Ce n’est pas la première fois que la Commission de pourvoi en grâce annule une sentence d’emprisonnement



En 2019, Sir Victor Glover a déjà déclaré dans la presse qu’il estimait n’avoir pas à donner d’explications sur les décisions de la Commission.

Plusieurs articles de presse et d’opinons fustigent la décision de la Commission de pourvoi en grâce de Chandra Prakashsing Dip. Nous avons fait un condensé de ces écrits en apportant certaines de nos précisions. Nous nous attardons particulièrement aux commentaires de feu Sir Victor Glover jadis dans la presse où il estimait n’avoir pas à donner d’explications sur les décisions de la Commission. Un principe qui est sacré selon plusieurs légistes.

C’est le talk of the town de ce début d’année.  Condamné à 12 mois de prison dans une affaire d’entente délictueuse pour commettre une fraude, Chandra Prakashsingh Dip a vu sa peine d’emprisonnement commuée en une amende de Rs 100 000. Il n’est surtout pas la première personne à avoir été gracié par la Commission de pourvoi en grâce. Chandra Prakashsingh Dip est maintenant victime de sa relation avec le Commissaire de police Anil Kumar Dip, ce qui lui vaut un lynchage dans les médias. Pourtant, il y en a d’autres cas qui nécessitent plus de réflexion !

La grâce présidentielle accordée à Chandra Prakashsingh Dip est une aubaine pour l’opposition. Xavier Duval, Arvin Boolell, Nando Bodha, Rama Valayden… ces membres de l’opposition parlementaire et extraparlementaire s’adonnent à cœur joie de commenter cette affaire sur les radios et dans les presses de l’opposition. En ce faisant, l’opposition souhaite surtout semer le doute sur la Commission de Pourvoi en grâce dans la tête de la population. Mais ils oublient…

‘Free of pardon’ pour un trafiquant de drogue

Le 28 janvier 2019, Mohamed Siddick Hashim Maudarbocus, 29 ans, obtient la grâce présidentielle pour une sentence de six mois de prison et Rs 50 000 d’amende. L’affaire fait polémique car le jeune homme avait été condamné pour avoir acheté de la drogue synthétique en ligne. Le comble, le fils du Dr Siddick Maudarbocus, ancien candidat et membre du MMM avait vu ses peines s’effacées complètement, donc ce qu’on appel le ‘Free of Pardon’. Mais ce qui cloche dans cette affaire est que la demande de grâce présidentielle avait été faite le 9 janvier et 21 jours plus tard soit le 28 janvier il avait obtenu sa grâce de la Commission alors présidée par sir Victor Glover. Son homme de loi dans cette affaire, en cours de justice a été le Senior Counsel, Gavin Glover.

« Le dossier a été mal ficelé, affirme son père, ce ne sont même pas les avocats qui ont sollicité la Commission, je l’ai fait à leur insu. » Il nie toutefois que le dossier de son fils a été « expédié » : il explique qu’il a écrit une première fois à la Commission en septembre 2018 avant de lui écrire à nouveau le 9 janvier pour apporter d’autres précisions. « C’est faux de dire que cela a été fait à la va-vite », explique-t-il.

Mais c’est une affaire qui méritait alors bien plus de réflexion à cette époque et se poser la question importante, est-ce normal que la grâce présidentielle soit accordée à la vitesse de l’éclair dans un délit de drogue ? L’ex-avocat Dev Hurnam avait soulevé un tollé.

Soulignons quand même que Mohamed Siddick Hashim Maudarbocus, également pilote de course, est décédé en octobre 2020 après que la voiture qu’il conduisait ait pris feu, à Montagne-Ory.

Les accusés de l’Affaire l’Amicale

En novembre 2001, quatre personnes sont condamnées à 45 ans de prison aux Assises dans l’affaire. Ils sont reconnus coupables d’avoir incendié le 23 mai 1999 une maison de jeux causant la mort de sept personnes dont une femme enceinte.  Abdool Naseeb Keramuth, Shafick Nawoor et les frères Sheik Imran et Khaleel Oudeen Sumodhee, tous défendu par un panel d’avocat dont feu Me Yusuf Mohamed, Senior Counsel. Par la suite, c’est Me Rama Valayden avait fait une demande à la Commission de Pourvoi en grâce, présidait par Sir Victor Glover, qui en 2015 avait recommandé la libération des quatre personnes.

Le cas Ravin Bappoo

Une autre affaire qui méritait encore plus l’attention c’est la remise de peine obtenue par Ravin Bappoo jugé coupable pour le meurtre de sa femme, Sandhya Bappoo. Il a obtenu de sir Victor Glover une remise de peine de 15 ans en décembre 2018 alors qu’il avait été condamné à 40 ans de prison en 2008. La victime était une femme battue. Ravin Bappoo sortira de prison cette année en 2023 plutôt qu’en 2031.

Le cas Christopher Perrine

Cet habitant de la rue Boniah, à La Tour Koenig, est un récidiviste notoire : vols avec violence, vagabondage, possession d’héroïne. Il a été condamné à la mi-2009 pour deux cas précis : vol avec utilisation d’une fausse clé et viol sur une touriste française de 16 ans à Blue-Bay. Un délit qui lui a valu d’écoper d’une condamnation de 18 ans de prison. En 2017 il écrit à la commission de pourvoi en grâce par l’entremise de son avocat, Me Erickson Mooneapillay, pour demander le pardon présidentiel. En 2018, il obtient son pardon de la commission présidé par sir Victor Glover.

Roland Boutanive et Eshan Juman graciés également !

