Cannabis: l’ignorance touche les plus hauts niveaux de l’Etat…



Par Marie Danielle Selvon, Députée, CPE (Law, UK); GDLP (Bar Practice, with Distinction, Australia); Advanced Dip. (Psychology, UK)

+ Quand le cannabis a été interdit à Maurice, par l’Ordonnance No.5 de 1934, notre Premier ministre était encore un bébé, mais il a dû humer l’odeur du cannabis qu’on fumait légalement depuis 1883 sous la Gandia Ordinance

Les pays riches créent leur propre miracle économique avec le Cannabis sativa. Microsoft, le géant de l’informatique et, comme annoncé par BBC News le 17 Juin, 2016, fait maintenant officiellement partie de ce secteur économique du gandia de USD 7 milliards du “gandia”, en forte croissance aux Etats-Unis. Un secteur basé sur une utilisation récréative et médicale (excluant le cannabis pour l’industrie qui rapporte encore plus)!

Dans le Queensland, province tropicale d’Australie, le Cannabis sativa du type utilisé pour l’industrie (pour les fabricants de textile, d’aliments pour humains et animaux, et même les fabricants de voitures, et de nombreux autres secteurs industriels), a été expérimenté avec succès en tant que culture complémentaire dans les champs de canne à sucre pour la production de fibres industrielles parce que les marchés mondiaux post-COP 21 sont en forte croissance pour les fibres naturelles et parce que la plante enrichit le sol et se développe avec peu ou pas de pesticides. Qui s’y intéresse au sein du gouvernement mauricien? Personne…

A Maurice, la plupart des dirigeants politiques plus âgés et parfois plus jeunes ne sont pas conscients que le nom botanique de Cannabis sativa L est donné par la science à deux types de Cannabis sativa L. Ils ne savent pas que la Mauritius Revenue Authority décrit officiellement le cannabis importé et exporté par Maurice comme «true hemp», et cite son nom botanique de Cannabis sativa L, dans sa liste officielle des tarifs douaniers mise à jour au 1er janvier 2016, parce que Maurice importe et exporte du cannabis ‘raw’ et aussi traité, en dépit du fait que le Dangerous Drugs Act (DDA) impose un ‘blanket ban’ sur ce produit.

Cette interdiction aveugle sous la DDA ne fait pas de discrimination quant à savoir si c’est le cannabis importé pour les secteurs de l’alimentation et du textile pour les humains et les animaux, ou en tant que produits de haute couture d’Armani, voire le cannabis utilisé dans les médicaments, dont ceux de la médecine ayurvédique, ou encore comme un intoxicant qu’on fume ou qu’on boit? Il n’existe aucune distinction légale comme il en existe dans les législations de grands producteurs de cannabis industriel comme les Etats Unis, la Chine ou la France.

Demandez à n’importe quel député ou ministre qui porte des produits de haute couture Armani s’il ou elle est conscient qu’il ou elle peut bien être vêtu d’une chemise ou une robe faite de cannabis et qu’il en mange ou en boit au petit déjeuner. La réponse pourrait être oui, je l’espère, à la suite des récents articles très informatifs à ce sujet dans L’Express. Mais, demandez à cette même personne si le chanvre est officiellement classé comme Cannabis sativa par le Département des douanes du gouvernement et la MRA, il elle va vous dire «Non pas vrai! ”
L’ignorance ne tuant pas, il n’en est pas moins vrai qu’une personne qui importe du Cannabis sativa de d’Europe a été arrêtée et accusée, selon les journaux locaux, sous la DDA, dans l’indifférence totale des législateurs mauriciens. La police n’a pas dit si c’était les graines de cannabis utilisées dans tout les pays du monde comme nourriture pour oiseaux ou du cannabis pour fumeurs.

