Clasico : Mourinho beat-breaker !



« Beat-breaker »… Casseur de rythme. Briseur de tempo. José Mourinho a enfin battu le FC Barcelone (2-1) chez lui au Camp Nou en sabordant d’abord le rythme de jeu du Barça. Décryptage très perso…
Blaugrana Beat

Vous avez déjà joué dans un groupe de rock avec un mauvais batteur ? C’est horrible. Surtout quand il ne tient pas le beat et vous ralentit la zique. Autre exemple : on fonctionne tous à l’ADSL. Alors imaginez que par phases imprévues, vous retombiez par moments en moyen, voire bas débit… Vous devenus fous. Vous massacrerez même la machine si en plus elle se met à bugger. Mais revenons à la musique : le CD qui saute, le vinyle qui raye, le Dee-Jay qui enquille mal sur les changements de tempo… Bef, tous ces trucs qui vous ruinent la transe, la continuité… Qui vous ruinent le beat, quoi ! Ben, en foot c’est pareil. Surtout avec le Barça. Le Barça c’est une petite musique entêtante qui ne s’arrête jamais, calée sur le beat de la possession de balle : à toi-à moi-à toi-à moi-à toi-à moi-à toi-à moi, etc. Traduction simultanée sur le terrain : tiki-taka-tiki-taka-tiki-taka-tiki-taka, etc. Le « etc » est très important vu qu’il indique une continuité inlassable, une possession de balle maximale que justement le Barça se complait à pulvériser (des moyennes qui frisent parfois les 80 %). Voilà : le Barça joue sur un beat hypnotique qui étourdit l’adversaire. En un mot : le Barça impose sa transe, installe un va-et-vient régulier qui condamne l’adversaire à suivre bêtement ses mouvements vu qu’il est totalement dépossédé du ballon. Si par bonheur, l’adversaire le récupère, la machine blaugrana le lui reprend aussitôt grâce à son pressing redoutable. Et ensuite, hop ! Le Barça remet ça : tiki-taka-tiki-taka-tiki-taka…

Voilà pourquoi la récupération du ballon est si cruciale pour le Barça : chaque interruption de sa possession de balle dérègle son tempo, perturbe son cool. Ecoutez Xavi : « C’est le grand principe de défense qu’on nous apprend dès notre arrivée à la Masia : le meilleur moyen de bien défendre, c’est encore d’avoir le ballon. Le conserver, le conserver, tous les jours, pendant des années (sic), on nous a répété ça. Quand tu rabâches ça à un type un peu maniaque dans mon genre, il y a des chances pour qu’il fasse du zèle… Ne jamais perdre le ballon, c’est devenu mon obsession. Une maladie ! (sic) ». Conserver la balle, c’est garder le beat… Xavi est bien sûr le métronome de la techno catalane : c’est lui qui donne le tempo et régule les vagues offensives. Seul Messi, électron libre hors norme, détient le pouvoir d’accélérer brusquement le beat quand il le désire. Ces éclairs de Messi, ces phases plus speedées saisissent à froid un adversaire jusque là hypnotisé par la « petite musique » lancinante et les plongent brusquement dans le trou noir, à la rue… Et puis, le beat qui rend fou reprend à nouveau, avec Xavi aux manettes (à la manita ?) : tiki-taka-tika-tiki-taka, etc.

José l’intériste…

Du coup, bien contrer le Barça, c’est déjà  enrayer son foutu beat : le ralentir, le casser, le délayer… Et ça, Mourinho sait faire. Je rappelais jeudi comment son Inter 2010 avait terrassé le Barça à San Siro (3-1) : en jouant souvent long, voire très long, dans le dos des défenseurs blaugranas, les faisant reculer sous la menace des flèches Eto’o et Milito. Le but de la manœuvre était de briser le beat catalan : faire reculer aussi souvent possible le Barça sur ses bases, le forcer à repartir de très bas pour ralentir la construction de son jeu. Tout faire pour enrayer la possession continue du Barça et empêcher un démarrage trop facile au niveau de la ligne médiane. Ajoutée à ça, la peur qu’inspirait un Eto’o, rapide, rusé et létal sur juste un seul ballon… Samedi soir, le Mou a donc remis ça. Revoyez le match : le Real a quasi systématiquement balancé dans la profondeur, au détriment de longues préparations. Parfois même en « ballon mort », c’est-à-dire volontairement expédié le plus loin possible dès la récup’ pour repousser et maintenir longuement l’arrière garde catalane dans ses 30, voire 20 derniers mètres. Entre autres, Iker Casillas a privilégié les longs dégagements en assumant ces ballons perdus puisque souvent « rendus à l’adversaire ». Un Özil pourtant libre de ses mouvements a par exemple sciemment balancé devant à la 25ème… En contrepartie, le Barça qui récupérait ces ballons agissaient sous la menace de trois requins aux dents acérés, vifs, technique, capables d’exploiter la moindre miette et généreux dans l’effort : Cristiano, Benz et Di Maria (un chien de première au pressing, çui-là !). Forcer le Barça à faire machine arrière toute, pour dérégler son organisation trop pépère.

