Jeremy Corbyn: qui est le nouveau chef du parti travailliste britannique



GRANDE-BRETAGNE – L’opposition britannique a un nouveau visage. Sans surprise, le Parti travailliste britannique a désigné ce samedi 12 septembre Jeremy Corbyn comme son leader. Âgé de 66 ans, ce député au discours radical va donc succéder à Ed Miliband, battu aux dernières élections législatives. Sauf crise interne, c’est aussi lui qui briguera la succession de David Cameron au 10, Downing Street en 2020.

Près de 610.000 votants (adhérents du Labour, syndicalistes et sympathisants) étaient appelés jusqu’au 10 septembre à désigner leur nouveau chef et Jeremy Corbyn a largement triomphé dès le premier tour (59,5% des voix) après une campagne sans éclat. L’élu du Nord de Londres, qui partage les idées de Syriza, veut mettre fin à la politique d’austérité, imposer une taxation plus élevée des plus riches et renationaliser des industries comme le rail.

Jeremy Corbyn, figure anti-austérité aux antipodes de la doxa sociale-libérale des héritiers de Tony Blair, a affiché durant la campagne jusqu’à 30 points d’avance sur ses poursuivants Andy Burnham, Yvette Cooper et Liz Kendall. “Stéréotype du gauchiste nord-londonien”, selon l’hebdomadaire de gauche New Statesman, il est végétarien, ne boit pas d’alcool, cultive son propre jardin et se déplace à vélo. Allergique aux cravates, celui-ci reconnait même avoir divorcé de la deuxième de ses trois épouses parce qu’elle voulait envoyer leurs enfants dans une école privée.

“Nous changeons la politique au Royaume-Uni, nous défions l’idée qui voudrait que seules les questions individuelles comptent et à la place, nous disons que le bien commun est notre aspiration à tous”, a-t-il affirmé jeudi lors de son dernier meeting de campagne. “Levez-vous contre ce que fait ce gouvernement. Levez-vous contre ces coupes budgétaires honteuses”, a ajouté ce pacifiste convaincu, favorable à la dépénalisation du cannabis.

Style de vie ascétique

“Je mène une vie normale, je roule à vélo, je n’ai pas de voiture. Je ne suis pas très dépensier”, disait Jeremy Corbyn au Guardian en juin. Les malfrats qui ont cambriolé sa modeste maison il y a quelques années, repartant avec un blazer rouge qu’ils allaient finir par jeter, peuvent témoigner d’un style de vie dépouillé. Lorsque le scandale des notes de frais a secoué Westminster en 2009, on a appris que Corbyn était le député réclamant le moins de remboursements: 8,99 livres pour une cartouche d’encre.

Même ses ennemis le reconnaissent : Jeremy Corbyn est un homme respectable, profondément gentil. “C’est agréable de prendre le thé avec lui et il est totalement sincère, même si ses idées remontent au Jurassique”, souligne Alex Burghart, candidat conservateur malheureux contre lui en mai dernier.

Ces qualités ont largement contribué à son succès. Elles alimentent également les critiques de ceux qui jugent qu’il n’a pas l’étoffe d’un leader et encore moins d’un Premier ministre.

Des excuses pour l’Irak

Impliqué dans les organisations Stop the War Coalition et Campaign for Nuclear Disarmament, Corbyn est hostile au fonctionnement actuel de l’Otan et favorable au démantèlement des sous-marins nucléaires britanniques Trident. “Il nous faut nous débarrasser des armes nucléaires coûteuses et dangereuses, et mettre un terme aux guerres qui ont ravagé le monde ces dernières années”, dit le député, qui entend également associer le Hamas et le Hezbollah aux pourparlers de paix au Proche-Orient.

Il a par ailleurs déclaré qu’il présenterait des excuses pour l’intervention des Britanniques en Irak s’il devient leader du Labour : “Il est grand temps que le Labour présente ses excuses au peuple britannique pour l’avoir entraîné dans la guerre en Irak sur la base d’une tromperie et au peuple irakien pour les souffrances que nous avons contribué à causer”.

La suite ne s’annonce pas de tout repos pour le nouveau leader, qui a fait l’unanimité contre lui dans l’establishment centriste de son parti. Son élection risque de diviser le Labour mais de réjouir le Premier ministre conservateur David Cameron tout en lui donnant quelques maux de tête, estiment les analystes qui donnent peu de chance au vétéran socialiste de devenir à terme Premier ministre, justement car ses idées détonnent trop dans le paysage politique.

“Son travail va être infernal”

“Si Corbyn est élu, il va rapidement découvrir que son travail de chef du parti va être infernal”, estimait ainsi Eunice Goes, auteure d’un livre à paraître sur Ed Miliband. “Abstentions, rébellions, menaces de scission et coups bas dans les médias vont être le quotidien du Labour sous Corbyn”, prédit-elle. Raison pour laquelle les conservateurs se réjouissent à la perspective de l’arrivée au pouvoir du “camarade Corbyn”.

Certains d’entre eux s’étaient même enregistrés comme sympathisants du Labour pour pouvoir voter pour lui, encouragés par une suggestion en ce sens du Daily Telegraph, l’un des quotidiens les plus lus et soutien inconditionnel des conservateurs. Les milieux d’affaires britanniques, traditionnellement conservateurs, étaient peu intervenus dans le débat, se contentant de mettre en garde contre certaines propositions de Jeremy Corbyn, comme plafonner les très hauts revenus ou renationaliser certaines industries.

Quelque 55 économistes avaient signé une lettre parue dans le Financial Times pour dénoncer les projets “dangereux” de Jeremy Corbyn mais 40 autres avaient signé un message de soutien en sa faveur. Son éventuelle élection “n’inquiète pas les milieux d’affaires, ils s’en fichent”, avait estimé Iain Begg, professeur à la London School of Economics, car “avec Corbyn, la possibilité que le Labour gagne (aux élections générales de) 2020 est minime”.

Une chance pour David Cameron?

Mais la victoire de Corbyn risque aussi de compliquer la tâche de David Cameron en politique étrangère, sur la Syrie et l’Union européenne en particulier. Depuis la défaite d’Ed Miliband, David Cameron dispose d’une courte majorité à la Chambre des Communes. Pour peu que quelques députés de son camp fassent défaut, il pourrait ne pas arriver à réunir le soutien nécessaire aux frappes en Syrie contre l’Etat islamique qu’il préconise, surtout avec un Labour dirigé par un pacifiste militant.

Cela risque aussi compliquer la tâche du Premier ministre qui va faire campagne pour un maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne, en vue du référendum organisé sur ce thème d’ici la fin 2017. Le Labour est traditionnellement pro-UE mais la position de Corbyn est moins claire. “Il est resté vague sur l’Europe”, souligne Iain Begg. Corbyn estime que l’UE “sape les intérêts des travailleurs” .

Mais somme toute, les analystes pensent que le Labour dirigé par Corbyn peut représenter une chance formidable pour le Premier ministre, qui pourrait renforcer son parti en récupérant les centristes échaudés par son nouveau radicalisme. Les conservateurs “ont une occasion en or” et “Cameron doit saisir sa chance”, écrivait dans le Telegraph le commentateur conservateur Fraser Nelson.

Posted by on Sep 14 2015. Filed under Actualités, En Direct, Featured, Monde, Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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