USA: accord à 73 millions de dollars entre l’armurier Remington et les familles de victimes de Sandy Hook…
Le fabricant américain d’armes Remington a accepté de verser 73 millions
de dollars de compensation aux familles de neuf victimes de la tuerie dans
l’école de Sandy Hook en 2012, une décision qualifiée d'”historique” par les
associations de lutte contre les armes à feu.
Les plaignants dans cette action informent qu’un accord en dommages-intérêts a
été conclu entre les parties”, indiquent dans un document judiciaire publié mardi
les familles de victimes.
Selon leurs avocats, c’est la première fois qu’un manufacturier d’armes est tenu
responsable d’une fusillade aux Etats-Unis. “L’accord porte sur 73 millions de
dollars”, a précisé lors d’une conférence de presse l’avocat des familles, Joshua
Koskoff. “C’est tout ce qu’il restait” après la faillite du groupe Remington.
Les familles avaient engagé des poursuites contre l’armurier et sa filiale
Bushmaster, estimant qu’il avait vendu en connaissance de cause une version du
fusil semi-automatique AR-15, une arme de type militaire “pas du tout adaptée”
à un usage civil.
“Cela signe le début du processus nécessaire consistant à tenir les
manufacturiers d’armes pour responsable de la fabrication d’armes de guerre” et
de leur “marketing irresponsable”, a souligné le président américain Joe Biden,
saluant “un accord historique” dans un communiqué mardi soir.
Créé en 1816 et considéré comme le plus ancien armurier du pays, Remington
niait les accusations et n’a pas immédiatement réagi à l’annonce.
Le 14 décembre 2012, Adam Lanza avait utilisé son Bushmaster XM15-E2S
pour tuer 26 personnes, dont 20 enfants et six adultes, à l’école primaire Sandy
Hook de Newtown, dans le Connecticut.
Le tireur, âgé de 20 ans et qui s’est suicidé, avait auparavant tué sa mère à son
domicile.
“Victoire historique”
Le massacre avait stupéfié l’Amérique et provoqué un énième débat sur
l’acquisition et la détention des armes personnelles dans un pays où le droit de
posséder une arme est garanti par la Constitution.
Mais les fusils de type AR-15 ont également servi dans d’autres fusillades,
comme à Las Vegas en 2017 (58 morts) ou à Parkland en Floride (17 morts) en
2018.
En 2021, les armes à feu ont fait près de 45.000 morts aux Etats-Unis, dont
environ 24.000 suicides, selon l’organisation Gun Violence Archive.
L’association Giffords, qui milite pour un durcissement des lois sur les armes
individuelles, a aussi salué sur Twitter “une victoire historique” pour les
familles, qui sonne comme “un avertissement à l’industrie des armes: aucune
entreprise n’est au-dessus de la loi”.
“Enfin, un fabricant d’armes est tenu responsable de la crise de la violence par
les armes dans ce pays”, a commenté Newtown Action Alliance, un autre
groupe partisan de la limitation des armes individuelles.
Matthew Soto, dont la sœur Victoria était l’une des enseignantes tuées à Sandy
Hook, a expliqué devant la presse avoir fait une découverte “horrible” en
étudiant les documents de Remington.
“Les fabricants d’armes savaient qu’ils faisaient de la publicité pour un produit
dangereux et ils exploitaient ces dangers”, a-t-il dit.
“Forcer au changement”
“Quand les militaires cherchent la meilleure arme, la plus meurtrière, la plus
destructrice et celle qui pourrait être utilisée par nos soldats s’ils devaient tuer
les ennemis de notre pays et de notre liberté, ils choisiraient l’AR-15″, a
expliqué l’avocat Joshua Koskoff.
Cette arme “n’a pas été utilisée par un soldat hautement entraîné, mais par un
jeune très perturbé, pas sur un champ de bataille mais dans une école primaire,
pas pour protéger la liberté mais pour la tuer”, a-t-il ajouté.
Selon l’avocat, les familles n’ont pas intenté ces poursuites pour être
dédommagées financièrement, mais “pour forcer au changement” les fabricants
d’armes.
Cet accord “ne signifie pas la fin de l’industrie des armes personnelles (qui) fera
toujours partie de notre culture”, a affirmé M. Koskoff, mais il montre que
“l’immunité de cette industrie n’est pas à l’épreuve des balles”.
Une loi protège, depuis 2005, les fabricants d’armes de la plupart des actions en
justice visant à engager leur responsabilité dans un acte violent commis avec
l’une de leurs armes.
Mais il existe des exceptions, notamment pour négligence du vendeur, sur
lesquelles entendaient jouer les familles.
En mars 2019, la cour suprême du Connecticut avait statué que Remington
pouvait être jugé pour déterminer si ses publicités sur son fusil semi-
automatique avaient une responsabilité dans les tueries faisant un grand nombre
de victimes.
A l’audience, en novembre 2017, M. Koskoff s’était notamment appuyé sur le
marketing de Bushmaster qui, selon lui, avait présenté dans une publicité son
fusil de type AR-15 comme une arme d’assaut.