Postecoglou peut-il vraiment soigner Tottenham ?
Au niveau du maillot, Tottenham est resté plus que classique, en présentant son habituelle tunique blanche sur laquelle seul le col peut se démarquer. En revanche, les Spurs ont choisi d’innover en nommant comme entraîneur Ange Postecoglou, icône du South Melbourne dans les années 1990, puis vainqueur d’un trophée dans tous les clubs qu’il a dirigés – sauf Melbourne Victory –, pour succéder à Ryan Mason sur un banc où l’instabilité règne. Plutôt qu’opter pour un nom ronflant pour faire oublier leur triste huitième place de Premier League, les Lilywhites ont joué la sobriété en signant la semaine dernière l’Australien affamé de titres, qui vient de réaliser un triplé historique avec le Celtic en Écosse. Le technicien né il y a 57 ans en Grèce doit maintenant transposer sa méthode à Tottenham, qui sort d’une saison sans relief et ambitionne de retrouver sa place dans le Big Four.
Le Grec prône un jeu offensif et devrait marquer une rupture avec Antonio Conte, mis à la porte en cours de saison. Dans un championnat certes beaucoup plus faible, son Celtic a tourné sur une moyenne de trois buts marqués par match. Un principe qu’il tente d’appliquer depuis qu’il a enfilé le costume d’entraîneur, avec des idées parfois surprenantes, comme l’évoque Diogo Ferreira, qui l’a connu au Melbourne Victory en 2012 : « Dès qu’il est arrivé, il ne voulait pas de numéro 9, mais deux numéros 10, c’était la première fois que ça arrivait en Australie. » Son style de jeu semble assez puissant pour viser une place en Europe dès la saison prochaine, ce qui ne devrait pas effrayer un coach qui a déjà ramassé 21 trophées depuis le début de sa nouvelle vie, dont plusieurs avec des équipes de jeunes (la Premier League sera une autre paire de manches, bien sûr). « Ce mec n’a ni de plan B ni de plan C, ajoute Ferreira, lui aussi devenu entraîneur. Il a son idée qui est de jouer au football et de marquer plus de buts que l’adversaire. » Il devra néanmoins faire face à une contrainte qu’il n’a jamais affrontée : ne pas bénéficier du meilleur effectif de la ligue, qui est à ce jour celui des Skyblues de Manchester City. Un poids qui pourrait s’alourdir en cas de départ de Harry Kane, le meilleur buteur de l’histoire de Tottenham, annoncé partant cet été, mais qui devrait être rapidement remplacé par Kyogo Furuashi, l’attaquant du Celtic pisté par le club de Londres pour accompagner son entraîneur.
Postecoglou arrive en tant qu’outsider en Europe, alors qu’il a performé en A-League, en deuxième division grecque, en J-League puis au Celtic durant ses mandats d’entraîneur. C’est un statut qu’il affectionne, puisqu’il l’a déjà vécu lors de son arrivée en Écosse. « Nous ne savions même pas prononcer son nom et encore moins comment il jouait ni s’il allait pouvoir nous entraîner, puisqu’il n’avait pas de licence pro validée par l’UEFA », balance Aaron Haire, un supporter à la tête d’un blog dédié à l’actualité du club vert et blanc de Glasgow, encore éberlué par son départ. Sans licence, l’Athénien ne pouvait pas s’asseoir sur le banc, mais le club écossais avait réussi à obtenir une dérogation lui permettant d’exercer ses fonctions et d’arriver aujourd’hui dans le championnat le plus compétitif d’Europe. