À Madagascar, une réouverture des frontières au goût amer pour les entreprises…
Le secteur touristique et le secteur privé en général se disent très insatisfaits des mesures imposées par les autorités malgaches pour la réouverture des frontières de la Grande Île au reste du monde. Dans les faits, il n’y a pas eu de nouveaux vols arrivés dans les aéroports malgaches ce samedi 5 mars. Les conditions d’entrée à Madagascar ont d’ailleurs été annoncées par les autorités le jour même de la réouverture.
Après deux ans de fermeture, ces conditions strictes ne redonnent pas espoir aux entreprises. Test PCR à l’arrivée et confinement de deux jours à l’hôtel à la charge du voyageur, réouverture de seulement trois aéroports aux vols internationaux, nouvelles conditions imposées aux transporteurs aériens pour lutter contre le trafic de ressources minières, comme l’or… Des mesures lourdes qui détournent les touristes, les relations d’affaires et les compagnies aériennes de la Grande Île, estime Aina Raveloson, présidente de la Confédération du tourisme de Madagascar et vice-présidente du Groupement des entreprises de Madagascar.
« Nous sommes vraiment inquiets, choqués et scandalisés par les mesures que l’État souhaite mettre en place pour conditionner cette réouverture, affirme Aina Raveloson. On prend en otage 99% de l’économie pour essayer d’arrêter 1% de trafiquants. Aujourd’hui, nous sommes limités à deux ou trois compagnies aériennes. Nous avions aussi espéré que dans le cadre de cette réouverture, les mesures sanitaires seraient allégées comme l’a fait le reste du monde. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui et ça, c’est vraiment un frein pour le développement économique. Nous accumulons de plus en plus de retard. »
La lutte contre les trafics de ressources minières devrait être assumée par les douanes et autres institutions étatiques et non par les compagnies aériennes, soulignent les opérateurs économiques.« Nous n’avons toujours pas de nouveaux vols sur la destination Madagascar alors que tout le monde s’était préparé dans ce sens, se désole Aina Raveloson. Cette absence de visibilité, ce mélange des genres, nous pénalisent et vont nous pénaliser pas seulement pour une semaine ou deux semaines mais pour encore peut-être des mois. Cela engendre des annulations sur l’ensemble d’une saison ou d’une année touristique. Mais cette perte, qui la supporte aujourd’hui et depuis deux ans ? Ce n’est pas l’État. Ce sont les opérateurs et ce sont surtout les salariés et au bout du compte l’économie ne tourne pas. »
Car au-delà du secteur du tourisme, le manque de liaisons aériennes avec le reste du monde affecte la plupart des entreprises. Cette réouverture des frontières est une déception immense pour le secteur privé déjà exsangue, témoigne Hery Lanto Rakotoarisoa, président du Groupement des entreprises franches et partenaires.
« Sur le papier, c’était enfin un soulagement parce que Madagascar a tardé à ouvrir ses frontières, confie-t-il. Mais cette ouverture n’en est en fait pas une parce que les principales destinations, les principaux partenaires pour ne citer que Maurice ou l’Afrique du Sud, ne sont pas de la partie. Ce qui nous intéresse, c’est le fret et pouvoir voyager. Nos clients ont besoin de faire des visites d’usines, de faire des audits au niveau de nos entreprises. Par exemple, nos partenaires mauriciens, pour venir à Madagascar, font un détour par Paris, ce qui est un non-sens. Il n’y a pas d’incitation du tout et le climat qui ressort de toutes ces mesures prises est très anxiogène pour les entrepreneurs que nous sommes. »
Des opportunités commerciales manquées
Ces entreprises franches qui opèrent, entre autres, dans le textile destiné à de grandes marques, dans l’agroalimentaire ou encore dans des marchés de niche, comme la fabrication de prothèses dentaires, peinent à exporter leurs marchandises.
« C’est une grosse déception parce qu’il manque vraiment des capacités, précise Hery Lanto Rakotoarisoa. Il n’y a pas assez de compagnies et cela engendre des coûts de voyage et de fret extrêmement élevés. Cela impacte notre compétitivité. Air France qui est le seul pourvoyeur de fret actuellement, n’a pas assez de capacité pour couvrir tous les besoins. En ce moment, si vous envoyez un fret par Air France vous n’avez pas la garantie que cela partira dans la semaine. Avec l’exclusion de l’Éthiopie de l’Agoa, il y a beaucoup d’acheteurs qui sont intéressés par Madagascar mais c’est très difficile pour les entreprises existantes d’augmenter leur capacité ou de saisir ces opportunités qui sont en train de passer. »
Les opérateurs économiques demandent aux autorités de permettre aux compagnies aériennes, qui opéraient avant la pandémie, de desservir à nouveau Madagascar, entre autres, Turkish Airlines, Kenya Airways, Ethiopian Airlines ou encore la compagnie sud-africaine Air Link.
« Les échanges avec le continent africain ont pris de plus en plus d’ampleur ces dernières années, insiste Aina Raveloson. On ne peut pas se permettre aujourd’hui de rester coupés de cette partie du monde. »