FETE DU TRAVAIL Mai 2013 Homélie du père Jean-Maurice Labour La fête du travail : enfantement d’un monde nouveau



 

Introduction : fête des travailleurs 

Aujourd’hui, c’est la fête du travail. C’est la fête où nous nous inclinons devant ces millions d’hommes et de femmes qui rendent notre vie possible dans l’utile et dans l’agréable. Nous prions pour vous travailleurs et travailleuses des usines, des bureaux, de la fonction publique, des municipalités, des commerces et des hôtels, des hôpitaux. Vous travailleurs des plus humbles jusqu’aux décideurs.  C’est la fête où nous nous rappelons que les conditions de travail actuelles résultent du combat des travailleurs pour faire reconnaitre leurs droits et leur dignité. Nous n’oublions pas que la disparité dans l’échelle des salaires reste une source d’injustice criante. La NEF a fixé le seuil de pauvreté pour une famille de 4 personnes à Rs 6500 alors que la Commission Justice et Paix du diocèse de Port-Louis  a estimé à  Rs 7000 la somme nécessaire uniquement pour nourrir 4 personnes! Nous n’oublions pas que  les discriminations et diverses injustices, notamment envers les femmes et les migrants, empêchent un grand nombre de travailleurs d’offrir une vie décente à leur famille. Pour nous chrétiens, prier c’est déjà une forme de solidarité ; c’est puiser aux sources de notre baptême la force de nous engager pour lutter contre les injustices aux côtés des organisations qui défendent la dignité des travailleurs face aux lois qui ne sont pas toujours dans l’intérêt des plus faibles.

Contexte : crise de société.

Cependant, la fête du 1er Mai 2013, est célébrée alors que notre pays fait face à des crises successives préoccupantes ; comme d’habitude ce sont les pauvres qui payent le prix fort. La crise est si profonde que l’île Maurice est appelée à un travail de reconstruction morale, tant au niveau personnel qu’institutionnel.

  • Crise des institutions

Nous avons été marqués par les inondations du 30 mars dernier qui ont fait 11 morts. Inclinons-nous devant les victimes et leurs familles, qui ont subi les conséquences d’une catastrophe certes causée par des éléments naturels mais aussi par l’irresponsabilité de tout un chacun, depuis les décideurs jusqu’à l’homme de la rue. Dans le sillage de ces  inondations, surgit un tsunami d’interrogations sur la bonne gouvernance des infrastructures publiques : de la politique de logement social et de gestion de la terre ; de la capacité de nos services d’urgence  à répondre à une situation de crise. Nous devons aussi nous interroger sur la responsabilité du citoyen lambda quant au respect des règles de vie environnementale.

 

  • Crise financière

L’actualité nous montre aussi des scandales financiers où des spéculateurs véreux assoiffés de gains faciles ont à la fois abusé de la confiance de victimes innocentes et blanchi l’argent issu de trafics illicites. Ici encore, il y a un tsunami de scandales à répétition, chaque vague faisant oublier la précédente. Pendant ce temps, les Mauriciens ont dépensé Rs 6 milliards au loto la semaine dernière et Rs  54 millions pour l’ensemble des jeux de hasard. Là aussi, il convient de s’interroger sur la disparité entre les sommes astronomiques que la population est disposée à dépenser dans les jeux, par rapport à l’incapacité de cette même société à investir dans des logements sociaux décents. L’appât du gain facile, l’idolâtrie de l’argent fait perdre la tête, même à certains responsables dits religieux. Certains d’entre eux, qui se retrouvent depuis peu sous les feux de l’actualité, ont joué de la confiance dont ils bénéficient auprès de leur peuple et se sont enrichis grâce à la dîme des fidèles investie dans les placements financiers à l’étranger. Des corps de métiers qui devraient être exemplaires et au-dessous de tout soupçon sont éclaboussés : la police, le judiciaire, la politique. Un climat de soupçon envahit la république.