Qui plus est, Guardiola avait aligné une défense à trois (un truc risqué), composée de Puyol à droite, Mascherano dans l’axe et Adriano à gauche. Sur le papier, ces trois-là c’était pas vraiment un modèle de stabilité et de bons automatismes. Un détail qui n’aura donc pas échappé à Mourinho qui a donc porté le fer sur ces trois-là, où ça faisait le plus mal. Et ça a marché : Cristiano a inscrit le but vainqueur sur une énième balle en profondeur de Özil, dans le dos de Mascherano… De fait, un Barça sur le reculoir est un Barça plus gêné, plus lent sur son tempo, dans son élaboration du jeu. Mis sous pression dans sa première relance (là où commence le jeu blaugrana), neutralisé au milieu par un bloc homogène étendu sur 30 mètres à hauteur de la ligne médiane (comme Chelsea, par moments, mercredi soir), le blaugrana beat perdait donc de sa fluidité, de sa régularité. Techniquement, Mourinho a pris un max de risques en alignant des vrais manieurs de ballons, les meilleurs. Tactiquement aussi, avec un bloc haut et compact et un Casillas en quasi libéro (voir sa sortie supersonique sur Dani Alvès, après la bourde de Pepe en début de match). Le choix de la « non-violence » a payé et surtout le piège du hors-jeu remarquablement en place en première mi-temps a contribué aussi à dérégler la machine catalane.

José le filou !

Je me trompe peut-être mais je ne pense pas que Mourinho croyait vraiment gagner au Camp Nou, même en alignant une équipe joueuse. Evidemment, toute victoire qui s’offrirait serait bonne à prendre et son Real ne s’en serait pas privé. Ramener un nul me semblait plus son option première. Rien que le fait d’envoyer Karanka aux conf’ de presse avant et après le Clasico, c’était une façon de rester attentiste, de se prémunir un peu en cas de déconvenue. Le vrai Mourinho fait toujours face. Or, là, il s’est un peu défilé… Reste que c’est son Real qui a ouvert la marque, initiant un scénario favorable inattendu mais qui ne bouleversa pas sa stratégie de briser la techno catalane. Usant même de méthodes de filou déjà employées avec son Inter, mais au match retour au Nou Camp (0-1)… Que ce soit en 2010 ou samedi soir, tout aura été bon pour casser le rythme d’un Barça encore maître du jeu. Casillas a pris tout son temps sur les dégagements en 6 mètres (il évitait souvent les ballons redonnés prestement par les ramasseurs de balles pour aller chercher le ballon plus lointain sorti en 6mètres !). Özil a pris un jaune pour gain de temps (77ème). Trois autres jaunes (Pepe, Xabi Alonso, Granero) ont surtout permis de hacher le jeu plus que les joueurs catalans. Certaines remises en touche traînaient en longueur au milieu des palabres avec l’arbitre. Les moindres chocs (même bénins) ont souvent immobilisé au sol des Madrilènes truqueurs. Palme d’or du mauvais comédien à Benzema, touché en seconde mi-temps, « sérieusement » en apparence (on a même cru qu’il allait sortir), mais qui a bien fini le match sur un super sprint et une frappe à la 83ème. Pepe, touché aussi, a bien sûr simulé, la voiturette-ambulance est même venue le chercher ! Pour rien, bien sûr : le Portugais (très bon, samedi) est revenu sur le terrain sans besoin de se faire remplacer.

Comme en 2010, que de temps gagné, de minutes écoulées pour casser le rythme du Barça… Bien vu : des Barcelonais excédés ont souvent perdu leurs nerfs face à des Madrilènes truqueurs mais étonnamment très calmes. Le Barça forcé de jouer sur un tempo saccadé qui ne lui convient pas, a perdu le fil, perdu sa rythmique, perdu la transe. La preuve, c’est Xavi, son métronome fatalement enrayé, qui est sorti très tôt (69ème), sans doute aussi en vue du retour de C1 contre Chelsea. Proprement neutralisé par Xabi Alonso, Pepe et Khedira, Messi n’a pu accélérer les BPM (Battement Par Minute). C’est Alexis Sanchez qui s’en chargera, mais tardivement (entré à la place de Xavi).

Réduire la victoire du Real à la ruse de Mourinho serait bien sûr excessif. Le Mou a tout simplement aligné des super joueurs de ballon, et perfectionné son équipe. Notamment derrière où ses défenseurs ont assuré une couverture mutuelle en marquage alterné dans les diaboliques courses croisées dans le dos dont le Barça a le secret. Le tout, sans commettre l’irréparable : pénos, agressions graves, expulsions. Un dernier mot sur ce Barça : la fatigue et les absents cruciaux (Abidal, Villa et Piqué, étrangement « puni ») l’ont grandement pénalisé. Idem pour la Messi-dépendance cruellement mise en évidence, samedi. Chelsea et le Bayern gagneront peut-être le droit très légitime de jouer la finale de C1 en mai prochain. Mais un dernier Clasico à l’Allianz Arena avec ces deux équipes espagnoles au taquet, je suis encore très preneur…

Chérif Ghemmour

PS : Je vous recommande le numéro spécial Barça de l’Equipe-Mag de samedi (j’en ai tiré la citation de Xavi, reprise dans l’article). Trouvez-le, achetez-le, volez-le ! Interview anthologique de Johan Cruyff.

Posted by on Apr 24 2012. Filed under Sports. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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