Compétitivité, productivité et reprise économique à Maurice : Quand les absences des travailleurs locaux entrainent un effet négatif
- Des industriels, contracteurs et syndicalistes situent l’importance des travailleurs étrangers surtout en ces moments difficiles
Depuis plusieurs années, de nombreuses entreprises se plaignent des absences répétées des employés locaux à leurs postes de travail. Cette situation entraine un effet négatif non seulement au niveau de la compétitivité et de la productivité, mais affecte aussi la croissance économie de Maurice. Pour certains, un grand nombre de Mauriciens y compris ceux qui travaillent dans le secteur de textile ou autres, n’aiment pas se rendre au travail les lundis, surtout après avoir obtenu leurs salaires. Comme solution, des acteurs du secteur sont d’avis qu’il faut attirer et encourager la main d’œuvre étrangère à Maurice. Les travailleurs étrangers (Indiens, bangladeshis, malgaches …) pourront contribuer à l’économie et aider notre pays à redorer son blason, après la Covid. Dans ce contexte, nous avons sollicité les impressions de Vidianand Sanjay Toofanny, (Association des Contracteurs), Dewan Quedou (Mauritius Trade Union Congress (MTUC), Pradeep Dursun (Chief Operating Officer de Business Mauritius) et l’industriel François de Grivel.
Sanjay BIJLOLL
Vidianand (Sanjay) Toofanny, président de l’Association des Contracteurs
« L’absence des travailleurs les lundis pénalisent l’opération dans plusieurs secteurs de l’économie mauricienne’’
- Main d’oeuvre étrangère : « Nous devons emboiter le pas de Dubai, de Canada, des pays européens et des Etats-Unis pour la transformation de notre économie » , estime-t-il
Le président de l’Association des Contracteurs, Vidianand (Sanjay) Toofanny reconnait que l’absentéisme, plus particulièrement les lundis, se fait cruellement sentir au sein des plusieurs secteurs, plus particulièrement dans celui de la construction. « En raison de l’absence des travailleurs qui obtiennent leur paie chaque semaine, plusieurs secteurs opèrent au ralenti. En raison du manque de travailleurs, nous n’arrivons pas à compléter des projets. Cela affecte non seulement le niveau de la productivité et de la compétitivité, mais aussi le ‘cash-flow’ des compagnies des contracteurs et la croissance économique de notre pays. Ces absences représentent un cercle assez vicieux qui pénalisent l’opération dans plusieurs secteurs et de surcroit plusieurs personnes » , explique-t-il.
Mesures pour contrer les absences
Notre interlocuteur a, dans la foulée, souhaité que les contracteurs ainsi que les autorités concernées prennent en considération ses propositions pour faire face aux problèmes de l’absentéisme. Ainsi, selon lui, les contracteurs devraient payer leurs employés chaque quinzaine au lieu de chaque semaine. Ce qui, dit-il, incitera les travailleurs (faute d’argent) à venir travailler pendant 15 jours consécutivement afin d’obtenir de l’argent pour nourrir les membres de leurs familles.
D’autre part, Sanjay Toofanny est d’avis que l’introduction d’un système de bonus encouragerait les employés à venir travailler continuellement pour au moins 15 jours.
Par ailleurs, le président de l’Association des Contracteurs a soutenu qu’un ‘long term contract’, minimum deux ans et les salaires des employés crédités en banque permettraient aux travailleurs de bénéficier de plusieurs avantages et facilités, soit en termes d’emprunt, d’Employees Welfare Fund, et les contributions concernant le CSG et la NPF. Toutefois, il a ajouté que les paiements doivent être réalistes et ce en se basant sur les capacités et mérites des travailleurs.
Notre interlocuteur a également commenté les rencontres régulières avec les employés pour leur expliquer les mesures qui seront introduites en leur faveur.
Travailleurs étrangers
Par la même occasion, Sanjay Toofanny a exprimé son point de vue sur l’importance des travailleurs étrangers dans notre pays.
Soutenant que Maurice représente un vaste chantier et mettant l’accent sur le projet de construction de 12 000 maisons, par le gouvernement, il a dit que ces développements absorberont des travailleurs qui pourront augmenter la croissance dans le secteur concerné. « Bisin encourage, accorde bannes facilitées et aide banne travailleurs étrangers pour qui zotte capave aide le pays pour relance la reprise économique surtout dans la conjoncture actuelle » , a-t-il souligné.
Dans la foulée, Sanjay Toofanny a fait comprendre que nous devons suivre l’exemple de Dubai, où les travailleurs étrangers, dont ceux du secteur de la construction, contribuent énormément à l’économie de cette ville. « Même le Canada, l’Australie, de nombreux pays Européens, voire même les Etats-Unis, entre autres, ont besoin de la main d’oeuvre étrangère, pourquoi pas nous ? Nous devons emboiter le pas de ces pays pour atteindre notre but eu égard à la reprise économique », estime-t-il.
Dewan Quedou, président du Mauritius Trade Union Congress :
« Les absences les lundis entrainent un impact négatif sur plusieurs plans’’
- « ll faut encourager la main-d’oeuvre étrangère pour pouvoir contribuer à la reprise économique’’, estime le syndicaliste
Le président du Mauritius Trade Union Congress, Dewan Quedou, a affirmé que les travailleurs mauriciens ont pour habitude de s’absenter les lundis, surtout après avoir obtenu leurs salaires. « Cela entraine un impact négatif à bien des égards notamment en ce qui concernent la compétitivité, la productivité et l’économie mauricienne et cela remet en question l’importation de la main d’œuvre pour remédier à la situation » , estime-t-il.
