Plainte de Sheena Rosun contre la police Tout le combat contre la violence domestique prend un coup dans l’aile …



Sheena Devi Rosun a déposé plainte en Cour suprême en début de semaine contre le Commissaire de police et l’État, leur réclamant conjointement et solidairement la bagatelle de Rs 16,4 millions. Pour rappel, cette femme victime de violence domestique et ses enfants se faisaient agresser début 2020 par le mari de cette dernière, muni d’un sabre, avant qu’il ne soit abattu par la police. Selon elle, depuis la mort de son mari, sa vie familiale a été complètement bouleversée et elle fait face à plusieurs problèmes d’ordre financier. Mais un tel procès sera au détriment du combat contre la violence domestique, surtout en ce qui concerne les victimes de ce fléau social…

Une agression qui aurait pu être mortelle, n’était-ce l’intervention de la police

Retour en arrière, à la date fatidique du 2 janvier 2020, au domicile de la famille Rosun à Bord Cascade, Henrietta. Sheena Rosun, alors âgée de 24 ans, venait juste de regagner le domicile conjugal, qu’elle avait quitté pour se réfugier chez ses parents, après des violences qu’elle venait de subir aux mains de son mari, Bhavish Rosun, âgé de 22 ans au moment de sa mort.

Ce jour-là, une dispute éclate entre mari et femme. Selon son épouse, l’homme avait bu et avait fumé de la drogue synthétique. Bien que sa femme lui ait demandé de se calmer, Bhavish Rosun n’avait pas voulu entendre raison. Dans un premier temps, il devait agresser sa femme avec un rouleau de pâtissier (‘belna’). Sheena Rosun se trouvait alors avec ses deux fils, âgés d’un an et de deux ans au moment des faits, dans une pièce de la maison. Leur agresseur devait les empêcher de quitter ladite pièce. Alertés par les cris, des proches devaient alerter la police.

Quatre policiers de l’Emergency Response Service (ERS) sont arrivés. La porte d’entrée était verrouillée et le frère de l’agresseur, un dénommé Maheshsingh Rosun, devait empêcher les policiers d’avoir accès à l’intérieur de la maison. Ces derniers devaient essayer de calmer Bhavish Rosun  à travers la fenêtre de la pièce où se déroulait l’agression. Or, l’homme devait devenir encore plus violent.

Les policiers devaient intimer à la femme de quitter la pièce, car ils comptaient envoyer une bombe lacrymogène. Cette dernière devait s’enfuir avec les deux enfants dans le salon, où ils seront suivis par le monstre. Il devait ensuite se rendre dans la cuisine pour prendre un sabre.

En retournant, il devait lancer un premier coup de sabre dans le vide. Le deuxième coup de sabre devait atteindre le nourrisson d’un an qui se trouvait dans les bras de sa mère, bien qu’il ne soit pas clair s’il visait l’enfant expressément. Mais alors qu’il se positionnait pour lancer un troisième coup de sabre, un des policiers devait faire feu une première fois sur lui à travers d’une fenêtre. Ayant reçu une première balle, il montrait apparemment certains signes qu’il voulait continuait d’agresser la mère et le bébé.

C’est à ce moment que le policer devait tirer à deux autres reprises sur lui. Il devait s’écrouler et devait mourir par la suite. Les policiers ont alors pu enfoncer la porte d’entrée. Après quoi, ils devaient conduire la femme et les enfants à l’hôpital.

Grièvement blessé à la tête, souffrant de traumatisme crânien, le bébé devait être admis aux soins intensifs mais devait survivre après une intervention chirurgicale.

Le frère de l’agresseur, Maheshsingh Rosun, 24 ans, se trouvait lui aussi dans la maison. Pendant tout ce temps, il regardait tranquillement la télévision malgré que Sheena lui ait imploré de calmer Bhavish. Il devait être arrêté par la suite, et poursuivi pour non-assistance à personne en danger.

Sheena Rosun subissait un calvaire aux mains de son mari

Mariée depuis deux ans, Sheena Rosun subissait un calvaire aux mains de son mari violent. Bhavish Rosun avait déjà agressé dans le passé sa femme et ses deux fils en bas âge. Déjà couverte par un ‘Protection Order’, cette femme ne comptait plus les plaintes qu’elle avait consigné à la police et à la ‘Family Protection Unit’ (FPU) pour violence domestique. Selon sa femme, le défunt prenait de la drogue synthétique.

Les déclarations de Sheena Rosun aux medias en porte-à-faux avec le procès qu’elle intente

Il convient de revenir sur certaines déclarations de Sheena Rosun aux medias. Elle devait dire que son mari frappait avec l’intention de tuer. Elle devait aussi dire qu’elle croyait que leur dernière heure était venue. Elle devait finalement dire que sans intervention de la police, elle-même et ses deux enfants seraient tous morts.

