Imbroglio politico légal : Mauvaise interprétation ou démagogie de l’opposition ?
- Le jugement du Privy Council dans l’affaire Ravi Balgobin Manraj contre le ministère des Administrations régionales de Trinidad et Tobago ne s’applique pas dans le cas de Maurice
- Le gouvernement Travailliste-PMSD avait renvoyé les élections municipales à deux reprises
- Le MMM non plus n’est pas en odeur de sainteté lorsqu’il s’agit de renvoi de cette consultation populaire
- Pravind Jugnauth : « J’ai une opinion personnelle. Laisse la Cour faire so travail »
C’est un pari risqué pour l’opposition parlementaire et extra-parlementaire avec ses trublions qui contestent ces jours-ci devant la Cour suprême le renvoi des élections municipales. Depuis ces agents enchaînent et multiplient les sorties médiatiques avec des « photos opportunities » en bonus. Rien de surprenant quand on connaît tout ce qui a été dit lorsque les pétitions électorales furent logées et comment certains, y compris Anil Bachoo ou Navin Ramgoolam, ont préféré se défiler en douce au moment où les choses devenaient sérieuses. Sans doute pour ne pas prendre une claque magistrale de la Cour Suprême comme Ezra Jhuboo et ses amis en ont fait l’amère expérience dans le cas de la contestation de la victoire de l’Allians Morisien au No 14. Désormais, c’est l’attention de l’électorat mauricien qui est visée par l’opposition dans un souci de faire comprendre qu’elle existe. On aura noté que le MMM, jadis à l’avant plan du combat des collectivités locales, a été le dernier a logé sa démarche légale. Que faut-il en retenir ? Eléments de réponse.
A La Brasserie cette semaine lors du coup d’envoi de la construction de 244 logements sociaux, le Premier ministre a répondu à une question de la presse à ce sujet. En ce qu’il s’agit du renvoi des élections municipales, Pravind Jugnauth a avancé : « Encore une fois, il y a des contestations, qui iront devant la Cour. Laisse la Cour jugé. J’ai une opinion personnelle. Laisse la Cour faire so travail».
Les tapages médiatiques et les titres ronflants ne nous impressionnent point. D’ailleurs, on aura peu entendu sur le retrait de la pétition électorale de Nando Bodha. Son parti le Rassemblement Mauricien, avait réclamé une Judicial Review. Mais, cet ancien membre du MSM, a aussi retiré sa plainte concernant le renvoi des municipales et deux autres membres de ce parti, Maynanda, Rajaratnam et Vir Abhi Manuyu Trilochun avaient déposé cette demande pour une révision judicaire le vendredi 16 juin au greffe de la Cour suprême. Les trois membres du RM avaient demandé que cette affaire soit entendue ex parte, c’est-à-dire en l’absence du défendeur, qui est nul autre que le Premier ministre. Sauf que le juge en référé avait rejeté cette motion et ordonné que cette affaire soit prise en présence des autres parties. Le RM a signifié son intention de faire appel de cette décision, appel qui sera entendu par un Bench de deux autres juges de la Cour suprême. L’ex- ministre explique que la demande de Judicial Review et ex-parte, a été rejetée.
Une situation qui a déjà existé
Lors des débats sur le Local Government (Amendement) Bill, le Premier ministre a rappelé qu’un gouvernement Travailliste-PMSD avait renvoyé les élections générales en 1972, aboli les élections partielles, de même que les élections villageoises et municipales en 1974. « Durant la période allant de 2010 à 2012, un autre gouvernement Travailliste-PMSD avait renvoyé les élections municipales à deux reprises, et voulant justifier ces renvois, le ministre des Administrations Régionales d’alors avait lâché laconiquement lors d’une fonction, je cite – « élections pas rempli ventre », a-t-il précisé.
