Destin imprévisible Après quatre ans : David Jolicoeur embrasse la liberté et fait enfin la connaissance de son fils…



  • Ouf de soulagement pour sa mère, son épouse et ses deux filles

Miracle pourrait être le mot adéquat pour qualifier l’histoire de David Jolicoeur. Enfant malchanceux et parfois terrible, son récit, a le mérite d’être raconté avec teneur. Pour une raison assez particulière ; son histoire aurait pu ne jamais être connue et a été pendant longtemps préservé. En effet, alors que chacun vaguait à ses besognes quotidiennes, le destin tragique de ce jeune habitant de quartier pauvre, passait inaperçue. Seul un groupe de personnes savait qu’il y avait tout au fond d’un cellule de Melrose, un innocent, qui ne méritait peut-être pas ce sort. Mais heureusement pour des raisons inconnues, la vérité a fini par éclater.

Aujourd’hui, le destin de David Jolicoeur, habitant de Baie-du-tombeau, s’éclaircit et pourrait être davantage colorés. Pour cela, il peut remercier Dieu, allumer un cierge ou encore déposer un bouquet de fleurs sur le caveau du Père Laval. Car, les chances du dénouement qui est survenu dans son cas est vraisemblablement divine. Les pronostics prévoyaient davantage une vie presque entière gâchée injustement ; toute une jeunesse envolée entre quatre murs ; une âme innocente sombrant dans le coté obscure et une mort anonyme et sans paix. Cet terrible aventure de David Jolicoeur, n’aurait alors été qu’un mythe raconté par ses parents ou une malédiction qui aurait pu affecter ses générations indirectement.

La simple illusion d’être pendant un moment dans sa situation donne un sentiment de ‘pa bien’. Mais il faut croire que le bien fini par triompher. Son dossier ayant été transféré à la cour de Pamplemousses, David Jolicoeur, arrêté dans une affaire de vol en 2018, a été de nouveau traduit en cours devant la Bail and Remand Court, ce jeudi 7 juillet. Alors que le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) n’a pas objecté à sa remise en liberté.

David Jolicoeur a revu le soleil et embrassé la liberté, cela après quatre ans de prison et après avoir payé une caution de Rs 10 000 et signé une reconnaissance de dette de Rs 100 000. Il avait gagné une première victoire, la semaine dernière, quand l’accusation provisoire de meurtre qui pesait sur lui a été rayée. Il était accusé d’avoir tué le vigile Issah Ramjan, 86 ans, dont le corps avait été découvert en décembre 2018 à Riche-Terre, afin de le voler. Cependant, il devra faire preuve de patience car la position du DPP est attendue le 13 juillet concernant sa demande de radiation de l’accusation de vol.

Noël tragique

C’est dans la matinée du 25 décembre 2018, que le cauchemar de l’habitant de Baie-du-tombeau a commencé. Cela lorsque le corps sans vie d’un vigile de 84 ans, Issah Ramjan, est retrouvé à l’arrière du centre commercial de Riche-Terre par son collègue. La victime porte une grave blessure à la tête. La dernière fois que ses proches l’ont vu en vie remonte à quelques heures plus tôt, soit aux alentours de 6 heures, lorsque cet habitant de Terre-Rouge a quitté son domicile pour aller travailler. Une autopsie pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médico-légal de la police, attribue son décès à un oedème cérébral mais sa mort est considérée comme étant suspecte puisque l’octogénaire jouissait d’une santé de fer. Deux jours plus tard, la Criminal Investigation Division (CID) de Terre-Rouge, qui s’est saisie de l’affaire, arrête David Jolicoeur. Il s’agit d’un récidiviste domicilié à Baie-du-Tombeau, qui a déjà à son actif plusieurs vols. À en croire les enquêteurs, il serait même passé aux aveux et aurait déclaré avoir agressé la victime pour la dépouiller.

Lorsqu’il a été appréhendé le 27 décembre 2018, David Jolicoeur était âgé de 23 ans. Cela faisait à peine quelques mois qu’il avait convolé en justes noces avec Katriana et cette dernière attendait leur premier enfant. Des projets, il en avait beaucoup ; pas seulement pour ce fils dont il attendait l’arrivée avec impatience mais aussi pour les enfants issus de sa première union. Malheureusement, ils sont tous tombés à l’eau lorsqu’il s’est retrouvé impliqué dans cette affaire sordide. S’il avait déjà un casier judiciaire chargé, ses proches, choqués et confus en voyant la police l’embarquer pour une telle affaire, n’ont jamais cessé de croire en son innocence.

