierre ALONSO

Posted by on Aug 14 2015. Filed under Actualités, En Direct, Faits Divers, Featured. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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