Botswana: les femmes portant pantalons interdites d’accès au poste de police



Gaborone: Bokaa est un village situé approximativement à 50 kilomètres de la capitale Gaborone et comme bien d’autres villages au Bostwana, Bokaa est dirigé par un chef appelé Kgosi en Setswana et chaque chef a un lieu de rassemblement qui lui est propre et connu comme le Kgotla.

Traditionnellement, la culture Setswana ne permet pas aux femmes et aux filles d’entrer dans le Kgotla avec un pantalon ou en jeans. Elles doivent impérativement être vêtues de robes ou de jupes. La plupart des habitants respectent cette règle et elle est acceptée comme une pratique courante à travers le pays.

J’ai assisté à des réunions dans différents Kgotlas depuis que j’ai 10 ans. Ayant le plus grand respect pour la culture Setswana, je n’ai jamais porté de pantalons ou de jeans lorsque je m’y rendais.

Cependant à Bokaa, le Kgotla et le poste de police sont situés dans la même enceinte et bien qu’une clôture avec entrée différente sépare les deux, les femmes ne peuvent y entrer vêtues de pantalons. Si elles portent autre chose qu’une robe ou une jupe, elles sont renvoyées à la maison.

Je travaillais récemment sur une ferme de Bokaa où j’aidais à aménager une latrine pour une vieille femme et je portais bien évidemment un bleu de travail, tenue la plus pratique pour une tâche aussi ardue qu’ingrate. Comme je m’étais aussi impliquée dans les initiatives de prévention contre le crime dans la région, le chef de la police de Bokaa m’a fait appeler et m’a demandé de le rejoindre au poste.

Comme c’était le crépuscule, je me suis rendue directement au poste de police de façon à regagner la ferme avant qu’il ne fasse nuit. Lorsque je suis arrivée au poste et que le chef du village, Kgosi Sue Mosinyi, m’a vue, il a manifesté son mécontentement de me voir en bleu de travail. J’étais choquée car jamais auparavant je n’avais rencontré une telle réaction d’opposition d’un autre chef Kgosi. Il n’a pas voulu écouter mes arguments et m’a donné un sévère avertissement : il ne fallait jamais plus remettre les pieds dans le Kgotla en pantalon.

Ce contentieux dure depuis longtemps à Bokaa.  Le mois dernier, la veille d’une patrouille de nuit qui comprendrait policiers et volontaires dont des femmes, nous avons essayé d’expliquer aux fonctionnaires qu’il faisait trop froid pour que les femmes portent des robes et des jupes et qu’il valait mieux qu’elles se mettent en pantalon. Ils n’ont rien voulu entendre.

Les femmes volontaires qui patrouillent de jour pour la police ne sont pas exemptées, la seule exception autorisée par le chef du Kgotla étant pour les femmes policières « car cela fait partie de leur uniforme ». J’ai sollicité une rencontre avec celui-ci par la suite pour lui dire que les lieux publics et le poste de police devraient être accessibles à tous, quelque soit leur tenue vestimentaire. J’ai même avancé que l’entrée du poste de police était séparée de celle du Kgotla. Lui trouve que c’est la même chose. Il a expliqué qu’il fait des exceptions en cas d’urgences, de même que pour les femmes qui ne résident pas Bokaa. Par contre, les autres sont au courant des règles.

J’ai trouvé ses justifications inadéquates. Il restreint l’accès des femmes à l’unique poste de police du village et cela pose un sérieux problème dans un pays où le taux de la violence domestique et celui du viol sont élevés et sous-rapportés aux autorités, où l’on jette le blâme sur les victimes et où la violence conjugale est banalisée et ramenée à « une question familiale ». Les femmes de Bokaa sont au courant de cette tradition mais connaissent-elles leurs droits constitutionnels et savent-elles que cette tradition empiète sur lesdits droits ?

Je respecte le Kgotla car je crois qu’il s’agit de la plus ancienne forme de démocratie qui maintienne la paix dans le pays et je respecte aussi le règlement qui m’interdit de pénétrer le Kgotla en pantalon. Mais je ne peux accepter que ce règlement soit étendu aux lieux publics, en particulier dans des lieux où les gens vont chercher la protection et la sécurité. Ce faisant, on perpétue les inégalités du genre. Une pratique culturelle me privant de mes droits parce que je suis une femme est anticonstitutionnelle. Il faut soit revoir le règlement ou transférer le poste de police ailleurs.

Gogontlejang Phaladi coiffe de multiples chapeaux et est fondateur notamment du projet Pillar of Hope. Cet article fait partie du service de commentaires et d’opinions de Gender Links.

Posted by on Sep 5 2013. Filed under Monde. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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