« Il n’est pas un enfant de chœur mais il n’aurait jamais commis un tel acte. Tous ceux qui l’ont côtoyé – ses amis, sa famille – n’ont jamais voulu y croire. Nous savions qu’il n’aurait jamais pu ôter la vie de quelqu’un », a confié son épouse. D’autant que les enquêteurs ne disposaient d’aucune preuve tangible pour l’inculper. Katriana s’en souvient comme si c’était hier : « Après son arrestation, les enquêteurs l’avaient conduit à la maison pour une fouille. Il était couvert de blessures mais je n’avais pas été en mesure de le questionner parce qu’il était entouré de policiers ». Ce n’est que bien plus tard, lorsqu’elle lui a rendu visite en prison, qu’il lui aurait confié avoir avoué ce crime sous la torture.

Durant toutes ces années, les proches de David Jolicoeur ont vécu avec ce poids sur les épaules. Croyant fermement en l’innocence du jeune homme, ils n’ont, toutefois, jamais su comment le prouver, ni vers qui se tourner pour les aider dans leurs démarches. Après tout, s’étaient-ils dits, «il s’agissait de notre parole contre celle des membres de la force policière. Personne ne nous aurait cru ». Bien des fois, Katriana a failli baisser les bras, se sentant impuissante devant tant d’« injustice». « Nous venions tout juste de nous marier lorsqu’il a été arrêté. Nous avons à peine eu le temps de profiter de notre vie de couple. David a manqué la naissance de notre fils ainsi que ses trois premiers anniversaires. Plus le temps passait, plus cela devenait dur. J’arrivais de moins en moins à supporter cette distance.» C’est grâce au soutien et à l’encouragement de ses proches qu’elle a pu tenir le coup : «Cela m’a donné la force de rester debout. J’ai travaillé dur, je me suis occupée de notre enfant seule mais j’ai toujours pu compter sur l’aide de nos deux familles lorsque j’avais des difficultés.»

Revirement de situation

David Jolicoeur était incarcéré à la prison de Melrose depuis 2018. Ce, dans le cadre de l’enquête sur le meurtre d’Issa Ramjan en décembre 2018. Le jeune homme de 31 ans était lui-même désespérer et ne penser plus caresser la liberté.  Mais il a été récemment identifié dans l’une des vidéos montrant des tortures de la CID de Terre-Rouge. Le jeune homme a ainsi clamé son innocence après que des vidéos montrant des actes de tortures ont circulé sur les réseaux sociaux. Sa mère, Antoinette, a retenu les services d’un panel d’avocats composé de  Mᵉˢ Sanjeev Teeluckdharry et autres. Le 30 juin dernier, la charge de meurtre à son encontre a été rayée en cour de Pamplemousses.

Sanjeev Teeluckdharry avait expliqué que David Jolicoeur, 23 ans au moment des faits, aurait été torturé le 25 décembre 2018 par les officiers de la CID de Terre-Rouge qui l’auraient ensuite forcé à signer un document dans lequel il accepterait avoir commis le meurtre et le vol. « D’ailleurs, des preuves irréfutables ont été relevées où on voit, dans une des vidéos, les officiers qui agissaient comme des gangsters pour torturer notre client et bafouer ses droits ». Dans la vidéo, David Jolicoeur était nu et menotté à proximité d’une rivière et lavait un morceau de tissu en présence de cinq officiers.

Innocence et calvaire

Détenu à la prison de Melrose sous deux accusations provisoires de meurtre et de «larceny armed with offensive weapon», David Jolicoeur confie qu’il a vécu un calvaire. « J’ai vécu l’incident de la mutinerie à la prison en février où j’ai été privé de nourriture et de vêtement », allègue-t-il. D’ajouter avoir perdu l’espoir d’être libéré un jour. « J’ai eu de mauvaises pensées et je me trouvais dans un état de pessimisme mais un ami m’a encouragé à tenir le coup » poursuit-il.

Il maintient toujours son innocence dans cette affaire «Monn fer prizon pandan 4 an pu nanyé. Je me souviens du jour de mon arrestation où j’ai été accosté par des policiers en civil. Zot ti amenn mwa dan bois, Calebasses et zot finn menas pou touy mwa avan ki zot amenn mwa kot enn la rivière, inn torture mwa inn met torche electrik ek mwa. Je ne peux identifier celui qui avait filmé la scène où je me trouvais nu et menotté ce jour-là, car à un moment donné, on m’a bandé les yeux », se remémore le jeune homme, qui avait 23 ans au moment des faits. Torturé et maltraité, il dit avoir été contraint de signer un document, ignorant totalement ce dont il était accusé. « Je ne savais pas que la raison de mon arrestation était liée au meurtre et au vol sur un vigile ».