Tout en rappelant comment Navin Ramgoolam avait fustigé le MMM à ce sujet : « Le Premier Ministre d’alors, Dr. Navinchandra Ramgoolam, intervenant lors de ces mêmes débats, fustigeait l’opposition MMM en ces termes, et je cite – “For those who are saying that we are postponing local elections once again – I heard about assassinat de la démocratie – I say that they have a very, very short memory. Very short, indeed! Let me remind them. They forget that they have postponed local Municipal elections twice and Village Council elections, believe it or not, three times. »
L’urgence des réformes
Poursuivant, Pravind Jugnauth a rappelé la situation en 2003. « Entre 2002 et 2004, il y a eu effectivement des renvois des élections villageoises et municipales. Le leader du MMM, alors Deputy Prime Minister et Ministre des Finances, avait parlé d’un « petit renvoi obligatoire » en 2002, en vue de la nécessité d’une refonte totale des administrations régionales où la municipalisation du pays avait été mis en avant. Lors des débats sur le Local Government (Amendment) Bill (No. XIV of 2003), l’honorable Paul Bérenger avait déclaré, et je cite – “I am saying, Mr Speaker, Sir, that we took time in the case of the Rodrigues Regional Assembly as in the case of the Local Government Act we are taking time to make a success as in the case of Rodrigues, a real success of the new legislation that is coming. We have many priorities; and one of our priorities, after Rodrigues is to revolutionise, to have a complete overhaul of democracy in the regions, rural and urban”. Le MSM était en alliance avec le MMM à ce moment donné et, comme je disais en 2021, je ne suis pas en train de faire porter le chapeau au MMM. Je suis en train tout simplement de faire comprendre aux parlementaires du MMM qu’il y a des choses qui se justifient et qu’ils doivent s’abstenir à se livrer à la démagogie systématiquement. »
Ces dysfonctionnements simples qui paralysent les administrations régionales
Lors de son intervention sur le texte de loi, le Senior Counsel et leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo, a évoqué la paralysie et la lenteur des Collectivités Locales. Il a pris deux exemples simples et claires pour dire où le bât blesse.
« A Rose Hill, il y avait une personne, soit Dean Tirvengadum, qui est décédé dans un accident du travail. Il était adjoint au maire de Rose Hill. Il était membre du Mouvement Républicain. Il était, à l’époque du Travailliste-PMSD (quand ils étaient à la Municipalité), un grand travailleur social. En 2014, il a rejoint le ML et il a travaillé et a été très actif. Malheureusement, il est décédé et un conseiller du PMSD a proposé qu’un terrain de mini-soccer porte son nom. Tout le monde était d’accord que ce soit les MSM, ML et les habitants. Mais le Chief Executive s’y est opposé, nous avons besoin de l’autorisation du ministère des Collectivités locales. Cinq ’reminders’ ont été envoyées, et à ce jour, aucune réponse. De même, un conseiller MSM a proposé qu’une salle de la Foire Da Patten porte le nom de M. Sooroojbally qui était maire MMM à l’époque parce qu’il travaillait et qu’il était toujours dans la mémoire des gens. Tout le monde était d’accord. Pour des questions aussi simples que celle-ci, le Chief Executive s’adresse au ministère et celui-ci n’a jusqu’à présent pas répondu. Voilà donc l’étendue de l’ingérence du gouvernement central dans les autorités locales ».
L’affaire Trinidad et Tobago expliqué par Collendavelloo et Gobin
C’est le comble : soit les agents et trublions de l’opposition ne comprennent pas soit ils font semblant de ne pas comprendre le jugement du Privy Council dans l’affaire Ravi Balgobin Maharaj contre le ministère des Administrations régionales de Trinidad et Tobago. A ce sujet, l’Attorney General Maneesh Gobin et le Senior Counsel Ivan Collendavelloo ont apporté un éclairage. Selon eux, il faut que les opposants cessent de clamer que les récents amendements sont anticonstitutionnels.
