Le monde de la peinture en deuil après le décès de Vaco Baissac



L’artiste de 82 ans laisse derrière lui un héritage riche pour la culture et l’identité Mauricienne

Zoom sur celui qui a passé sa vie à peindre les couleurs de Maurice

« Je voudrais laisser derrière moi cette image de Maurice, qui est harmonieux, riche en couleur et lumineux. Je veux quitter, pour la relève, après ma fin, un patrimoine qui accentuera l’identité du pays. Il serait bon que les jeunes continuent à porter haut et loin, ces détails et spécificités, simple et unique, qui font de cette ile un paradis. Ce sera merveilleux si les Mauriciens se rendent compte de cette chance inouïe d’habiter dans un endroits aussi colorés » c’est le discours que prônait régulièrement, Vaco Baissac, de son vivant. Parti de ce monde, samedi dernier, à l’âge de 83 ans, son message a resonné fort dans la tête des Mauriciens cette semaine. Pour lui rendre un dernier hommage, beaucoup ont voulu se rappeler l’éclat de cette homme, originaire de Curepipe, qui a influencé la peinture locale par sa vision, sa simplicité et sa sagesse.

Considéré comme l’un des peintres les plus célèbres de Maurice, Vaco, de son vrai nom Jacques BAISSAC, laissera certainement une trace de son existence. Auteur d’un nombre considérable de tableaux, dont certains acquis par le gouvernement, son art et ses œuvres sont imprégnés dans le décor Mauricien. Que ce soit dans les banques, les autobus et sur les murs d’autres lieux stratégiques ou décoration, on peut admirer ses œuvres. Mais bien plus que des tableaux, des images ou un style, c’est tout un héritage que l’artiste-peintre a quitté pour les générations à venir. Ses œuvres colorées ont déjà inspiré plus d’un. Doté d’un style bien à lui pour immortaliser les scènes de vie mauricienne, son renommé était aussi retentissant localement qu’à l’international.

Né en 1940, il a tiré sa révérence, dans la soirée du samedi dernier, à l’âge de 83 ans. Selon sa famille, Vaco, a eu une infection et était souffrant. Il a poussé son dernier soupir dans sa demeure à Péreybère. Ses funérailles sont prévues cette semaine, en attendant l’arrivée de son fils ainée rentrer de l’Australie.

 

Issue d’une famille artistique

Vaco Baissac était l’aîné d’une fratrie de trois enfants. Il a passé son enfance à Curepipe, où son père architecte lui donna très jeune le goût du trait, du crayon, puis des pinceaux. « Notre papa était architecte. Vaco aimait regarder notre père dessiner. Il s’est graduellement mis à peindre. De plus, notre maman était couturière. Dans la famille, chacun a un côté artistique », ajoute Marie-Anne Stâheli, la soeur benjamine de l’artiste-peintre. D’ajouter que leur père encouragea Vaco à décorer ses plans architecturaux par des personnages, le poussant à exprimer sa passion.

 

Ses débuts

Vaco Baissac a fait sa scolarité au collège Saint-Joseph. Il a fait sa première exposition locale en 1958, soit à l’âge de 18 ans, fort de l’influence qu’exerça sur lui Malcolm de CHAZAL, le pionnier de la peinture mauricienne moderne. L’exposition a eu lieu à l’hôtel de Ville de Curepipe. Deux ans plus tard, il a enchaîné avec une autre exposition et a pris tous ses tableaux et les a exposés à La Réunion. À partir de 1960, il travaille avec Serge Constantin et Siegfried Sammer au théâtre du Plaza à Rose-Hill, et la collaboration dure trois ans. Il a aussi travaillé dans une banque mais il n’y est pas resté longtemps, car sa passion était la peinture.