En Australie, le gandia promet un miracle ou boom économique dans l’industrie de la canne à sucre. On n’en sait rien à Maurice, surtout au gouvernement pour qui le projet de miracle économique est d’abord et avant tout fondé sur les ‘smart cities’. Je suis d’accord avec les ‘smart cities’, mais nous devons aussi apprendre des pays riches pour lesquels le miracle économique se fait aussi dans l’agro-industrie. Le journal australien Rural écrit:
“Some cane growers are hoping the possibility of new laws allowing medicinal cannabis to be legally cultivated and manufactured could improve soil health and boost profitability. State Cabinet will consider draft legislation to provide therapeutic marijuana to Queensland patients, and some Mackay cane growers have shown interest in getting an industry up and running in the tropical north.” A Maurice, les planteurs abandonnent les terres de sucre, avec environ 12.000 arpents déjà laissés sans surveillance.

Nous avons un Premier ministre qui répond automatiquement, à la simple mention du mot «cannabis» à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement: «Tant que je serai Premier ministre le cannabis sera interdit à Maurice et je n’ai pas l’intention de modifier la DDA en ce qui concerne la définition de cannabis». Le ministre de la Santé répète béatement la même chose partout où il va, y compris devant la Commission d’enquête sur la drogue. En tant que membre de l’exécutif, légiste et législateur, il aurait dû, le moins qu’on puisse attendre d’une personnalité à ce niveau de l’Etat, être capable de discerner entre cannabis industriel et cannabis fumé et consommé dans les boissons et de se documenter à ce sujet. Je parie qu’il n’a même pas lu les reportages plus informés que lui, publiés dans L’Express, sur le chanvre.

Mon point de vue est que l’opinion gouvernementale et du Cabinet ministérielle est mal informée, mais je ne vais pas jeter le blâme pour cela sur les épaules du Premier ministre parce qu’il a également dit, à une question que j’ai posée au Parlement, qu’il n’est «pas au courant» que Maurice importe le cannabis selon même le gouvernement et la MRA, et que Maurice en exporte selon une brochure de promotion d’Entreprise Mauritius à des foires internationales, dont j’ai une copie. Le Premier ministre est tout simplement mal conseillé et c’est extrêmement grave pour le pays.

Il y a comme une épaisse fumée autour de la question du cannabis à l’Ile Maurice ! Sur le plan international, la pratique de tous les gouvernements est de faire la différence dans leur législation entre deux types de cannabis.

L’un est le Cannabis sativa L utilisé à des fins industrielles. L’autre est Cannabis sativa L qui est utilisé à des fins médicales ou consommé comme «gandia». Les deux étaient légalement autorisés, importés, distribués et vendus dans les boutiques et les pharmacies à Maurice de 1883 à 1934, sous un contrôle très strict du gouvernement selon l’ordonnance No. 25 de 1883 qui avait été adoptée par le Conseil de Gouvernement à Maurice et approuvé par la Reine Victoria, je cite, “pour permettre et réglementer l’importation et vente de Gandia “.

Quand le cannabis a été interdit à Maurice, par l’Ordonnance No.5 de 1934, notre Premier ministre était encore un bébé, mais il a dû humer l’odeur du cannabis qu’on fumait et qu’on buvait légalement à l’époque à travers tout le pays. Nos ancêtres venus de l’Inde, nous apprend la Professeure Gurib-Fakim, avaient introduit le gandia à Maurice pour le fumer, le boire et pour se guérir de diverses maladies. On achetait les pouliahs de gandia soigneusement gardés et pesés par les services du gouvernement, sous un contrôle extrêmement strict par la Gandia Ordinance.

Je veux, en tant que membre de l’Assemblée nationale de Maurice, aider à informer correctement l’opinion publique et l’establishment politique. Je vais utiliser le nom ‘gandia’ juste pour le distinguer du cannabis industriel, bien que les deux indiquent botaniquement la même plante, seulement différenciées dans lois européenes et américaines comme celles des autres nations, par leur teneur en l’ingrédient psycho-actif appelé THC (tétra-hydro-cannabidiol ). Vous ne pouvez pas, aux Etats-Unis, poursuivre pénalement quelqu’un sans utiliser la preuve légale que le cannabis saisi sur une personne a plus que la limite légale de 0,3% de THC.

