La démission de Sébastien Lecornu, une “énième crise”, “Emmanuel Macron dos au mur”
Le Premier ministre Sébastien Lecornu a présenté sa démission à Emmanuel Macron lundi 6 octobre au matin, seulement quelques heures après l’annonce de la composition de son gouvernement. Le Rassemblement national exige la dissolution de l’Assemblée nationale ou la démission du chef de l’État, la France insoumise veut obtenir sa destitution, et la presse étrangère observe avec stupéfaction.
Quatorze heures. C’est l’intervalle qui sépare les deux derniers communiqués émis par le service de presse de l’Élysée. Le premier, envoyé aux rédactions hier soir, dimanche 5 octobre à 20 heures, détaillait la composition du nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé Premier ministre le 9 septembre. Le second, transmis ce lundi aux alentours de 9h50, annonce laconiquement que M. Lecornu a “remis la démission de son gouvernement au président de la République, qui l’a acceptée”.
En l’espace de quelques heures seulement, la France a vécu un événement inédit dans son histoire. Un épisode qui risque d’enfoncer un peu plus le pays dans la crise politique, en plus du marasme économique duquel Paris peine à s’extraire.
Record sur record
Avant même de démissionner, le gouvernement Lecornu avait déjà battu un record. Dans l’histoire de la Ve République française, jamais un Premier ministre n’avait pris autant de temps pour former son équipe gouvernementale. 26 jours s’étaient écoulés entre la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, le 9 septembre, et l’annonce de la composition de son gouvernement, ce dimanche 5 octobre.
Pour justifier ce délai, le Premier ministre expliquait vouloir prendre le temps de consulter toutes les forces politiques et syndicales, afin de “s’accorder sur le quoi avant le qui”, indiquait son entourage. Traduction : l’objectif était d’abord de trouver des compromis sur le budget 2026 pour qu’il puisse être adopté au Parlement, avant de dévoiler les personnalités qui formeraient le nouveau gouvernement.
À mesure que la recherche du compromis entre le bloc central, la gauche et la droite traînait en longueur, la pression s’accentuait sur le locataire de Matignon. Finalement, l’ancien ministre des Armées a privilégié une reconduction de l’alliance avec Les Républicains plutôt que de céder aux revendications du Parti socialiste.
Deux nouveaux visages sur 18 ministres
Au terme de trois semaines de tractations, le nouveau gouvernement a donc été dévoilé ce dimanche 5 octobre au soir. Si Sébastien Lecornu avait promis “des ruptures, aussi sur le fond”, le renouvellement des personnalités au pouvoir n’a pas eu lieu.
Sur les 18 membres de son nouveau gouvernement, 12 étaient déjà en poste sous le précédent, dirigé par François Bayrou (de décembre 2024 à septembre 2025). Seuls deux nouveaux visages y ont fait leur entrée : Mathieu Lefèvre (Renaissance) en tant que ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, et Naïma Moutchou (Horizons), nommée ministre de la Transformation et de la Fonction publique, de l’Intelligence artificielle et du Numérique.
Quatre anciens ministres ont également fait leur retour au sein du gouvernement. Parmi eux, Bruno Le Maire, qui fut à la tête du ministère de l’Économie et des Finances de 2017 à 2024, est revenu en tant que ministre des Armées et des Anciens combattants.
La nomination de Bruno Le Maire ne passe pas
Cette dernière nomination a notamment mis le feu aux poudres. Pour beaucoup d’opposants à Emmanuel Macron, l’ancien locataire de Bercy est tenu pour principal responsable de la dérive budgétaire du pays qui frappe le pays. Son retour a été perçu comme un affront pour le reste de la classe politique, dont Les Républicains, son ancienne famille politique, pourtant alliés gouvernementaux des macronistes.
Dimanche soir, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur reconduit, a regretté que “la composition du gouvernement ne reflète pas la rupture promise”. Le président LR a convoqué une réunion en urgence des responsables Républicains lundi matin pour statuer sur la stratégie à adopter. Outre la nomination de Bruno Le Maire, Bruno Retailleau n’aurait pas apprécié de voir son parti n’hériter que de 4 portefeuilles au sein du nouveau gouvernement.
Anticipant un très probable départ de LR et face à la menace de censure à l’Assemblée nationale, venant de la gauche et de l’extrême droite, Sébastien Lecornu a présenté la démission de son éphémère équipe gouvernementale à Emmanuel Macron ce lundi matin, qui l’a acceptée.
Son gouvernement est désormais démissionnaire, en charge des affaires courantes en attendant la nomination d’un nouveau Premier ministre, puis d’un nouveau gouvernement. Il revient à Emmanuel Macron de nommer un nouveau chef du gouvernement, ou bien de dissoudre l’Assemblée nationale afin que de nouvelles élections législatives anticipées puissent se tenir.