 

Enfant du monde

En 1964, sa famille part vivre à Durban, en Afrique du Sud. Vaco y restera 26 ans, jusqu’en 1990. Même s’il continuera à s’adonner à sa passion pour la peinture, son séjour en Afrique (avec des passages au Botswana, Malawi, ainsi qu’en Zambie et au Zimbabwe) sera entrecoupé d’expériences en Europe, notamment en France et en Belgique (de 1964 à 1970), où il exercera divers métiers, tout en continuant à approfondir son art. Durant sept ans, il sera accueilli dans une famille bruxelloise, et étudiera à l’Académie Royale de Bruxelles, puis à Paris aux Beaux-Arts pendant la période des évènements de mai 1968.

Au-delà de la peinture, son séjour en France lui permettra de se passionner pour les poètes et écrivains français, notamment Alphonse DAUDET qui lui donne le goût de la Provence, via « Les lettres de mon moulin ». Sur ces terres le long de la méditerranée, il découvre la beauté et la lumière du Sud, qui pousseront Cézanne et Van Gogh à peindre les paysages provençaux. Fort de ces acquis théoriques emmagasinés aux Beaux-Arts en Belgique et en France, et imprégné des couleurs des génies impressionnistes, parmi lesquels Cézanne, Van Gogh et Gauguin qui sont considérés comme les maîtres et précurseurs de l’art moderne, Vaco rentre en Afrique du Sud en 1970. Désormais âgé de 30 ans, il entame une nouvelle phase de sa carrière, celle de la maturité.

Retour sur la terre mère

En 1990, l’artiste-peintre décide de revenir définitivement dans sa chère île natale. Il ouvre un atelier de peinture, dispensant des cours aux enfants et aux adultes. Il partage sa peinture et propose ses tableaux aux nombreux visiteurs de sa galerie et de son atelier à Pereybère. Parallèlement, Vaco Baissac entreprend de grandes peintures murales pour des entreprises locales. En 1998, il lance sa propre galerie à Grand-Baie. Son art devient une expression fidèle du patrimoine créole. On découvre un peu de Maurice dans chacune de ses créations. La peinture sur toile a été sa forme préférée d’expression artistique, avec une inspiration mettant en valeur la flore et la faune, le paysage et la vie quotidienne à Maurice. Il a montré la vie sur l’île telle qu’il l’aimait : colorée et simple. « Je suis nostalgique pour l’île Maurice d’antan. Je peins pour qu’on se souvienne d’elle » disait-il.

Aux couleurs du drapeau mauricien

Mis sur la voie durant les années 1950 par les tableaux de De Chazal à Maurice, puis nourri par les tableaux de Gauguin inspirés par Tahiti, Vaco trouve son style. Ce sera la peinture des îles, celle de son île, celle de l’Ile Maurice : colorée, lumineuse, pure et fraîche, mélange de jardin d’Eden chazalien (Petrusmok 1) et des divers couleurs de la palette Créole. Ce style naturaliste, qui n’est pas sans rappeler l’œuvre des peintres haïtiens ou antillais, dans la lignée du Douanier Rousseau, sera néanmoins original et novateur à Maurice. Car l’inspiration pour la peinture de VACO est à trouver dans la langue locale : le Créole Mauricien. Celui de son enfance, qui forgea son imaginaire.

Vaco était d’ailleurs connu comme le « peintre créole ». Cela car il représentait la créolité ainsi que Maurice dans ses œuvres. Les couleurs et les scènes de vie mauricienne ont dicté ses œuvres toute au long de sa vie. Le style de vie d’un passé disparu depuis longtemps apparaît généralement dans ses peintures. La façon particulière dont il s’exprima dans son art est ce qui l’a rendu célèbre – brillante et audacieuse illustration de la culture mauricienne. Lors d’un entretien consacré à Le Défi Plus en 2020, il disait que « mes tableaux sont les témoignages de mon temps ici. Mes tableaux sont Vaco Baissac, un petit créole sous le soleil qui quittera derrière lui une image de tout ça. »

 

Style Vaco

Les tableaux de Vaco ne décrivent pas uniquement des paysages, mais des scènes de la vie naturelle de l’Ile Maurice, des gros plans juxtaposés, par un style proche du cubisme, sur le principe du Kaleidoscope, qui zoome sur des personnages, des animaux ou un soleil, tout en donnant à voir une unité complète. Ce style néo-naïf peut faire penser à la technique du vitrail dans les églises en Europe. A cela de près que le style est parfois éclaté, multidimensionnel, différents plans étant juxtaposés, pour créer un tout explosant de couleurs et de lumière. La joie qui se dégage des tableaux de Vaco n’est pas sans rappeler la pureté enfantine, où l’innocence déborde de l’énergie entièrement focalisée sur son objet de plaisir. La peinture comme un jeu, comme une évidence, sans arrière-pensée.