Comme quoi bénéficié d’une grâce présidentielle n’est pas un péché comme veut le faire croire certains politiciens sans vergogne. Le jockey Jean Roland Boutanive avait été condamné à payer une amende de Rs 40 000 le 27 juin 2013 alors qu’il été poursuivi pour avoir eu des relations sexuelles avec une mineure en 2007. Selon les conditions de sa remise en liberté, il devait outre l’amende de Rs 40 000, faire preuve de bonne conduite pendant deux ans ou alors il sera une emprisonné pour un an.

Dans son cas, Eshan Juman, notre bon ami,  avait lui été reconnu coupable de corruption sur un officier de police. Il avait été jugé coupable en vertu de l’article 5(1) et (2) de la Prevention of Corruption Act. Il a été reconnu coupable et condamné à un mois de prison. Toutefois, cette peine d’emprisonnement a été commuée en travaux communautaires.

Les deux personnes avaient ensuite fait appel à la Commission de Pourvoi en grâce pour que les délits n’apparaissent pas sur le Certificate of Character. Sans quoi l’un n’aurait pas été en mesure de pratiquer son métier et l’autre n’aurait pas été député du PTr depuis 2019.

L’affaire Dipune tempête dans un verre d’eau

Les cas mentionnés en exemple plus haut démontrent que le brouhaha entourant la peine de prison commuée en amende pour Chandra Prakashsingh Dip est inutile. Ce dernier fait parti d’une liste de 24 autres personnes graciées par la Commission mais il est le seul à subir une telle fixation. Les faits que lui sont reprochés ne sont pas prouvés et contrairement à l’Affaire l’Amicale ou Ravin Bappoo, il n’y a pas eu mort d’homme. Cet acharnement contre Prakashsingh Dip orchestré par Linion Pep Morisien de Rama Valayden qui connaît pourtant très bien le fonctionnement de la Commission de Pourvoi en grâce, est purement une démarche politique biaisée et pleine de parti pris visant à salir la présidence et les institutions du pays.

Quatre jeunes sur la plage de Grand Baie ?

Il est question ici d’une deuxième chance dans la vie. Nous dressons un parallèle avec un autre cas qui avait fait débat à l’époque même s’il ne relève pas d’une décision de la commission de pourvoi en grâce. La presse qui se donne à fond dans cette affaire, s’était fait particulièrement discrète en 2000 quand quatre jeunes issues d’une puissante communauté économique du pays avaient été interpellés avec du gandia sur la plage de Grand Baie. La directrice des Poursuites d’alors leur avait seulement administré un « avertissement » sans aucune forme de procès. Une chance que les jeunes des cités et ailleurs n’ont jamais eu. Evidemment les seigneurs des médias ne s’en sont pas tirés les cheveux en raison de leurs intérêt économique et politique. Pas comme c’est le cas aujourd’hui. Ils aiment une justice à géométrie variable.

Uteem s’était plaint

On se souvient que l’ancien président Cassam Uteem s’était plaint qu’un président n’avait guère de choix que d’agir selon les recommandations de la Commission.

En 2019, Cassam Uteem, président de la République de 1992 à 2002, a bien voulu expliquer comment se passaient les choses à son époque. « Je suppose que le fonctionnement doit encore être plus ou moins le même, explique-t-il, la Commission peut gracier un condamné, ou alors réduire sa peine, sinon le blanchir pour qu’il puisse obtenir un certificat de moralité. » Ce sont les trois principaux cas de figure que traite le Commission.

Cassam Uteem explique que la Commission se réunit sur une base régulière, normalement une fois par mois, pour traiter les dossiers. Un dossier est ouvert après qu’un condamné ait sollicité la Commission ou le Président directement. Le plus souvent, ce sont des avoués qui rédigent la requête. « Il n’y a pas de conditions préalables applicables à tous les cas, précise-t-il, chaque cas est considéré selon ses mérites. Les commissaires décident selon leur sagesse. »

Selon l’ex-président de la République, les dossiers sont préparés par le secrétaire de la Commission. Le dossier peut contenir la lettre initiale envoyée par la personne condamnée, les recommandations faites par des personnalités ou d’autres organisations, ainsi que le verdict des Cours de justice. Une évaluation psychologique fait-elle partie de ce dossier ? Cassam Uteem hésite : « En principe, la Commission doit être en présence de tous les faits, mais je ne sais pas si cela en fait partie. »

L’ancien Président précise que le nombre de requêtes que traitait la Commission était très importante, à tel point que tous les dossiers ne pouvaient être considérés au cours du mois. « Je pense qu’on pouvait recevoir une trentaine de dossiers par mois, mais on en traitait plus de 60 à la fois avec les retards pris, se rappelle-t-il, parfois les dossiers étaient incomplets et il fallait demander des informations supplémentaires. C’est pourquoi des détenus adressaient une deuxième lettre pour savoir pourquoi ils n’avaient pas encore obtenu de réponse. »

Ce que dit la Constitution sur la Commission de pourvoi en grâce

C’est l’article 75 de la Constitution qui parle de la Commission de pourvoi en grâce (‘Constitution on the Prerogative of Mercy’ en anglais). Cet article donne au président de la République le pouvoir de « grant to any person convicted of any offence a pardon, either free or subject to lawful conditions », mais aussi de réduire ou amoindrir une condamnation.

Toutefois, le Président ne prend pas de telles décisions seul. Il est guidé par la Commission de pourvoi en grâce. Il s’agit d’une entité qui doit avoir un président et un minimum de deux autres membres qui sont nommés par le Président « acting in his own deliberate judgement ».

 

Posted by on Jan 9 2023. Filed under Opinion. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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