L’Attorney General, Maneesh Gobin, a déclaré que l’objectif de ce projet de loi, est d’amender la Local Government Act afin d’accorder le pouvoir au président de la République pour ‘ further extend’ le mandat des conseillers municipaux ou ceux des conseils des villages pour une période de deux ans. Il a souligné que les termes ‘further extend’ ont été utilisés car le gouvernement a déjà étendu le mandat de ces derniers lorsque la loi avait été amendée précédemment.
Le ministre de la Justice a argué que le jugement du Privy Council dans l’affaire Ravi Balgobin Maharaj contre le ministère des Administrations régionales de Trinidad et Tobago ne s’applique pas dans le cas de Maurice. Il y a des ‘issues’ qui sont très différents de la situation qui prévaut ici. « Tout d’abord, je voudrais mettre l’accent sur quoi porte ce jugement et sur ce qu’il ne porte pas. Ce jugement ne porte pas sur un test de constitutionnalité d’une législation à Trinité-et-Tobago. L’affaire se présente comme on peut le voir dans le jugement, soit au paragraphe 5 du jugement et je cite – “L’interprétation du gouvernement de l’effet des modifications sur les mandats des conseillers en exercice a été contestée par l’appelant, Ravi Balgobin Maharaj. Il a fait une demande d’autorisation pour un ‘judicial review’ le 15 novembre 2022. « This is, therefore, a judgment concerning Judicial Review of a Government interpretation. When the matter went up to the Court of Appeal in Trinidad, the Court of Appeal in Trinidad decided to determine as can be seen at paragraph 6 of the judgment of the Privy Council”, Maneesh Gobin qui a ajouté ceci : “I have to remark that in the Trinidad and Tobago amendment Act of 2022, there was no provision as to whether the changes apply to incumbent Councillors and Aldermen”.
Maneesh Gobin a expliqué que le jugement des Law Lords porte aussi sur la question de la légalité et de la clarté. Ainsi le Conseil privé a déclaré être en désaccord avec la Cour d’appel de Trinité-et-Tobago parce que la loi modificative à Trinidad n’était pas assez claire et précise. Dans l’amendement là-bas, il n’y avait aucune disposition quant à savoir s’ils s’adressaient aux conseillers et échevins en exercice. C’est la différence énorme ici. En 2021 et 2022, il n’y avait aucun doute que la modification s’appliquant sur la prolongation de la durée de vie des conseils et des conseillers existants. Cette fois, de plus, ils s’appliqueront aux conseils et aux conseillers actuels parce que cela ressort clairement de la lecture de l’exposé des motifs accompagné de la modification de la législation.
L’Attorney General a aussi souligné que : « Ici tous sont d’accord sur les principes de la démocratie et le droit de vote ».
Ivan Collendavelloo a fustigé des articles de presse confus avec un titrant : « Le Conseil privé déclare anticonstitutionnelle la prolongation du mandat des conseillers régionaux. » Complètement faux ! Le Conseil privé a dit exactement le contraire. C’est extraordinaire ! »
Il rappelle que le Parlement a les compétences pour faire les amendements et que le Privy Council le mentionne clairement dans le paragraphe 35 de son jugement.
“Given that the application of the amendments to incumbent Councillors and Aldermen would not alter rights guaranteed by the Constitution, it is clear that it is within the legislative competence of Parliament to make the amendments, if that were their effect”, peut-on y lire.
“So, it is perfectly within our competence to make the amendments. The issue is whether having regard to the context, sections 11 and 12 as amended by the 2022 Act, they are talking of the Trinidad Act, just as we have the same Act, are to be construed that is interpréter as having that effect. As explained above, the respondence, constructions involved an interference with the election of representatives for a period of limited to three years. In other words, it is not a question of constitutional liberties, democracy, etc… on n’assassine pas, violer la démocratie and all the other words we have heard. It is a simple question of making clear what we want to do, and what we want to do is to have an extension of the life of the incumbent council” ajoute l’éminent Senior Counsel.
