Soupçon de malversations financières à la tête de Mauritius Telecom…
Arrêtés, Sherry Singh et son épouse Varsha, obtiennent la liberté sous caution après deux nuits passées en détention policière
Une accusation provisoire de complot pour blanchiment d’argent retenue contre le couple dans l’affaire de trafic de cuivre
Leurs avocats veulent contester la légalité de la perquisition effectuée dans leur luxueuse maison à Au bout du monde
Des éléments compromettants sur la construction de leur maison s’ajoutent au dossier
De nouvelles révélations attendues
L’affaire de trafic de cuivre au montant exorbitant de Rs 500 millions, a connu des développements majeurs cette semaine. Cela avec l’arrestation de l’ex CEO de Mauritius Telecom mais aussi de celle de son épouse, Varsha Singh, gérante de plusieurs compagnies suspectées dans l’affaire. Alors que l’interpellation de l’ancien homme fort de la compagnie de télécommunication était sans équivoque, son arrestation aux cotés de son épouse, a retenu l’attention du public, désireux de voir quelle dimension prendra cette affaire. Et les Mauriciens n’ont pas été déçus, surtout en matière de découverte, surtout lorsqu’ils ont eu un aperçu de l’immense manoir luxueuse que l’ancien ‘home boys’ de Pravind Jugnauth a acquis à Ebène ainsi que d’autres richesse qu’il possède.
Bien que le couple ait été relâché deux jours après leurs arrestations, la police n’ayant signalé aucune objection quant à leurs remises en liberté provisoire, cette affaire est toutefois loin d’être fini. Sherry et Varsha Singh, ont retenu les services de Urmilla Boolell et l’ancien DPP, Satyajeet Boolell, pour assurer leur défense et travaille déjà sur leur contre-attaque. De l’autre côté, les enquêteurs en continuant de creuser, obtiennent de plus en plus d’éléments dites compromettantes contre l’ex CEO. Pourra-t-il finalement se dédouaner de toutes ces accusations de fraude et de maldonnes qui lui font de l’ombre depuis maintenant plus de sept ans ? et arrivera-t-il à convaincre la justice que sa richesse, qui miroite le milliard, n’a été acquis que de manière honnête et légale ? les premiers signes d’éclaircissement devraient apparaitre bientôt !
Convocations et interrogatoires
C’est ce lundi 29 mai que les choses sérieuses ont débuté. Après la saisie de 22 tonnes de cuivre d’une valeur de Rs 18 millions à la fonderie Tradeway International, le 10 avril dernier et après maintes auditions, interrogatoire ‘under warnings’ et arrestations de quelques protagonistes, dont un cadre de MT, le directeur de la compagnie sise à La Tour Koenig, entres autres, le tour est venu pour l’ex CEO soit convoqué. Sherry Singh et son épouse se sont rendus aux Casernes centrales peu après 16 hrs, accompagnés de Me Urmila Boolell, Senior Counsel. Immédiatement, il a été informé par les hommes de l’ASP Ashik Jagai qu’il allait être entendu Under Warning, de même que son épouse.
Lors de leur interrogatoire, Sherry et Varsha Singh ont été confrontés à une série de documents que les enquêteurs jugent compromettants pour lui. Il s’agirait, d’éléments qui tendraient à prouver une connexion entre l’ex-CEO de MT et la fonderie de Tradeway International Ltd, située à La-Tour Kœnig, c’est-à-dire le lieu où les 22 tonnes de cuivre, converties en lingots, ont été saisies.
Dans les faits, l’ancien proche de Pravind Jugnauth est soupçonné d’avoir comploté contre les intérêts de MT dans le cadre du Copper Recovery Project, soit lors de la vente des câbles en cuivre. Il est provisoirement accuse, d’avoir en 2020 agi de concert avec le directeur de Tradeway aussi bien qu’avec les dénommés Nilesh Patel et Vijay Gurupremnathji « to commit money laundering whereby they engaged in transaction that involves money which is in part directly or indirectly represent the proceeds of a crime where it is suspected that the money has been disguised in its true nature », et ce contre l’intérêt de MT. À ce stade l’on évoquerait dans les milieux avisés de la PHQ SST le blanchiment d’une somme avoisinant les Rs 500 millions.
Pour sa part, Varsha Singh est soupçonnée d’avoir à travers sa compagnie Richmont Capital aidé à blanchir les fonds de son époux. Les chiffres d’affaires de cette société seraient d’ailleurs dans le viseur de la PHQ SST. Lors du congrès du Mouvement Socialiste Militant (MSM) en date du 23 aout 2022 à Nouvelle-France, le Premier ministre et leader du parti, Pravind Jugnauth, avait fait état des interrogations sur Richmont Capital ayant comme directrice l’épouse de l’ancien patron de MT.
Un des volets de l’enquête, laquelle a démarré le 10 avril dernier, repose sur les modalités qui auraient favorisé cette entreprise pour que ce soit elle qui soit choisie parmi les autres soumissionnaires ayant participé à l’appel d’offres lancé par MT pour la vente du cuivre. La police voulait également déterminer le lien qui existerait, selon elle, entre Sherry Singh et des ressortissants indiens, nommément Chaitanya M., Siddarth M., Vijaynath G. et Nilesh P. Trois de ces quatre étrangers ont déjà quitté Maurice. Ils sont recherchés par la SST.
