C’était l’enfer du Bernabéu



« Quatre-vingt-dix minutes au Bernabéu peuvent être très longues. » Ces mots, prononcés par l’ancienne gloire du Real Madrid « Juanito » Gómez González, résonnaient intensément dans les rues de Madrid ce mercredi. Comme un avertissement, forcément : celui que le Real n’est jamais en position de faiblesse lorsqu’il reçoit chez lui, et même si c’est un huitième de finale retour de Ligue des champions dont la première manche avait été perdue. Alors que Paris se réveille ce jeudi avec la gueule de bois des lendemains de déroute, ces mots prennent plus que jamais sens : en 16 minutes et 41 secondes, le temps qu’il aura fallu aux Parisiens pour concéder trois buts fatals aux Madrilènes, Paris a laissé au Bernabéu l’occasion de se retourner, de le submerger dans la pression pour enfin l’engloutir complètement, le rappelant à ses pires démons. « En Espagne, on est chez nous » Pourtant, comme le jeu, l’ambiance avait été parisienne les deux tiers du match. Il faut dire que les supporters rouge et bleu, qui étaient environ 1800 parqués dans l’une des tribunes hautes de l’enceinte madrilène, étaient venus pour faire honneur à leur réputation de chauffeurs de tribunes. Au plus clair de l’après-midi, éparpillés entre différents bars du centre-ville et les abords du Bernabéu où avait donné rendez-vous le Collectif Ultras Paris pour le départ du cortège, les supporters venus des quatre coins du monde arboraient leur confiance en étendard : en gagnant la bataille des tribunes, ils étaient sûrs de pouvoir gagner celle du terrain. En se remémorant les déplacements passés à Liverpool où à Dortmund, qui avaient marqué les populations locales, Cédric, membre du fan club parisien des Vosges, osait même un constat qui paraît désormais prophétique : « L’Espagne, on connaît, il y a moins cette culture ultras, c’est nous qui faisons l’ambiance dans le stade. Ici, on est un peu chez nous, c’est pas comme en Italie, en Allemagne ou en Angleterre. » Il n’avait pas tout à fait tort. Paris a été chez lui au Bernabéu, au moins pendant une heure. Jusqu’au premier des trois buts de la soirée pour Karim Benzema. Jusqu’alors dompté, laissant le soin aux ultras parisiens de rythmer la soirée et de s’essouffler, le stade madrilène s’est presque réveillé d’entre les morts, porté par l’espoir d’une remontée désormais à portée de mains. Ce but, qui comme l’a très justement souligné Mauricio Pochettino après le coup de sifflet final, « a changé le match » , a surtout changé l’atmosphère. Dos au mur, plombé par ce but entaché d’une erreur de Donnarumma/faute de Karim Benzema, Paris s’est pris d’un coup dans la gueule une double vague : celle des offensives madrilènes et des hourras frénétiques du Bernabéu qui les accompagnaient. Les tribunes du Bernabéu se sont refermées sur les Parisiens. Sous la pression, avec les chants de ses ultras noyés par les 60 000 voix madrilènes, Paris a alors commencé à enchaîner les erreurs, à montrer ses faiblesses. On retrouvait le Paris faiblard dans la tête que l’on connaissait, et l’on savait alors le craquage inévitable. La fracture du mental de trop Au moment de relever leurs têtes baissées, les joueurs parisiens seront sans doute hantés de questions. La première : pourquoi ? Pourquoi cette équipe semble-t-elle avoir la débâcle européenne inscrite dans son ADN ? Pourquoi se retrouve-t-elle, pour la troisième fois en cinq ans, dans la peau de l’équipe qui a foutu en l’air, en moins d’une mi-temps, un avantage de deux buts ou plus ? Pourquoi, après avoir semblé éradiquer ses démons sur les deux dernières saisons, Paris est-il retombé dans ses travers ? Ce mercredi, Paris a une nouvelle fois appris de la plus dure des façons que l’édifice qu’il a construit ces dix dernières années est un château de cartes qui menace de s’effondrer au moindre coup de vent. À la 60e minute, Karim Benzema a sonné la révolte madrilène. À la 78e, son but rappelait l’immense fossé qui sépare encore le PSG des plus grandes institutions, celles qui ne sont jamais mortes même quand elles sont enterrées. Dans les travées du Bernabéu, il est presque minuit quand les supporters parisiens sont libérés par les stadiers. Les visages sont gris, les mines sont basses. En face, les quelques irréductibles madrilènes restés dans les tribunes entonnent un chant taquin à la gloire de Kylian Mbappé, vaincu ce soir. « Tout le monde était juste triste, raconte Julien Teman, le président du fan club PSG à Madrid. C’est le même scénario tous les ans, c’est terrible. Maintenant, on espère juste que ça changera la saison prochaine. » C’est officiel, Paris est de retour à la case départ, après avoir bien cru cet été que son mercato cinq étoiles allait enfin lui permettre de rouler. Les lumières du Bernabéu s’éteignent sur la pelouse et sur les rêves d’Europe du PSG. Julien conclut, défait : « C’était le plus beau match de ma vie, jusqu’au but de Benzema. »

Posted by on Mar 10 2022. Filed under Sports. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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