 

  • Crises morales

Prenons un temps également crier notre horreur face à la recrudescence des crimes passionnels, des attentats à la pudeur, des violences sexuelles sur les enfants et les vieux (un jeune qui s’attaque à une femme de 80 ans). Regretter notre réputation perdue d’île paradis ne suffit pas. Il faut s’indigner devant cette dégradation abjecte : il y a une profonde crise de société qui traverse toutes les couches de la population. Il y a parallèlement une crise des institutions censées être des garde-fous, une crise même des dispositifs légaux pour contrer ces dysfonctionnements. J’en veux pour preuve le cas d’abus sexuel allégué sur une enfant à la MITD : les autorités ont suspendu l’enseignant qui a eu le courage de dénoncer le cas, comme le lui demande la loi, ainsi que la psychologue qui a fait son rapport professionnel. Ce cas est extrêmement grave puisqu’il constitue un détournement de la loi par l’autorité de tutelle qui est censée veiller à son application. Comment inspirer confiance à tous ceux et celles qui veulent lutter contre les abus sur les enfants ?

 

De nombreuses institutions de notre République sont gangrénées de l’intérieur et semblent souvent être protégées par des intérêts corporatistes.

 

Comment  un chrétien célébre le 1er mai dans ce contexte ?

 

En tant que chrétiens, nous nous situons aussi  bien du côté des victimes et leurs familles, que du côté de ceux qui portent une part de responsabilité. Cependant, nous continuons à affirmer notre foi dans  la présence de Dieu dans ces réalités. En effet la base de notre foi chrétienne c’est un Dieu qui s’est incarné dans la vie des hommes : Jésus-Christ a payé cher le prix de la solidarité de Dieu avec l’humanité.

Avec Pilate l’assoiffé du pouvoir mais tourmenté par la vérité qui va quand même livrer Jésus malgré qu’il le sait innocent, avec Zachée le manipulateur d’argent qui acceptera de se convertir, avec la femme adultère victime de la sexualité débridée, avec la Samaritaine enfermée dans sa culture qui s’ouvre au dialogue bienveillant avec un juif honni des samaritains, Jésus a gémit jusqu’à la croix,  dans les douleurs de l’enfantement d’un monde qu’il voulait meilleur. Un monde où la vérité et la justice seraient réalisées.

Accepterons-nous à son exemple, d’accueillir ces crises de notre pays et de notre monde comme des expériences de transformation de nos mentalités qui exige de nous des conversions ? Accepterons-nous de travailler à mettre au monde un pays qui apprenne de ses erreurs et de ses crises ?  Je plaide pour que la fête du travail 2013 à Maurice soit la fête de ce travail de reconstruction, libéré de tout fatalisme, une fête du travail qui remette en question nos fonctionnements, une fête du travail qui prend racine dans l’espérance qu’une autre Ile Maurice est possible.

DEUX CHANTIERS  PRIORITAIRES : Travail sur les structures, travail sur les mentalités et cœurs.

Le travail le plus important auquel nous avons tous à nous atteler c’est la reconstruction de notre société malade. Il s’agit de redynamiser les institutions de contrôle telles que l’ICAC, EOT, le Comité des Droits Humains, en y mettant des hommes et des femmes qui ont à cœur l’intérêt du pays et qui ne cherchent pas leurs intérêts personnels à tout prix ; il s’agit également de donner aux pauvres des solutions qui respectent leur dignité en ne prétextant pas qu’il est impossible de donner des maisons de  plus de 31 mètres carrés faute d’argent dans ce pays.,etc

Les protocoles qui régissent les institutions (ICAC, Equal Opportunities Commission, Child Development Unit, Human Rights Commission, conventions ONU etc ) sont souvent bons et bien pensés même s’ils peuvent toujours être améliorés. Mais dans tous les cas où ces institutions ne jouent pas leur rôle ce sont les hommes qui les pourrissent. C’est le péché, l’appât du gain et la soif du pouvoir qui prend le dessus sur la défense de la dignité humaine.  Ce sont les discriminations, les jugements racistes, l’appât de la consommation, le manque de responsabilité citoyenne qui tir so kanet dan zoue au détriment du  Bien Commun. Même les institutions religieuses en font la triste expérience avec des pasteurs spéculateurs « qui faire nou honte ».

En cette fête du 1er mai 2013, j’exhorte les chrétiens à vivre la foi de leur baptême dans un travail de reconstruction personnelle et institutionnelle.

Posted by on May 2 2013. Filed under Actualités, Blog, Featured, Politique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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