Augmentation des violences sur les femmes malgaches



La crise politique à Madagascar a eu des répercussions terribles sur l’économie, le social et même sur la vie de famille dans un pays qui compte plus de 20 millions d’habitants. Les résultats d’une enquête viennent démontrer que la violence sur les femmes malgaches a augmenté.

Cette enquête a été  effectuée sur deux années par le  service de lutte contre les maladies liées au mode de vie (SLMV) au sein des centres hospitaliers. En 2009, elle a recensé 5 387 victimes de traumatisme et de violences et au premier trimestre de l’année 2010, elle a enregistré 228 cas de viols dont la plupart ont eu lieu dans la capitale Antananarivo.

Ces données ne cessent d’évoluer et les résultats de cette enquête qui se poursuit, montrent une tendance à la hausse. En effet, 471 femmes sur 2231 interrogées, soit 21%, ont subi une forme de violence conjugale et 3% sont victimes de violence familiale, c’est-à-dire la violence occasionnée par les proches autres que le mari ou le partenaire. Les chiffres démontrent aussi que sur les  527 victimes d’agression sexuelle ou de tentative de viol examinées par un médecin légiste, 48.5% sont âgées entre 15 à 24 ans.

Il est clair que la violence affecte des millions de personnes chaque année à Madagascar et nuit à l’intégrité physique et morale des victimes dont  des jeunes filles et femmes.  C’est une violation flagrante des droits de l’homme mais aussi une expression des inégalités entre hommes et  femmes et une menace pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Il faut dire que l’insécurité est un problème grandissant à Madagascar. La gendarmerie est débordée face aux grèves, bombes artisanales et recrudescence de gangs organisés, qui volent, agressent, tuent et violent.

A deux reprises, des cadavres de femmes violées ont été retrouvés dans la capitale cette année. Et personne n’a été arrêté pour ces actes ignobles. Plusieurs associations luttent contre la violence basée sur le genre dont l’organisation PlaNet Finance et son programme Babéo, la fondation allemande Friedrich Ebert et la coopération malgache-suisse connue comme la SAHA. Ces trois organismes œuvrent aussi pour l’autonomisation de ces femmes afin qu’elles soient indépendantes.

Mais il faut dire que la mentalité malgache n’aide pas à faire reculer cette violence. Car au sein de plusieurs ethnies de l’île, il est normal qu’une femme se fasse agresser par son mari et conjoint.  Un sondage rendu public à la fin 2011 affirme que 32% des femmes de 15 à 45 ans pensent que l’homme a le droit de battre sa femme ou sa partenaire.  Seul un tiers des femmes décide principalement de l’utilisation de l’argent qu’elles gagnent.

Les formes de violences basées sur le genre les plus rapportées sont les violences physiques à 26%, les violences psychologiques et affectives à 24%, l’abandon du foyer conjugal à 39% et les violences sexuelles à 11%.

La crise, même si elle est politique, est également économique. Et c’est là où les femmes sont les plus affectées. «Les femmes sont les premières touchées quand l’économie va mal. Contrairement aux hommes, elles ne peuvent quitter leur foyer sur un coup de tête quand les problèmes surviennent,» explique Lizah Ndrialisoa, coordinatrice du programme Babeo au sein de l’organisation de solidarité internationale, PlaNet Finance.

De nombreuses femmes malgaches ont fui la Grande île en croyant que l’herbe était plus verte ailleurs mais elles ont affronté le pire. Surtout au Liban. Les rescapées du Liban ont d’ailleurs témoigné. L’histoire la plus poignante a été celle d’une femme violée non seulement par des inconnus mais aussi par son patron. «Mon patron m’a envoyée faire les courses. Tandis que je marchais, j’ai vu arriver un taxi. Le véhicule s’est arrêté à côté de moi et deux hommes m’ont tirée à l’intérieur et m’ont violée. Quand je suis rentrée à la maison, le patron m’a demandé pourquoi j’avais mis autant de temps à faire les courses. Dans l’espoir de trouver du réconfort, j’ai raconté en pleurant ce qui m’était arrivé. Cela ne faisait que trois mois que j’étais au Liban. Immédiatement après, le patron m’a entraînée dans sa chambre et lui aussi m’a violée en me disant: « Tu dois te laisser faire et, si tu n’acceptes pas, je t’enverrai constamment faire les courses pour que tu te fasses violer. Quand je n’acceptais pas de me laisser faire, il m’envoyait faire les courses et même s’il arrivait que d’autres Libanais me voient me faire violenter, ils ne disaient rien.» Toutes ces réalités font que l’avenir apparaît sombre aux femmes malgaches.

Une grande partie des pays africains et certains pays de l’Océan indien ont aussi du mal à combattre la violence basée sur le genre. Si aux Seychelles, ces violences sont surtout physiques, en Afrique du Sud, elles sont en majeure partie sexuelles. Aux Maldives, îles de l’Océan Indien, la situation est encore plus grave. Selon une enquête nationale sur «La santé des femmes et les expériences de vie», menée avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une Maldivienne sur trois, âgée entre 15 et 49 ans, indique avoir été victime d’une forme quelconque de violence physique ou sexuelle au moins une fois dans sa vie.

Les informations recueillies par les unités de protection familiale confirment ces témoignages et cette fréquence de violences et indiquent que 87% des auteurs sont connus des victimes. En avril dernier, le gouvernement de ces îles a fait voter une loi pour stopper et punir de telles agressions.

«La violation des droits de l’Homme la plus honteuse se caractérise sans doute par la violence à l’égard des femmes. Elle ne connaît pas de clivages géographiques, culturels ou sociaux. Tant que des actes violents continueront à être perpétrés, nous ne pourrons prétendre à des progrès pour atteindre l’égalité, le développement et la paix,»  disait Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies. Des propos qui attendent malheureusement encore d’être traduits dans les faits.

Leevy Frivet est journaliste à Maurice. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.

Posted by on Jun 12 2012. Filed under Monde. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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