La militante des droits humains iranienne Narges Mohammadi prix Nobel de la paix 2023
Le Comité norvégien a distingué ce vendredi Narges Mohammadi pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et en faveur des droits humains et de la liberté pour tous. Toujours en prison, le régime l’a arrêtée 13 fois et condamnée à un total de 31 ans de prison et 154 coups de fouet.
C’est une distinction majeure qui intervient un peu plus d’un an après la mort de Mahsa Amini, et quelques heures après une nouvelle polémique autour de l’hospitalisation d’une jeune fille de 16 ans à Téhéran qui ravive les critiques contre la “police des mœurs” iranienne. L’ONU souligne d’ailleurs que ce Nobel de la paix à Narges Mohammadi distingue “le courage et la détermination des femmes iraniennes” et demande sa libération.
Cela représente “un moment historique et important pour la lutte pour la liberté en Iran”, a réagi dans un message écrit la famille de la militante iranienne emprisonnée. D’ajouter : “Nous dédions ce prix à l’ensemble des Iraniens et en particulier aux femmes et aux filles iraniennes qui ont inspiré le monde entier par leur courage et leur combat pour la liberté et l’égalité”.
L’autrice franco-iranienne Marjane Satrapi a estimé pour sa part sur franceinfo que “C’est la cause iranienne tout court qui est honorée. Ce n’est pas seulement le combat des femmes, c’est le combat de tout un peuple et c’est le combat de toute une jeunesse qui est une jeunesse moderne, qui veut juste vivre librement”.
Une femme symbole emprisonnée depuis septembre 2021
Le Comité Nobel norvégien a expliqué que la journaliste de 51 ans, dans une geôle de la République islamique à Evin depuis septembre 2021, “lutte pour la liberté d’expression et le droit à l’indépendance, ainsi que contre les règles exigeant que les femmes restent hors de vue et couvrent leur corps. Les revendications de liberté exprimées par les manifestants s’appliquent non seulement aux femmes, mais à l’ensemble de la population”.
L’institution qui dépend du parlement d’Oslo raconte que “Dans les années 1990, alors qu’elle était jeune étudiante en physique, Narges Mohammadi se distinguait déjà comme défenseure de l’égalité et des droits des femmes. Après avoir terminé ses études, elle a travaillé comme ingénieure et chroniqueuse dans divers journaux réformateurs. En 2003, elle s’est impliquée dans le Centre des Défenseurs des Droits de l’Homme à Téhéran, une organisation fondée par la lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, et en 2011, Narges Mohammadi a été arrêtée pour la première fois et condamnée à de nombreuses années d’emprisonnement pour ses efforts en faveur des militants incarcérés et de leurs familles.
Deux ans plus tard, après sa libération sous caution, elle s’est plongée dans une campagne contre le recours à la peine de mort. Son militantisme contre la peine de mort a conduit à une nouvelle arrestation en 2015 et à une peine d’années supplémentaires derrière les murs. À son retour en prison, elle a commencé à s’opposer au recours systématique par le régime à la torture et à la violence sexualisée contre les prisonniers politiques, en particulier les femmes, qui sont pratiqués dans les prisons iraniennes.
La vague de protestations de l’année dernière a été connue des prisonniers politiques détenus dans la tristement célèbre prison d’Evin à Téhéran. Une fois de plus, Mme Mohammadi a assumé le leadership. Depuis la prison, elle a exprimé son soutien aux manifestants et organisé des actions de solidarité entre ses codétenus. Les autorités pénitentiaires ont réagi en imposant des conditions encore plus strictes. Il était interdit à Mme Mohammadi de recevoir des appels et des visiteurs. Elle a néanmoins réussi à faire sortir clandestinement un article publié par le New York Times à l’occasion du premier anniversaire de l’assassinat de Mahsa Jina Amini. Le message était le suivant : ‘Plus ils nous enferment, plus nous devenons forts’. Depuis sa captivité, Mme Mohammadi a contribué à faire en sorte que les protestations ne diminuent pas.”
Celle qui avait publié l’an dernier des entretiens avec d’autres prisonnières sous le titre White Torture avait déjà reçu en début d’année le prix Olof-Palme pour les droits de l’homme, en même temps que Marta Chumalo et Eren Keskin.
Pour les lauréats du millésime 2023, le chèque accompagnant le prix est désormais de onze millions de couronnes (920 000 euros), soit la plus haute valeur nominale dans la devise suédoise dans l’histoire plus que centenaire des Nobel. Le montant du prix a varié depuis une dizaine d’années, au gré de l’évolution des finances de la Fondation.