Les «fanicos»: ces lavandières qui gagnent «proprement » leur vie en Côte d’Ivoire



femme en pleine lessive

Par Augustin Tapé

En Côte d’Ivoire, des femmes luttent contre la pauvreté et le chômage chronique en se faisant «fanico», c’est-à-dire lavandières. C’est ainsi que depuis de longues années, elles gagnent littéralement «proprement » leur vie. Leur courage et leur débrouillardise sont à saluer car elles sont nombreuses à faire du porte-à-porte pour faire la lessive à domicile et offrir leurs services aux clients.

Le mot «fanico », qui provient de la langue malinké, signifie littéralement « laver l’habit». Cette expression s’applique à toute personne vivant de l’activité de lessives au profit d’une clientèle qui la rétribue. Etre « fanico » est devenu un métier à part entière dans ce pays de l’Afrique de l’ouest où un habitant sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 450 francs CFA par jour – moins d’un dollar – selon les statistiques du Programme des Nations Unies pour le Développement, rendues publiques en 2013.

Pour se sortir de la pauvreté chronique, les femmes dans la plupart des ménages ivoiriens, s’adonnent à des d’activités lucratives et ceci pour améliorer le quotidien de leur famille et en particulier celui des enfants. Elles s’investissent ainsi dans le secteur informel dont celui des «fanicos». Autrefois, c’étaient essentiellement des hommes qui occupaient ce secteur. Depuis quelques années, les femmes se sont fait progressivement une place dans le domaine, en apportant leur touche particulière.

Là où on voit les hommes « fanico » ou « laveurs d’habits » revenir des domiciles avec une pile d’habits à laver dans les eaux boueuses du Banco, rivière située sur l’autoroute du Nord, en direction d’Adjamé, une des communes d’Abidjan, la capitale, on observe des femmes « fanicos», qui déambulent souvent par petits groupes et qui font halte au domicile des particuliers pour offrir leurs services. Et elles n’ont pas besoin d’aller à la rivière car elles sont à même de le faire au domicile des particuliers. Ces lavandières font du porte à porte en quête de vêtements sales à laver, rien qu’avec un bois à linge et des bras pleins d’énergie en guise d’instrument de travail.

Maimouna, 25 ans, fait partie de ces lavandières qui vivent de cette activité. «Je me réveille tous les matins et une de mes sœurs et moi, nous quittons nos maisons pour partir dans les quartiers et voir si on peut obtenir des habits sales pour les laver chez les gens », raconte-t-elle. Le quotidien de ces femmes, issues de milieux défavorisés, se résume à trouver de quoi laver afin d’assurer leur pitance.

C’est un métier qui paie bien à en croire Maimouna qui ne veut pas rester les bras croisés à la maison à attendre que tout lui tombe dans le bec. La pauvreté qui accable sa petite famille l’amène à trouver une occupation et à force d’exercer comme lavandière, elle peut revendiquer un statut de « professionnelle ».

Chaque type de vêtement a son prix. En général, c’est 50 francs CFA par habit sauf pour les jeans, les draps et autres vêtements difficiles à laver comme les blousons. Dans de tels cas, c’est 100 francs CFA. Eh tenez-vous bien, c’est le client qui fournit tout aux « fanicos »: les bassines, les seaux, le savon et bien sûr l’eau. En somme, tout ce qui va servir à la tâche.

Le gain journalier de chacune de ces femmes «fanicos” est au minimum 2000 francs CFA, près de quatre dollars, raconte l’une d’elles. «C’est toujours bon à prendre pour pouvoir s’occuper de ses deux enfants », confie une autre «fanico» dont le mari est au chômage. « Mon mari a perdu son travail. Et nous avons du mal à nourrir nos deux enfants et à les scolariser. C’est une amie du quartier qui m’a parlé de faire la lessive au domicile des gens. Comme je ne pouvais pas rester là à regarder ma famille mourir de faim, j’ai commencé ce métier qui est dur mais qui me rapporte un peu d’argent chaque jour. Argent qui me permet de faire bouillir la marmite et d’acheter du matériel scolaire pour les enfants», dit-elle.

La plupart de ceux qui louent régulièrement leurs services se disent satisfaits. Certains particuliers se sont même fidélisés à ces lavandières dont le carnet d’adresse est bien rempli.
Il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens, dit l’adage. Et ces lavandières l’ont bien compris car armées d’une bonne dose de courage, elles gagnent «proprement » leur vie au lieu d’aller mendier ou d’exercer une activité nettement moins honorable. Braves femmes !

Augustin Tapé est journaliste en Côte d’Ivoire. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.

Posted by on Oct 13 2014. Filed under Monde. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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