Du temps à rattraper

C’est avec un sentiment de joie que David Jolicoeur, est rentré chez lui à Baie-du-Tombeau. Revenant chez lui, David Jolicoeur a souhaité voir ses enfants et son fils qui est né en son absence. « Mon fils est rentré chez lui pour voir les yeux, le visage de son bout de chou. En effet, sa femme était enceinte de quatre mois lorsqu’il avait été arrêté. Ainsi, c’est la première fois que l’enfant voit son père qui lui est encore étranger. Il ne veut pas que son père l’approche », confie pour sa part Annette, la mère de David. « Ses deux filles, âgées de huit et sept ans, vont revoir leur père. Ce sera une surprise pour elles, qui n’ont pu lui rendre visite lors de sa détention », affirme notre interlocutrice.

 

Antoinette Jolicoeur : « j’ai prié pendant quatre ans pourque ce jour arrive »

Ses prières ont finalement été exaucées. Antoinette Jolicoeur dont le fils avait été incarcéré depuis le 25 décembre 2018 par l’équipe de la Criminal Investigation Division (CID) de Terre-Rouge, soutient qu’elle attendait ce jour depuis longtemps. « Je suis la seule à connaître le calvaire que j’ai vécu durant ces quatre ans. Je faisais les va-et-vient à la prison. Mon fils ne cessait de me répéter ceci : ‘ma, mo pe fer enn prizon ki mo pa kone’. J’ai prié tous les jours. Si mo zanfan inosan, li bizin sorti. Si li koupab, li bizin reste », relate Antoinette Jolicoeur.

Antoinette, a fait ressortir qu’elle s’est extrêmement réjouie de la nouvelle de la libération de son fils. « C’est mon avocat qui m’a informée, peu avant 11 heures, de la bonne nouvelle. Mo dir mo bourzwa mo pé bizin alé », confie l’habitante de Baie-du-Tombeau. «Mo’nn rant boner lakaz pou mo fer bann préparasion, met lord pou li gagn enn bon ti plas pou resté ». Elle avait également prévu en tout premier lieu de faire en sorte que son fils déguste un bon petit plat. «Mon fils a été très mal nourri en prison…»

Selon ses dires, elle a reçu un cadeau le jour de la fête des Mères. « Enn zoli zur mo fin geyn sa kado la. Fet mama, monn geyn video kot lin geyn bate ek la polis. Sa zur la kan mem mo ti dan mo sagrin, monn tini mwa. Ce jour-là, j’ai finalement réalisé la véracité des paroles de mon fils », dit-elle.

Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry demande la révision du délai permettant aux victimes de torture de réclamer des dommages

Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry, qui fait partie du panel d’avocats de David Jolicoeur, a saisi l’occasion pour demander la révision du délai permettant aux victimes de torture de réclamer des dommages. « Le délai pour pouvoir déposer plainte pour réclamer des dommages est de deux ans. Pour David Jolicoeur, il ne pourra poursuivre ni l’Etat ni les policiers au civil. D’où la raison de demander une révision du délai pour pouvoir loger une poursuite afin de compenser ces familles victimes.»

L’avocat va plus loin en disant qu’une personne ne peut, comme cela a été le cas pour David Jolicoeur, être provisoirement détenue pendant quatre ans. « La police va devoir enquêter sur une affaire dans un délai prescrit, permettant au détenu d’être libéré sans ou avec conditions une fois l’enquête bouclée. Cela permettrait aussi à la poursuite de venir de l’avant avec un procès dans une échéance raisonnable », avance Mᵉ Teeluckdharry qui réclame également la mise sur pied d’une enquête en parallèle sur les policiers de la Criminal Investigation Division de Terre-Rouge pour possession d’armes dangereuses, soit des tasers ou torches électriques. Objets qu’ils ont utilisés pour torturer son client.

Face à la presse, dans l’après-midi du jeudi, Me Sanjeev Teeluckdharry, l’avocat de David Jolicoeur a également souligné que des poursuites seront entamées contre les policiers impliqués, et ce, en leur nom personnel.

 

Posted by on Jul 11 2022. Filed under Faits Divers, Opinion. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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