Le salaire minimum, machine à exclure et créer du chômage



Protectionnisme, racisme, eugénisme : et si l’exclusion sociale générée par le salaire minimum était délibérément recherchée ?

« L’enfer est pavé de bonnes intentions. » C’est ainsi que les économistes décrivent le salaire minimum. Cette politique de contrôle des prix a des effets négatifs bien connus du monde académique. Loin d’augmenter le pouvoir d’achat des plus fragiles, elle réduit l’employabilité des individus dont la productivité n’atteint pas le prix fixé par la loi. Elle fragilise également les populations disposées à accepter des rémunérations plus faibles.

Cependant l’usage de ce proverbe laisse entendre que la criminalisation du travail rémunéré en-dessous du prix fixé par le législateur partirait initialement d’une bonne intention. L’exclusion sociale générée par le salaire minimum ne serait donc au mieux qu’accidentelle : une erreur bienveillante commise par les anges bénévoles qui nous administrent.

Nous ne souscrivons pas à cette analyse. Nous affirmons que le salaire minimum est une arme délibérément utilisée pour exclure du marché de l’emploi certaines catégories de la population jugées indésirables. L’analyse de l’actualité européenne et américaine ainsi que de récents travaux en histoire de l’économie confirment ce fait.

Le salaire minimum : instrument de protectionnisme syndical et industriel
L’action syndicale peut s’analyser comme celle d’un cartel de producteurs. Son rôle consiste à élever les barrières à l’entrée pour raréfier l’offre légale de services dans le but d’imposer des prix de monopole sur le marché. L’économiste Daniel Grisworld décrit avec un simple mot les intérêts syndicaux : protectionnisme1. Ces revendications protectionnistes conduisent régulièrement les syndicats à réclamer de multiples barrières à l’entrée : tarifs, quotas, normes techniques… et prix minimum.

L’analyse de l’actualité européenne et américaine offre des exemples spectaculaires de la finalité protectionniste d’un tel dispositif. Depuis quelques années, la classe politique franco-allemande, les milieux syndicaux et les industries locales s’émeuvent du recours dans leurs pays respectifs aux travailleurs détachés venus d’Europe de l’Est. Ces derniers – même lorsqu’ils sont moins chers que les travailleurs locaux – sont susceptibles de gagner trois fois plus pour un même ouvrage que dans leur pays d’origine.

La réponse des gouvernements français et allemand a été d’instaurer – sous la pression des syndicats et des entreprises locales – un salaire minimum dans les activités qui y échappaient encore, par exemple en étendant par voie d’autorité la portée des conventions collectives locales. Certaines de ces mesures doivent entrer en vigueur ce 1er juillet. En renchérissant artificiellement le prix de la main d’œuvre étrangère, les gouvernements d’Europe occidentale espèrent réduire les avantages comparatifs des travailleurs de l’Est – leurs salaires moins élevés – pour diminuer leur employabilité au profit des locaux.

Le Conseil économique, social et environnemental s’est d’ailleurs récemment félicité dans un rapport que « le salaire minimum légal en France a limité l’avantage économique du recours aux travailleurs détachés». Ceci explique pourquoi les États d’Europe centrale et orientale se sont longtemps opposés à cette harmonisation sociale qu’ils assimilent à raison à du protectionnisme occidental. Bruxelles ne s’y est donc pas trompé en ouvrant une procédure d’infraction à la libre-circulation contre la France et l’Allemagne en visant certaines extensions du salaire minimum.

Cette stratégie n’est pas nouvelle en Europe. L’Institut de recherche pour l’avenir du travail rappelle par exemple dans une note que la prolifération des conventions sectorielles instaurant un salaire minimum en Allemagne était une réponse des milieux industriels et syndicaux destinée à contrer l’afflux important de travailleurs low-cost dans les années 90 tandis que s’établissait peu à peu le marché unique2.

Fait encore plus marquant de l’autre côté de l’Atlantique : après s’être mobilisés pour un salaire minimum à 15 dollars de l’heure, les syndicats de Los Angeles demandent désormais que cette législation ne s’applique plus aux travailleurs syndiqués.