La loi française, selon la Fédération de Producteurs de chanvre de France met la limite à 0,2%, tandis que la Jamaïque a modifié sa loi sur les drogues dangereuses en 2015 pour mettre la limite à 0,1%.

Voilà pourquoi, en tant qu’avocate, je pense que désormais, la police perdra tous ses cas concernant le ‘gandia’ devant les tribunaux, la Forensic Science Laboratory ne trouvant pas nécessaire de faire la différence entre les deux types de Cannabis Sativa L. Et que c’est aussi la raison pour laquelle je demande au Premier ministre, même s’il n’est pas intéressé de savoir quoi que ce soit au sujet du boom économique de plusieurs milliards de dollars de l’industrie renaissante du ‘gandia’ aux Etats-Unis et au Canada (et qu’il a dit qu’il ne veut pas modifier la loi à Maurice pour une distinction fondée sur la teneur en THC de tout Cannabis sativa), il faut que nous justifions tout au moins l’inclusion du Cannabis sativa L ‘du gouvernement’ dans nos règlements douaniers.

Maintenant, voici un peu d’histoire à propos du ‘gandia’. Toutes les voiles et les cordages de la Royal Navy étaient jadis fabriqués à partir de la meilleure de toutes les fibres, celle du cannabis. Le Royaume-Uni était alors, au 19ème siècle, le plus grand négociant d’opium et de gandia jamais vu dans l’histoire du monde. Les Britanniques ont combattu les fameuses «guerres de l’opium» au 19ème siècle pour forcer le gouvernement chinois d’accepter l’opium vendu par les marchands britanniques. Presque tout le papier dans les pays riches et les tissus de leurs industries textiles étaient fabriqués à partir du cannabis. La Constitution américaine a été écrite pour la première fois sur le papier de cannabis. Les premiers présidents américains cultivaient du cannabis appelé «chanvre» ou «vrai chanvre» (true hemp) pour utiliser un terme employé aujourd’hui par le gouvernement mauricien et Statistics Mauritius.

A Maurice, la Gandia Ordinance de 1883 a été adoptée comme expliqué au début même du texte de loi comme suit: “WHEREAS the operation of the law hitherto prohibiting the importation and sale of Gandia has not been satisfactory; and it is considered expedient to authorise the importation and sale of the said drug under certain conditions…” En fait, cette loi est rédigée en plusieurs sections et impose des conditions très strictes.

Seule la culture de gandia n’avait pas été autorisée parce que les Britanniques avaient prévu, et ont réussi à faire de l’île Maurice et plusieurs autres colonies insulaires, des sugar monocrop economies, comme les historiens britanniques ont découvert, de manière à protéger les raffineries de sucre britanniques qui étaient au bord de la faillite en raison de la concurrence étrangère. L’historiographie mauricienne ne met pas l’accent sur cette motivation de Londres, sauf dans un livre sur l’histoire de l’entreprise privée à Maurice intitulé «In Search of Excellence», publié il y a deux ans. Les Britanniques ont tué à Maurice une diversification agricole et économique qui avait été un succès depuis La Bourdonnais.

Le Sénat canadien a publié un volumineux rapport en 2002 décrivant comme «raciste» l’interdiction du cannabis par la Société des Nations en 1925 à l’initiative du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Cette interdiction a détruit les agro-industries du gandia du Tiers Monde, dont l’Inde et le Mexique, au profit des industries occidentales naissantes des fibres, fils et tissus artificiels. Le 2 d’avril 1925, même les députés à la Chambre des communes ont protesté avec véhémence à l’heure des questions parce que l’interdiction allait ruiner les commerçants et boutiquiers britanniques qui vendaient alors, je cite ici le Hansard du Parlement anglais, «des millions d’articles» en cannabis.

L’Inde a refusé après son indépendance de signer l’interdiction internationale sur le cannabis jusqu’en 1985, quand elle néanmoins maintenu la vente de bhang par des boutiques publiques à partir des feuilles vertes de la plante.

