Les milliards versés par la MIC ont-ils servi à quelque chose ?…Lord Desai : « Companies have been saved, jobs have been saved »
Nous reproduisons un condensé de l’entretien que Lord Meghnad Desai a consacré au Mauritius Times (édition du vendredi 9 juillet 2021).Lord Desai est ‘Professeur Emeritus’ en économie à la prestigieuse London School of Economics (LSE). Il avait été nommé chairman de la Mauritius Investment Corporation (MIC), une entité créée sous l’égide de la Banque de Maurice (BoM) en 2020 pour renflouer les entreprises stratégiques de l’économie mauricienne. Lord Desai revient sur le bienfondé de la création de cette entité et de son action, qui a permis de sauver des entreprises et des emplois.
Selon Lord Desai, la pandémie était complètement inattendue. C’est le choc économique le plus inhabituel qu’on ait jamais eu, et même les économistes n’ont pas eu de réponse. Les gouvernements de divers pays ont ainsi dû adopter des politiques peu orthodoxes.
À Maurice, la Mauritius Investment Corporation (MIC) a alors été mis sur pied en 2020 sous l’égide de la Banque de Maurice (BoM), pour apporter une aide financière aux entreprises des secteurs-clés de l’économie mauricienne.
L’idée devait puiser des ‘Foreign Exchange Reserves’ de la BoM, et de prêter de l’argent à une compagnie en difficulté. En retour, la compagnie allait fournir un ‘bond’, qui arriverait à maturité après 5 ans, le temps qu’elle recouvre ses pertes. Ce faisant, elle allait pouvoir conserver sa main d’œuvre. Selon Lord Desai, l’argent du ‘Foreign Exchange Reserves’ se trouvait sous forme de ‘bonds’ du Trésor américain et ne rapportaient que peu d’intérêt, de l’ordre de 1,25 %.
Répondant à une critique parue dans la presse locale à l’effet que ce n’était pas la façon la plus profitable d’investir cet argent, il devait dire que la MIC n’a pas été mis sur pied dans le but de réaliser des profits, mais plutôt afin de soulager l’économie mauricienne. « De mon point de vue, notre priorité est de sauver des vies, et deuxièmement, de mitiger l’impact de la pandémie sur l’économie », soutient-il.
La MIC a déjà apporté une assistance à une soixantaine de compagnies. « Plusieurs demandes ont dû être rejetées car on ne voyait pas l’avantage pour l’économie mauricienne », devait toutefois souligner Lord Desai.
Il devait aussi maintenir que la BoM a investi de façon transparente dans la MIC. L’Investment Committee de la MIC a passé en revue exhaustivement les demandes émanant des compagnies. « On s’est montré très prudent pour ne pas gaspiller cet argent du peuple mauricien. On s’est assuré que ces compagnies étaient financièrement viables, et qu’ils se conduiraient de façon efficace et intègre, et qu’on pouvait attendre à ce que cet argent sera restitué », devait-il dire.
Selon lui, on s’est aussi assuré que l’argent versé à ces compagnies n’était pas utilisé pour payer les dividendes aux actionnaires ou reversé à une autre compagnie du même groupe, tandis qu’une attention particulière a été prêtée sur le ‘ownership’ de ces compagnies. « Nous avions mis l’emphase sur le fait que cet argent devait servir à financer l’emploi », devait maintenir Lord Desai. « On n’a pas été imprudent et il sera démontré que nous avons agi responsablement », selon lui.
Selon lui, les choses retourneront à la normale peut-être vers 2022. L’économie mauricienne aura ainsi besoin d’aide pour un moment encore, vu que la pandémie n’est pas finie et vu que notre économie reste fragile à cause de sa dépendance sur le tourisme, qui peut apporter d’autres vagues de la Covid-19. Les dommages portés à l’économie ne peuvent être défaits juste par la levée du confinement. « En fin de compte, les gouvernements devront continuer à injecter de l’argent dans l’économie, tant que l’épidémie est toujours là », soutient-il.
À l’heure actuelle, les pays riches injectent de l’argent dans l’économie sans compter, pour sauver des vies, car ils savent que cet argent refluera quand l’économie s’en remettra. C’est une nouvelle façon de voir les choses, en contradiction avec la doctrine économique des décennies précédentes.
« Qu’on ne se tracasse pas pour l’argent mais plutôt qu’on se tracasse pour sauver des vies et les emplois. L’argent de BOM était utilisé principalement pour acheter des bonds du Trésor américain. Il est mieux d’utiliser cet argent pour sauver des vies et préserver des emplois. C’est la raison même des gouvernements – de se soucier de leurs peuples. Ils n’ont pas été élus pour accumuler de l’argent », devait affirmer Lord Desai.
« Nous avons fait cela pour le peuple mauricien quand il devenait urgent d’assister les compagnies en difficulté et leurs employés », devait résumer Lord Desai. « Je suis fier d’avoir été partie de cette expérience. Maurice a été parmi les premiers pays à adopter une telle approche radicale. »
Il dit que la MIC a réussi à atteindre son objectif depuis un an qu’il a été mis sur pied. « The proof of the pudding is in the eating: companies have been saved, jobs have been saved », devait-il conclure.
Encadrement
« Who cares what the IMF says? »
Il faut dire que le Fonds Monétaire International (FMI) avait critiqué la mise sur pied de la MIC et avait recommandé au gouvernement que la BoM enlève son égide sur la MIC, qui serait alors financé par des mesures budgétaires.
Lord Desai devait dire que tout au long de sa carrière, il n’a jamais pris en considération les dires de cette entité. Le FMI a toujours été à la traîne et a toujours changé son fusil d’épaule. « Du moment que l’argent est dépensé judicieusement, pour sauver les emplois et pour sauver les compagnies affectées, en leur permettant de garder la tête hors de l’eau, du moment que cela bénéficie au peuple mauricien, que le FMI dit ce qui lui plaise. Who cares ? », devait lancer Lord Desai.