L’objectif consiste ici à privilégier l’employabilité des travailleurs coalisés au détriment de ceux qui ne le sont pas tout en espérant enrayer la baisse du syndicalisme dans certains secteurs. Ici comme ailleurs, l’art de la politique consiste à faire passer ses revendications catégorielles comme relevant de l’intérêt général. Le salaire minimum n’échappe pas à la règle.

Le salaire minimum : des motivations historiquement racistes et eugénistes

L’universitaire Walter Edward Williams est un économiste qui enseigne à l’Université George Mason qui s’est longtemps intéressé aux questions économiques et ethniques. Dans son ouvrage South Africa’s War Against Capitalism, il écrit que l’étude du marché de l’emploi durant l’apartheid l’a conduit à constater que les militants les plus impliqués dans la défense d’un salaire minimum pour les Noirs étaient les syndicats racistes qui ne comptaient aucun Noir parmi leurs membres.

Les Noirs étaient en effet disposés à recevoir des salaires plus bas que les Blancs. Réduire l’employabilité des premiers au profit des seconds passait donc par cette politique de contrôle des prix.

Cette solution s’est révélée être diaboliquement efficace. Neutraliser la liberté des prix – et donc la concurrence – affaiblit, voire neutralise, le coût de la discrimination pour un employeur en raison du déséquilibre suscité entre l’offre et la demande d’emplois. C’est pourquoi le salaire minimum – même là où les intentions racistes n’ont pas été décelées – a contribué à marginaliser davantage certaines minorités.

Même le Prix Nobel d’économie socialiste Gunnar Myrdal, dans son ouvrage An American Dilemma, partage le constat selon lequel la législation sur le salaire minimum sous l’ère Roosevelt a durablement détérioré la condition des Noirs durant la Grande dépression. L’OCDE confirme régulièrement les dommages infligés aux populations d’origine étrangère par les législations relatives au salaire minimum sur les marchés d’Europe de l’Ouest. De quoi réfléchir, au passage, sur la manière de traiter la crise des réfugiés qui frappe actuellement le Vieux continent.

Mais un autre économiste issu de la prestigieuse Université Princeton jette un pavé dans la mare. Thomas C. Leonard soutient dans un ouvrage paru en 2016 intitulé Illiberal Reformers : Race, Eugenics and American Economics in the Progressive Era que ces mesures aujourd’hui dites sociales ont longtemps été portées par des individus désireux d’appliquer un idéal eugéniste dans leurs pays respectifs. Le salaire minimum devait exclure des industries les populations considérées comme parasitaires : femmes, immigrants, Noirs américains, handicapés… Le marché libre ne permettait pas de se débarrasser des indésirables dont la reproduction allait affecter la supériorité de la race blanche anglo-saxonne et dont la présence sur le marché de l’emploi réduisait les salaires des plus productifs : les hommes blancs.

Conclusion
L’exclusion générée par les restrictions qui verrouillent notamment le marché de l’emploi menace les bases d’une société prospère et pacifiée. Plus que jamais, il est nécessaire de dénoncer le cynisme des responsables politiques et syndicaux qui prétendent mener la bataille de l’emploi en soutenant des mesures dont ils connaissent les effets exclusifs à l’égard de ceux qu’ils prétendent protéger.

À cet égard, il ne faut pas se leurrer sur les partisans de l’harmonisation sociale en Europe : ils dissimulent leur volonté d’adopter une forme de préférence nationale au même titre que l’extrême-droite. Les individus de bonne foi qui soutiennent ces mesures doivent quant à eux cesser d’être les idiots utiles du corporatisme en ouvrant les yeux sur le fait que les politiques de contrôle des prix, en plus de n’avoir jamais fonctionné, ont rarement été utilisées pour le bien de tous.

Daniel Griswold, Unions, Protectionism, and U.S. Competitiveness, Cato Journal, Vol. 30, No. 1 (Winter 2010)

Ronald Bachmann, Thomas K. Bauer, Hanna Kroeger, Minimum Wages as a Barrier to Entry: Evidence from Germany, IZA DP No. 6484 (2012)

Posted by on Jul 2 2016. Filed under Economie, Edito, Featured. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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