L’Inde a ainsi, heureusement, protégé ses grandes productions pharmaceutiques industrielles et traditionnelles, en particulier pour les médicaments ayurvédiques, qui utilisent beaucoup de cannabis et même exportent ces produits vers Maurice à nos services hospitaliers ayurvédiques publics.

Les personnes nées au 21ème siècle vont voter pour la première fois en 2019, en s’ajoutant à ceux qui sont nés dans les années 1990. Avec le changement de générations, nous espérons que les choses changeront pour le meilleur. Je ne réclame pas la décriminalisation du gandia, mais j’ai demandé dans des PQs au Premier ministre s’il commanditerait aux scientifiques et aux économistes mauriciens des études scientifiques et économiques indépendantes sur le gandia. Il m’a répondu un non catégorique.

Alors, qu’on fasse le miracle économique à notre manière et que les pays riches continuent à s’enrichir de l’industrie du cannabis jusqu’à ce que…

Additional notes by Marie Danielle Selvon:
All of the most important reports in the world, the most detailed to this date being the 1894 Indian Hemp Drugs Commission Report, have concluded in favour of the legal consumption of gandia as an intoxicant (whisky, rum, etc.). Here are the major reports anybody can consult:

1. Indian Hemp Drugs Commission, 1894
The commission has come to the conclusion that the moderate use of hemp drugs is practically attended by no evil results at all.

2. Panama Canal Zone Report, 1925
The influence of [marihuana] … has apparently been greatly exagerated …. There is no evidence … that it has any appreciably deleterious influence on the individual using it.

3. LaGuardia Commission Report, 1944, Mayor’s Committee on Marihuana, by the New York Academy of Medicine, New York, USA. There [is] no direct relationship between the commission of crimes of violence and marihuana … and marihuana itself has no specific stimulant effect in regard to sexual desires. The use of marihuana does not lead to morphine or cocaine or heroin addiction.

4. The British Wootten Report, 1969
We think that the dangers of [marijuana] use as commonly accepted in the past… have been overstated… There is no evidence that in Western society serious physical dangers are directly associated with the smoking of cannabis.

5. The Canadian LeDain Commission Report, 1970
Physical dependence to cannabis has not been demonstrated and it would appear that there are normally no adverse physiological effects … occurring with abstinence from the drug, even in regular users.

6. National Commission on Marijuana and Drug Abuse, 1972 (National Center for Biotechnology Information, USA)
There is little proven danger of physical or psychological harm from the experimental or intermittent use of natural preparations of cannabis… Existing social and legal policy is out of proportion to the individual and social harm engendered by the drug.

7. The Dutch Baan Commission, 1972
Cannabis does not produce tolerance or physical dependence. The physiological effects of the use of cannabis are of a relatively harmless nature.

8. Commission of the Australian Government, 1977
One of the most striking facts concerning cannabis is that its acute toxicity is low compared with that of any other drugs… No major health effects have manifested themselves in the community.

9. National Academy of Sciences Report, 1982, USA
Over the past 40 years, marijuana has been accused of causing an array of antisocial effects including … provoking crime and violence, … leading to heroin addiction, … and destroying the American work ethic in young people. [These] beliefs … have not been substantiated by scientific evidence.

10. Report by the Dutch Government, 1995
Cannabis is not very physically toxic… Everything that we now know … leads to the conclusion that the risks of cannabis use cannot … be described as “unacceptable.”

ON THE SUBJECT OF RACISM LINKED TO CANNABIS PROHIBITION:
11. Senate Of Canada, Our Position For A Canadian Public Policy. Report Of The Senate Special Committee On Illegal Drugs. Volume Iii : Part Iv And Conclusions:
While Britain balked at introducing control mechanisms that would deprive it of hard currency, the United States realized at the turn of the century that this was a perfect opportunity to assert itself on the international scene. The drug story’s geopolitical ingredients blended with well-known domestic political interests, racist attitudes and economic interests in a complex cocktail. In Chapters 11 and 12, we touched on certain aspects of the anti-Chinese racism that marked the turn of the century in Canada. The same phenomenon existed in the U.S.

Posted by on Jul 3 2016. Filed under Edito, En Direct, Featured, Opinion, Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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