De là, on peut conclure, sans grand risque de se tromper, qu’il y a de fortes présomptions que la police a effectivement sauvé cette femme et ses deux enfants.

Le combat contre la violence domestique…

 
Dabord, situons le contexte : celui de la violence domestique, ou rappelons-le, les femmes sont principalement les victimes.

Le 25 novembre 2020 avait marqué la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Ce qui a été constaté par de nombreux ONG durant cette occasion : ce problème demeure préoccupant à Maurice et ailleurs,malgré les diverses lois de plus en plus répressives, les éternelles campagnes de sensibilisation  et le combat inlassable des ONG.

Certains ONG avaient même fait état que les cas de violence à l’égard des femmes prennent l’ascenseur ou que la nature descas de violence domestique se sont aggravés ces derniers temps.Des facteurs sociaux commelechômage ou la dégradation des mœurs dans le pays avaient été pointés du doigt. Ainsi, de janvier a à octobre 2020, SOS Femmes a hébergé 349 femmes battues et 452 enfants.

Selon les chiffres avancés par les ONG, chaque poste de police à travers de l’île enregistre une moyenne de cinq plaintes par jour par rapport à la violence domestique, aux ‘Breaches of Protection Order’, aux cas de harcèlement ou aux viols.

La ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille, Kalpana Devi Konjoo Shah, avait lancé un plan d’action le 25 novembre dernier afin de combattre ce problème dans le pays. Un point saillant de ce plan d’action a été le lancement d’une application mobile connu comme ‘Espoir.’ Les victimes de violence domestique, en appuyant sur un ‘Panic Button’ pourraient ainsi alerter les policiers et permettre leur prompte intervention.

… mise à mal par ce procès ?

La plainte de Sheena Rosun tombe comme un pavé dans la mare.Certes, c’est le droit le plus strict de tout citoyen d’entrer une action en justice si ses droits sont lésés, mais il y a aussi des actions en justice qui sont frivoles.

Un avocat qui a tenu à garder l’anonymat nous explique que cette action en justice agira potentiellement comme un blocage aux interventions de la police dans des cas comme celui-ci. Alors que déjà, les policiers rechignent à intervenir dans les disputes conjugales… Car en effet, les policiers craindront d’intervenir dans des cas de violence domestique s’ils risquent d’être poursuivis. Qui plus est, il y a le risque que les policiers ressentent moins de sympathie envers les victimes de violence domestique.  Or, selon les ONG, l’aspect le plus important dans le combat contre la violence domestique est que les victimes aient le courage de dénoncer leur bourreau.

Une affaire en Cour suprême prend énormément de temps. Or, pendant tout ce temps, la police hésitera à intervenir dans les maisons des particuliers, même si quelqu’un est en danger de mort.

Que compte gagner la plaignante dans tout ceci ? Il est apparent qu’elle souhaite que la police arrive à un accord à l’amiable avec elle, avec une compensation à la clé. Or, cela pourrait constituer un mauvais précédent, nous explique l’homme de loi. « Il est à espérer que la police défende cette affaire jusqu’au bout, jusqu’à ce que la Cour suprême se prononce dessus. Il y a fort à parier que la Cour considérera que la police a agi dans le but de sauver des vie et que cette plainte soit rejetée, comme étant frivole et vexatoire. Un jugement dans ce sens ne pourra être que dans l’intérêt des toutes les vicitmes de la violence domestique », nous fait comprendre l’avocat.

Et quid des affirmations de Sheena Rosun qu’elle a besoin d’argent pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille? Il y a plusieurs mesures sociales qui, a priori, apparaissent comme étant applicables dans son cas, par exemple, l’assistance fournie aux personnes inscrites sur le ‘Social Register of Mauritius’.

Toutefois, selon les ONG, il est exact de dire que les femmes subissent les violences contre elles, car c’est difficile pour elles de s’en sortir, par peur qu’elles ne se retrouvent sans logement et sans moyens de subsistance.  Il est ainsi impératif que la femme soit accompagnée sur le long terme après avoir dénoncé son bourreau, et non pas seulement être placée provisoirement dans un abri. Ce manque d’accompagnement est une grave lacune à Maurice, et le gouvernement doit mettre en place les mesures correctives nécessaires. Mais une victime qui a été secourue par la police ne devrait pas poursuivre ses sauveurs pour tirer un bénéfice quelconque de cette façon.

Posted by on Jan 11 2021. Filed under Actualités, En Direct, Faits Divers, Featured. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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