Pénurie : la Réunion, une île sans huile…



Les bouteilles d’huile de tournesol sont devenues introuvables sur l’île, après la prise d’assaut des rayons par des consommateurs inquiets. Conséquence, les prix de ce produit de première nécessité flambent.

Il sert d’habitude à confectionner le traditionnel « pâté créole » ; depuis quelques jours, le saindoux est aussi vendu en barquette dans des charcuteries de l’île pour remplacer l’huile de tournesol, devenue une denrée rare. Les Réunionnais vont-ils devoir utiliser la graisse de porc, une hérésie, pour faire dorer les oignons de leur cari, le plat « national » ? Certains, comme Alexandra, à Saint-Denis, se sont résignés à changer leurs habitudes culinaires. « Moins de riz, mais des pâtes au beurre », détaille la jeune dionysienne, qui préfère en sourire sur le parking d’un supermarché Leclerc. A l’intérieur de l’enseigne, les étagères d’huile de tournesol sont vides. « Je renouvelle la commande de 8 000 bouteilles tous les jours, mais elles n’arrivent pas !» se désole le responsable du rayon. Il conseille aux clients désemparés de chercher dans les… stations essence ou dans des épiceries « chinoises », où on trouverait de l’huile de Thaïlande à 8 euros le litre.

Peur de manquer
Comme en métropole, il s’agit moins de la pénurie, relative, engendrée par la guerre en Ukraine, que de la peur de manquer qui a conduit à cette situation « irrationnelle », pour reprendre le terme de Didier de Marly. Le directeur général de Run Market, qui exploite quatre hypermarchés sur l’île, a lui aussi vu des consommateurs stressés repartir avec des chariots remplis de dizaines de bouteilles, début avril, quand la psychose a débuté. « Les Réunionnais doivent comprendre que c’est leur comportement qui provoque des ruptures d’approvisionnement », plaide le distributeur associé au groupe Intermarché. Du coup, plusieurs grandes surfaces ont instauré un rationnement : pas plus de trois bouteilles par client.

Toute la filière est touchée. « Aujourd’hui, je dois payer cash mes conteneurs d’huile, alors qu’en temps normal le transitaire accepte des délais de trente à quarante jours », soupire William Giraud, PDG de la société Frais Import. Quant aux prix… « Ils ont doublé, on en est à 40 000 euros le conteneur !» L’importateur soupçonne ses « amis restaurateurs et hôteliers » d’imiter les particuliers et de stocker à tout-va, contribuant ainsi à faire empirer la situation.

« Bloquer les prix »
Sans surprise, les grandes surfaces ont répercuté à leur tour la hausse des coûts sur ce produit de première nécessité. Tout comme Johan Gaudens. En train de vendre samoussas, bonbons piments et beignets dans sa boutique de Sainte-Marie, le gérant de Baraka Sam a dû relever les prix de 5 centimes l’unité. Le solide gaillard, qui porte une énorme chaîne argentée au cou, se justifie : « J’utilise 80 à 100 litres d’huile à frire par semaine, or les prix ont augmenté de 100 %, voire de 200 %. Quand j’en trouve ! » Cette semaine, il a fait la tournée des grossistes, en vain, et a dû se tourner vers les supermarchés, plus chers et pas toujours approvisionnés.

Face à l’inquiétude des consommateurs, Jean-Hugues Ratenon, député LFI, a demandé au préfet de « bloquer les prix ». L’élu souhaite également saisir la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour éviter les effets d’aubaine et la spéculation. Mais un acteur important de la filière ne se fait pas d’illusion : « La situation ne se rétablira qu’après les récoltes de cet été en Ukraine… Et les prix ne retrouveront pas leur niveau précédent ! »

Posted by on Apr 22 2022. Filed under Economie, Featured. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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