Réforme du système judiciaire : nouvelles protestations massives en Israël



Ce samedi 4 mars, les manifestations ont réuni 250 000 personnes dans le pays, un record. Une mobilisation qui gagne les réservistes de l’armée.
Décidément, rien ne vient arrêter le mouvement d’opposition à la réforme du système judiciaire menée au pas de charge par le gouvernement. Voilà neuf semaines consécutives que, le samedi soir, des Israéliens manifestent massivement pour dire non au gouvernement.
Samedi 4 mars, ils ont même établi un record : 250 000 au total, dont 177 000 à Tel-Aviv ; 20 000 à Jérusalem ; 35 000 à Haïfa. Mais ils étaient aussi des milliers dans des petites villes considérées souvent comme des bastions du Likoud. À Beersheba, par exemple, la métropole du Néguev, dans le sud du pays, qui, aux dernières élections, a vu plus de 42 % des électeurs voter pour le parti de Benyamin Netanyahou. Ils étaient 6 000 personnes à brandir drapeaux israéliens et pancartes contre « le coup d’État menant à la dictature du ministre de la Justice Yariv Levin ».
En silence, ils ont écouté Benny Gantz, le président du parti de l’Unité nationale et ministre de la Défense du gouvernement précédent, leur lancer un appel pressant pour qu’ils continuent à manifester : « L’une des choses qui a protégé Israël pendant 75 ans, avec l’armée, c’est l’indépendance et la puissance du judiciaire. Sans lui, nous ne serons plus protégés… Une fracture sociale qui va en s’approfondissant est en train de mettre en danger ce pays et Netanyahou laisse faire… »
On pourrait aussi évoquer l’entrée, dans cette vague de protestations, d’autres fiefs de la droite nationaliste, Netanya – 10 000 manifestants – et même Holon ou Bat Yam, ces petites villes de banlieue au sud de Tel-Aviv. C’est suffisamment inédit pour être signalé.

« Pogrom »
Les événements intervenus la semaine dernière expliquent cet afflux record de manifestants pro démocratie. Surtout, ce qui s’est passé le 26 février à Hawara. À la mi-journée, deux Israéliens de la colonie Har Bracha sont assassinés dans cette petite ville du nord de la Cisjordanie. Les deux frères traversaient cette localité. Un homme à moto s’arrête, tire à bout portant sur eux et les tue, avant de s’enfuir.
Dans la soirée, quelque 400 colons mènent une véritable expédition punitive dans Hawara, incendiant maisons, voitures et boutiques. Malgré les appels à la vengeance publiés dès l’après-midi sur les réseaux sociaux par des colons radicaux, l’armée n’avait pas déployé de forces pour protéger la ville. Elle ne le fera que bien plus tard, alors que les images tournées sur place montraient l’ampleur des destructions et que les médias israéliens parlaient de dizaines de blessés palestiniens.
Yehouda Fuchs, le général commandant de la région centre, et donc de la Cisjordanie, n’a pas hésité à qualifier de « pogrom » l’action menée par ces colons. Au choc ressenti par de nombreux Israéliens – l’attentat qui a tué les deux jeunes frères et la mise à sac de Hawara – s’est ajoutée la quasi-absence d’arrestations parmi les assaillants juifs. Seuls deux d’entre eux ont été placés en détention administrative. Huit autres qui avaient été arrêtés ont été libérés sans autre forme de procès.

Deux poids deux mesures
Rescapée de la Shoah, Monique L., une manifestante déjà très motivée par le combat pro démocratie, a déclaré au Point avoir été bouleversée par Hawara : « Cela m’a rappelé ce qui se passait en Europe orientale lorsqu’une foule fondait sur un village juif, y mettant le feu sans que la police, quand il y en avait, n’intervienne. »
le débat public. D’autant plus que l’absence de l’armée pour protéger les Palestiniens de Hawara était mise en parallèle avec l’imposante présence policière à Tel-Aviv, lors de la journée nationale de protestation, mercredi 1er mars.
Les policiers n’ont pas hésité à lancer, au milieu des manifestants, des grenades de dés encerclement. Résultat : des blessés, dont certains assez sérieusement, et des arrestations avec garde à vue et parfois déferrement devant un tribunal. Pour Monique L. – et elle n’est pas la seule –, il y a là deux poids deux mesures : « D’un côté, seulement deux Israéliens détenus pour la mise à sac de Hawara et, de l’autre, des grenades de dés encerclement sur la foule des pro démocraties à Tel-Aviv. »

« Anarchistes »
Cette mobilisation massive contre le gouvernement fait aussi tache d’huile parmi les réservistes de l’armée israélienne. Toutes les armes sont concernées : l’infanterie, les commandos, la prestigieuse unité technologique 8200 et, surtout, l’armée de l’Air, où 37 pilotes d’élite ont annoncé qu’ils ne s’entraîneraient pas cette semaine.
L’un d’entre eux a déclaré : « En l’absence d’un système judiciaire pour nous protéger, nous risquons d’être traînés devant la Cour internationale de La Haye. Mais dans l’entourage de Netanyahou, on nous traite d’anarchistes… »
Pour être opérationnels, ces pilotes doivent effectuer un certain nombre d’heures de vol. En l’occurrence, ils appartiennent aux escadrilles stratégiques de F15A qui, le cas échéant, pourraient participer à une frappe contre le nucléaire iranien. Cette vague d’insubordination inquiète au plus haut point l’état-major, qui craint aussi un manque de motivation des nouvelles recrues du contingent à rejoindre les unités combattantes. Reste que, pour l’heure, les réservistes promettent qu’en cas de guerre, ils revêtiront l’uniforme.

Posted by on Mar 6 2023. Filed under Monde. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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