Perquisition
Après la séance d’interrogatoire, les Singh ont été informés qu’une perquisition allait se tenir en leur résidence à leur domicile, Au Bout du Monde, quartier niché entre Ébène et Rose-Hill. Sur place, les limiers de la PHQ SST ont d’abord pris le soin de verrouiller les lieux afin de procéder à une perquisition minutieuse. Seules les équipes policières autorisés et les avocats des Singh avaient accès. Les membres de la PHQ SST ont inspecté coins et recoins de cette propriété et durant l’exercice, des membres du Scene of Crime Office ont pris plusieurs photos et fait des vidéos. Des installations électriques dans la demeure jusqu’au carrelage, en passant par l’imposante statue en bronze trônant dans la cour, rien n’a été épargné par l’objectif des policiers.
Plus tard, des sources proches de l’enquête devaient affirmer que ce sont, en fait, des objets de valeur qui ont été capturés. Cela car la propriété immobilière et d’autres biens et effets personnels seraient également visés par cette enquête de complot pour le blanchiment d’argent. Et même si aucun élément compromettant n’a été retrouvé, la maison ainsi que les infrastructures qui s’y trouvent, dont une piscine « indoor » ont été acculés comme une massive richesse cumulée. « Sa lakaz la li enn exhibit ladan. Ena lezot propriyete ankor », a laissé entendre un enquêteur. Les éléments recueillis étant ainsi destinés pour être envoyés à la Financial Intelligence Unit pour qu’une évaluation de la luxueuse demeure soit faite.
On apprendra, par ailleurs, que ce qui aurait motivé la SST à perquisitionner la maison du couple Singh, ce seraient des dossiers qui lui ont été transmis au sujet d’une précédente enquête conduite par la Financial Intelligence Unit. Cette unité avait mené des investigations sur la présumée richesse accumulée par Sherry Singh entre 2015 et 2020. Les enquêteurs soupçonnent la demeure d’avoir été construite et financée avec des fonds provenant du blanchiment d’argent. Sa construction aurait commencé vers les années 2016-17.
Détention
Alors que la perquisition qui a duré plus de deux heures, a pris fin à 20 h 45. Sherry Singh, son épouse, ainsi que Me Urmilla Boolell, qui fait partie du panel des avocats, se sont ensuite dirigés vers les Casernes centrales. La police a reproché principalement à Sherry Singh sa présumée complicité avec la société indienne Tradeway International Ltd dans une transaction liée à la vente de cuivre qui se chiffre à plus de Rs 500 millions. Après leur arrestation, l’ex-CEO de MT a passé la nuit à Alcatraz tandis que son épouse a été détenue au poste de police de Pailles.
Mardi matin, Sherry Singh a comparu devant la cour de district de Port-Louis, menottes aux poignets. Le couple s’est retrouvé sous le coup d’une accusation provisoire de Conspiracy to Commit Money Laundering, comme cela a été le cas pour la première personne arrêtée dans le sillage de cette enquête, le directeur de Tradeway International, Rakesh Persand. La police a objecté à ce qu’ils soient libérés sous caution, soulevant qu’ils peuvent interférer avec des témoins et qu’ils peuvent fuir la justice. Toutefois, lors de la séance, la police avait pris l’engagement de présenter à nouveau l’ex-CEO de MT et son épouse devant le tribunal à 13 h 30 ce mercredi, étant donné que l’enquête préliminaire aller être bouclée d’ici ce jour.
Droit au silence
Mardi après leur comparution en cour, Sherry et Varsha Singh avaient ainsi été conduits dans les locaux de la Special Striking Team aux Casernes centrales. Durant son interrogatoire, le leader de One Moris a parlé de son parcours professionnel. Il a eu droit à des questions sur les différentes entreprises qu’il gère avec son épouse. Sherry Singh a aussi été confronté à plusieurs documents. Mais il a fait valoir son droit au silence sur plusieurs aspects de l’affaire. Varsha Singh a, elle aussi, été invitée à s’expliquer sur ses sociétés de même que son secteur d’activité. Elle a également fait valoir son droit au silence. Au bout de quatre heures d’interrogatoire, le couple a été reconduit en cellule policière où ils ont passé la nuit de mardi.
Libérés sous caution
Le mercredi 31 mai, le couple a encore été traduit devant le tribunal de Port-Louis. La motion pour leur remise en liberté devait être débattue, devant la magistrate Nitisha Seebaluck. Toutefois, la police n’a pas posé d’objection quant à leur libération. Sherry et Varsha Singh ont chacun payé une caution de Rs 50 000 et signé une reconnaissance de dette de Rs 400 000.
