Zimbabwe: La circoncision changera-t-elle les comportements ou renforcera-t-elle le machisme?



Par Rashweat Mukindu

Harare. On pouvait ressentir une curiosité retenue chez une douzaine d’hommes – jeunes comme vieux – attendant leur tour d’être circoncis au centre de planning familial de Silhaus à Harare.

A la suite de recherches ayant prouvé que la circoncision réduit jusqu’à 60% le risque de transmission du VIH/SIDA, ce programme de circoncision financé par le USAID vise à circoncire deux millions de Zimbabwéens d’ici 2015. Jusqu’ici 55 000 d’entre eux s’y sont soumis.

Je me suis porté volontaire pour cette intervention après un test de dépistage contre le VIH/SIDA et après m’être fait conseiller de le faire.

Avant cette intervention chirurgicale, les participants sont soumis à un test de dépistage du VIH/SIDA et sont conseillés. Ils prennent aussi part à une discussion de sensibilisation à propos des bénéfices de cette intervention qui a pour résultat de rassurer la plupart des hommes présents.

Avant l’intervention, ils sont anesthésiés localement par injections et on peut entendre les plaintes de certains d’entre eux alors que le personnel infirmier féminin ne manque pas de rire sous cape des hommes «faibles» parmi le lot.

Ces fichus stéréotypes du genre sont encore présents et en tant qu’hommes, il est attendu de nous que nous gardions notre contenance tandis qu’on nous opère. Je me demandais en grinçant des dents dans quoi je m’étais fourré en me soumettant à cette intervention.

Celle-ci a été rapide et au final, le chirurgien m’a montré un bout de peau qui m’a semblé immense. J’ai rejoint les autres hommes qui s’étaient fait circoncire en même temps que moi en me demandant s’ils seraient en mesure de fonctionner normalement.

Presque tous arboraient un air de triomphant sur le visage. Un peu plus tard, lorsque j’ai annoncé la nouvelle à mes amis sur Facebook, j’ai reçu des réactions mitigées. Certains se demandaient si j’avais perdu l’esprit alors que d’autres s’interrogeaient sur comment j’avais pu tomber dans le piège de la propagande des bailleurs de fonds. De l’autre côté, la plupart de mes amies m’ont félicité, trouvant que j’avais pris une décision courageuse.

La circoncision demeure une question qui polarise l’attention, en particulier entre femmes et hommes. Plusieurs amies réalisent les bénéfices évidents de cette pratique pour la santé incluant un risque moindre de contamination au VIH/SIDA. Pour les femmes en particulier, cela signifie que si leur partenaire les trompe, elles sont moins vulnérables face au virus.

La circoncision a eu énormément de soutien au niveau national et 175 parlementaires se sont portés volontaires pour le faire.  Dans un récent article de presse dans le New Zimbabwe, Blessing Chebundo, parlementaire du Kwekwe et président du comité parlementaire sur le VIH/SIDA a déclaré que les parlementaires sont prêts à donner l’exemple aussi bien en matière de test de dépistage volontaire contre le VIH/SIDA que pour la circoncision et inspirer les jeunes à leur emboîter le pas. «Nous devons nous rendre dans nos circonscriptions, provinces, districts, quartiers et villages pour répandre le message de lutte contre le VIH/SIDA et encourager les hommes à se porter volontaires pour la circoncision».

Alors que des parlementaires s’y soumettent de bonne grâce, d’autres comme Magwegwe Magalela Sibanda, estiment que c’est une affaire de jeunes. «Le VIH/SIDA doit figurer dans le programme d’études des jeunes et pas être expliqué aux parlementaires. J’ai 65 ans et c’est à cet âge-là que vous vous attendez à ce que je me fasse circoncire alors que j’ai conçu 18 enfants sans circoncision!»

Il semblerait que certains parlementaires soient réticents à le faire en raison de certaines initiatives rattachées à ce programme, liées à la santé et aux bailleurs de fonds.

Tandis que les bénéfices de cette pratique ont été prouvés, la tentation pour les hommes circoncis de se sentir «protégés» et d’avoir des comportements sexuels à risques peut croître en raison de ce programme.

Quelques semaines après, j’ai croisé un des hommes qui avait subi la circoncision avec moi et il m’a dit que maintenant qu’il avait cicatrisé, il voulait tester son sexe. Il était clair dans sa façon de s’exprimer qu’il allait le faire avec plusieurs partenaires sexuelles pour s’assurer que tout allait bien.

Ce qui montre bien l’attitude des hommes circoncis qui croient que cette intervention est une licence pour des relations sexuelles non-protégées. Les messages à propos des bénéfices de la circoncision ne semblent pas suffisamment intégrés dans les campagnes de prévention contre le VIH/SIDA. Celles-ci ne mettent pas assez l’accent sur le fait que même les hommes circoncis qui ont des comportements risqués peuvent contracter le virus et le propager. Il est donc important de continuer à mettre l’accent sur l’utilisation du préservatif et sur l’accès aux autres méthodes de prévention contre le VIH/SIDA qui renforce le pouvoir des femmes sur leur sexualité.

La circoncision n’apportera pas forcément des modifications du comportement sexuel des hommes. Pour les machistes, cela peut représenter un autre trophée. Ces hommes n’ont pas encore compris le message de cette pratique à l’effet qu’elle n’est qu’une méthode de prévention et qu’ils doivent continuer à utiliser des préservatifs et être fidèles.

Nous ne pouvons que souhaiter que les hommes circoncis le comprennent. Ma cicatrice est permanente et j’espère qu’elle sera un rappel constant de la fidélité et de l’engagement réel à la famille, au couple et au mariage.

Rashweat Mukundu est un journaliste zimbabwéen et un activiste des droits humains. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

 

 

 

Posted by on Nov 6 2012. Filed under Monde. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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