Enfin, l’omniprésence des femmes, à la fois comme lien évident dans cette perspective mère-enfant, mais également comme symbole d’une thématique entièrement tournée vers la terre mère, vers Gaïa : «Motherland, oh motherland of mine». Ces femmes sont parfois présentées avec un visage sans traits, parce que VACO souhaite illustrer qu’à Maurice les visages sont si différents les uns des autres, que l’on peut en une matinée rencontrer le monde entier à travers différents regards, différents sourires. Par conséquent, il choisit parfois de présenter des visages sans expression, sans yeux, ni nez, ni bouche, afin que l’acheteur de son œuvre puisse emporter chez lui le souvenir qu’il souhaite voir dans ce visage neutre. Le visage d’un adulte vu comme un enfant, qui comme nous le savons, ne vois pas les différences raciales, donc indifférencié !

 

Prestige nationale et internationale.

Maurice a été représenté grâce à lui dans de nombreuses expositions d’art à travers le monde. L’artiste a fait découvrir Maurice dans les grands salons internationaux où il apporte les îles, le soleil, et la lumière qu’il peint. A ce titre, il a participé aux 90 ans du Salon d’automne au Grand Palais à Paris en 1993. Du 12 juin au 27 juillet 2001, il fait une exposition à Bruxelles, sur une invitation du ministère belge à la Coopération et au développement. Quelques mois plus tard, soit du 17 au 30 novembre 2001, direction Fribourg en Suisse pour une nouvelle exposition. Du 19 au 31 octobre 2002, il transporte ses toiles à Paris, notamment au musée Ducastel-Vera de Saint-Germain-en-Laye. Un an plus tard, il est accueilli à Milan, du 25 septembre au 31 octobre 2003, par la prestigieuse galerie italienne Arte 92. En décembre 2005, il procède à son exposition locale Voyages aux mers du Sud.

D’autres expositions internationales suivent. En janvier 2008, cap sur Hong-Kong pour une exposition privée, suivie d’une autre en Suisse en fin d’année. Vaco Baissac aimait également conter son art autrement. Ainsi, en mars 2009, il anime un atelier au Lycée La Bourdonnais intituler Semaine Terre de Couleurs. Durant l’événement, il réalise une fresque avec les élèves. Lors des années suivantes, l’artiste est actif sur de grands projets d’art pour les secteurs privé et public. Parmi ses tableaux, on retrouve Le dodo rêve au soleil, La route du sucre, Le flamboyant de la baie et Autour d’un curry, entre autres. Outre ses tableaux, son site fait également état de créations en vitrail et sous forme de bijoux, en bronze et céramique. Plus récemment, soit le lundi 9 septembre 2019, un tableau de Vaco Baissac avait été offert au Pape François lors de sa visite à Maurice.

 

Trésor inestimable pour l’histoire du pays

La peinture de VACO s’inscrit certainement dans notre héritage culturel. C’est un Maître de la peinture Mauricienne qui s’et s’éteint. Mais néanmoins, les couleurs et symboles de toute une époque, de toute une vie, restera éternelle et dessinera éternellement les traits de notre patrimoine. Vaco vivait en peinture et partageait volontiers et avec bienveillance ceux qui créaient aussi. La trace picturale qu’il laisses sur notre territoire est immense. Il est partout. Comme un chant qu’il laisse et qui initiera même après son départ.

 

 

 

Posted by on Feb 9 2023. Filed under Actualités, Economie, En Direct, Featured, Opinion. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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