A sa sortie de la Cour de district de Port-Louis, Sherry Singh a fait une déclaration à la presse. Répondant aux questions par rapport à sa maison, dont les photos ont circulé sur les réseaux sociaux, Sherry Singh a souligné que « tou mo source de financement inn fini deklare lor kouma monn ranz mo lacaz ». Il a ainsi expliqué qu’à la suite de son départ de Mauritius Telecom, la Mauritius Revenue Authority (MRA) a fait une enquête approfondie sur ses biens, également sur sa maison et ses sources de financement. « Mo mem ena enn let de la MRA ki ‘clear’ mwa », a ajouté l’ex-CEO de Mauritius Telecom.
Sherry Singh a également tenu à « saluer le courage » de sa femme et exprimer ses regrets « ki li pe bizin pass dan bann reperkisyon parey swit a mo desisyon esey ede pou konstrir enn nouvo lil moris ». Il précise qu’il n’a jamais « hit below the belt ».
Contestation de la perquisition
Lors de la séance, Me Urmila Boolell, l’avocate de la défense, a posé deux demandes, notamment que le «search warrant» remis par la cour de Rose-Hill ainsi que les photos et vidéos faites par le Scene of Crime Office de chaque pièce de la maison de l’extérieur ne soient pas «leaked». Le représentant de la police a alors déclaré : «Je voudrais que la défense ainsi que le représentant de la Special Striking Team (SST) se consultent sur ces deux éléments.» Un représentant de la SST, l’inspecteur Korimbocus, a ainsi été appelé à la barre pour donner son «undertaking». Me Urmila Boolell lui a demandé que les photos, quand la SST les recevra, soient utilisées uniquement dans le cadre de l’enquête. «Once finished, it should be kept as exhibit for investigation and for production in Court.» L’inspecteur a donné la garantie que ce sera chose faite.
L’avocate a également exigé que les photos soient mises sous scellés et qu’elles ne soient pas transférées, en interne, aux policiers, tant que la cour ne se prononce pas à ce sujet. Elle a aussi demandé que le District clerk de Rose-Hill soit appelé concernant le warrant émis par la cour de Rose-Hill. Elle a souligné que la motion sera «to test the legality of the warrant», expliquant que le mandat de perquisition que la SST a en sa possession est une copie et donc que la police ne peut communiquer sur le sujet. Pour Me Urmila Boolell, ce warrant est une violation de la vie privée dans une maison ainsi que de son propriétaire.
Lors de la comparution de Varsha Singh, son homme de loi et ancien Directeur des poursuites publiques, Satyajit Boolell, a pris le relais de la défense. Il a également soulevé la question du search warrant. Il a demandé à la magistrate de prendre en compte une particularité de la section 9 de la Constitution, «Protection for privacy of home and other property» qui stipule : «Except with his own consent, no one shall be subjected to the search of his person or his property or the entry of others on his property.» Il a faire une requête pourque ce mandat de perquisition serve de pièce à conviction et ne soit pas réutilisé. La motion sera débattue le 6 juin.
Enquête sur la participation de sous-traitants de MT dans la construction de la maison à Au Bout du Monde
Il faut savoir que les autorités cherchent aussi à déterminer si Sherry Singh, a bénéficié des services de certains sous-traitants de la compagnie nationale de télécommunications pour la construction de sa résidence dans le morcellement « Au Bout du Monde » à Ebène. Un entrepreneur a déjà été interrogé à ce sujet dans le courant du mois de mai. Des dénonciations faites à la police indiquent qu’une entreprise ayant obtenu des contrats de plusieurs dizaines de millions de roupies pour la construction d’antennes de MT aurait aussi participé à l’installation de structures métalliques dans la résidence de Sherry Singh.
Les sources de financement de la luxueuse demeure, estimée à plus de Rs 200 millions, avait suscité l’intérêt de la Financial Intelligence Unit. Celle-ci a initié plusieurs enquêtes sur la propriété de Sherry Singh ainsi que sur la richesse qu’il aurait accumulée entre 2015 et 2020 lorsqu’il était à la tête de MT. Le dossier a d’ailleurs été transmis à la police.
De nouvelles révélations attendues
Selon nos informations, d’autres révélations devraient bientôt être faites par de nouveaux protagonistes, contre l’ex-CEO de MT, Sherry Singh, en rapport à l’affaire de trafic de cuivre. Un dénonciateur compte bientôt remettre des informations additionnelles, dont des vidéos, aux enquêteurs de la police. C’est du moins ce qu’a fait savoir l’avocat Ashley Hurhangee. Selon lui, ses services ont été retenus par une personne qui dit détenir des informations pouvant permettre de donner un coup d’accélérateur à l’enquête sur la vente par Mauritius Telecom de milliers de tonnes de câbles en cuivre à la société Tradeway International Ltd.
« Mon client dit détenir des informations encore plus détaillées et précises que celles qu’avait révélées un précédent client dans cette affaire, en l’occurrence Kailesh Persand, en 2019. Le nouveau client affirme avoir en sa possession des vidéos pour démontrer comment des câbles en cuivre ont été emportés », soutient l’avocat qui dit laisser, en attendant, la police poursuivre son enquête « afin d’éclairer davantage la population dans cette affaire ».