Les affaires en Cour actuellement
Le Premier ministre réclame des précisions sur l’aspect « antidémocratiques » « des amendements »
- L’affaire sera appelée le 13 juillet 2023
Dans l’affaire de Linion Pep Mauricien (LPM), la Chief State Attorney, Me Verna Nirsimooloo, a déposé le 22 juin 2023, en Cour suprême, une liste de 11 questions, au nom de l’Etat et du Premier ministre.
Dans le document déposé au nom du Premier ministre et de l’Etat, la Chief State Attorney, veut connaitre la période pendant laquelle Rama Valayden a occupé le poste de conseiller municipal et aussi, le nombre de fois où Jean-Claude Barbier et Raouf Khodabaccus se sont présentés comme candidat aux élections municipales et législatives. De plus, elle souhaite savoir comment le mandat des conseillers de la mairie de Port-Louis a été étendu de manière antidémocratique comme avancé par les membres de LPM dans leur plainte.
Le ministre des Collectivités locales a aussi adressé des questions similaires aux membres du LPM. L’affaire sera appelée le 13 juillet 2023.
Autres points de vue
Me Junayd Chummun :
« La Cour Suprême ne peut pas ordonner la tenue des élections municipales… Li pas pou capave get in the shoes of the Parliament »
- Tous les régimes ont déjà renvoyé les élections municipales »
Me Junayd Chummun a d’abord rappelé que dans le passé sous l’ancien et l’actuel régime on a déjà renvoyé les élections municipales. Il a fait comprendre qu’honnêtement, il faut prendre en considération l’aspect pratique et de ce que prévoit la loi.
L’homme de loi a ainsi fait comprendre que le renvoi des élections municipales demeure la prérogative du Premier ministre. « Il peut le décider dans l’intérêt du pays. Or, si une ‘aggrieved person’ ne serait pas d’accord avec la décision du renvoi des élections municipales, à ce moment-là, il peut demander une ‘judicial review’ pour annuler la décision de renvoyer les élections municipales ou autres à une date ultérieure », a-t-il ajouté.
Me Junayd Chummun a ainsi explique ceci : « Si quelqu’un qui ne serait pas d’accord il doit agir ‘promptly’, soit within three months’. Cependant, la Cour Suprême ne peut pas ordonner de la tenue des élections municipales. Li pas pou capave get in the shoes of the Parliament, mais li capave prend ene décision pour ‘quash’ ou pas ».
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Me Taij Dabycharun :
« Venir dire que l’Etat est en train de décider qui doit représenter les électeurs est complètement erroné »
- Les amendements et autres propositions viendront changer à long terme la façon dont les élections sont organisées
Me Taij Dabycharun a expliqué que le fait que les autorités veulent apporter des amendements positifs à la façon dont les élections municipales sont organisées, démontrent que le gouvernement, dans le bon sens, a le droit de renvoyer les élections justifiablement pour apporter des changements appropriés pour que dans le futur on puisse avoir une ‘free and fair elections in a democratic state’.
L’homme de loi a, ainsi souligné que ces changements doivent avoir lieu après consultation avec toutes les personnes concernées y compris les membres de l’opposition afin de pouvoir trouver comment améliorer le système qui était devenu archaïque. « Le renouvellement du mandat des conseillers c’était à cause de la proposition mise en place par le gouvernement. Venir dire que l’Etat est en train de décider qui doit représenter les électeurs est complètement erroné parce que n’oublions que lors des dernières élections municipales il avait moins de 40% des votants, soit lors des dernières élections municipales. Cela démontre que les électeurs ont le ras bol avec la façon dont les élections municipales sont organisées dans notre pays », dira-t-il.
Et d’ajouter que : « Je suis d’avis que les amendements et autres propositions qui vont venir changeraient à long terme la façon dont les élections sont organisées ».