Mettant l’accent sur le taux d’absentéisme sur les lieux du travail dans les industries et entreprises, qui perdure depuis des années, le syndicaliste a lancé un appel aux travailleurs du secteur privé de ne pas s’absenter de leur travail, soit le premier jour de la semaine et pour plusieurs raisons.
Cependant, Dewan Quedou a précisé que les travailleurs du secteur privé s’absentent les lundis pour plusieurs raisons. « Ceux qui travaillent comme ouvriers, qui effectuent des tâches pénibles comme les maçons, les soudeurs ou ceux qui travaillent dans les industries de construction et de fabrication sont plus susceptibles d’être absents les lundis » , précise-t-il.
D’autre part, il soutient qu’un travailleur en classe manuelle ou qui exerce des métiers difficiles qui nécessitent des efforts musclés, aura tendance à être en congé le lundi. Cependant, ceux qui occupent des postes de bureau ou d’autres fonctions administratives ou exécutives ne seront pas absents.
Dewan Quedou, a fait ressortir que la plupart du temps, les dimanches sont l’occasion de réunions de famille et autres mariages et autres événements sociaux. « Ainsi, les lundis, soit ils sont fatigués, soit ils assistent aussi à des réceptions de mariage (aussi appelées Chawthari). Certaines catégories de travailleurs bossent le dimanche ou sont de garde. On peut citer les secteurs de la santé, de la police et de la sécurité. Ils choisissent donc de s’absenter le lendemain », dit-il.
Et d’ajouter que : « Dans la catégorie des habitués, je citerai les adeptes à la bouteille ou ceux qui sont absents ou paresseux. Mais encore une fois, c’est plus fréquent chez les travailleurs manuels qui ne semblent pas conscients des incidences sur leur carrière ou sur leur entreprise. Cette même habitude peut les conduire à s’absenter plus souvent en semaine ».
Poursuivant, le président du MTUC a indiqué que de nombreux secteurs d’activités dépendent de la présence continue des travailleurs toute au long de la semaine. « Toute absence, soit un lundi, soit un jour de semaine, entraînera un « manque-à-gagner » pour l’employeur ou l’entreprise. Certains secteurs comme la construction, l’industrie manufacturière, les hôtels, la boulangerie, les hôpitaux, les cliniques privées, la police, les services d’incendie, le port et l’aéroport, peuvent être grandement touchés par ces absences régulières » , estime-t-il.
Le président du MTUC a, par ailleurs laissé entendre que ‘ nous devons aider attirer la main-d’œuvre étrangère et encourager les travailleurs à contribuer à l’économie mauricienne, surtout au moment où notre pays se remet encore de 2 années de confinement, en raison de la COVID-19’’.
Pradeep Dursun, Chief Operating Officer du Business Mauritius :
« Le développement d’un mécanisme est nécessaire pour faire face au taux d’absentéisme des travailleurs »
Le Chief Operating Officer du Business Mauritius, Pradeep Dursun, affirme que le taux d’absentéisme les lundis est normalement plus élevé par rapport à d’autres jours de la semaine. ‘’Pour moi, cette absence est attribuée à diverses raisons. Souvent on qualifie les lundis comme ‘lundi coordonnier’’’,estime-t-il.
Le représentant des employeurs a laissé entendre que ces congés sont planifiés à l’avance. « De nombreux employés étendent souvent leurs week-ends en faisant une demande de congé les vendredis et les lundis, soient pour des activités familiales ou obligations personnelles’ », a-t-il dit.
D’autre part, a ajouté Pradeep Dursun beaucoup d’entreprises ont développé un mécanisme eu égard au taux d’absentéisme au sein des entreprises et industries. « Ces derniers ont introduit le ‘flexi -work practices’ tel le télé travail, le travail à mi-temps et d’autres ‘flexible times’, qui ont permis à inverser cette tendance d’absentéisme prononcé les lundis ».
Le Chief Operating Officer de Business Mauritius a ainsi déclaré que les industries et entreprises prennent toutes les précautions nécessaires pour mieux gérer le flux du travail et leurs opérations afin de faire face à la situation.
L’industriel François de Grivel :
« Depuis plusieurs années, les compagnies cherchent à s’assurer de l’engagement professionnel de leur personnel de base »
L’industriel, François de Grivel a, d’abord fait ressortir qu’actuellement, l’île Maurice connaît une relance après les 2 difficiles années de Covid en 2020 et 2021.
Dans ce contexte, il a soutenu que cette relance s’accompagne par une demande de main-d’œuvre. « Cette main d’œuvre, pas toujours disponible à Maurice, vient de plus en plus de Madagascar, du Bangladesh et de l’Inde », a-t-il précisé.
Dans le même souffle, François de Grivel a souligné que les entreprises ne souffrent pas de l’absence de la main-d’œuvre étrangère, mais malheureusement les Mauriciens ont la fâcheuse tendance à s’absenter plus souvent les lundis. Cela pénalise sensiblement l’activité des entreprises.
Par ailleurs, l’industriel a fait comprendre que depuis plusieurs années, les responsables des compagnies cherchent à s’assurer de l’engagement professionnel de leur personnel de base. « Ceci est très important car il s’agit de leur conscience professionnelle et bien entendu de leur productivité au travail et de la volonté de chacun à participer à l’effort national » , a-t-il dit.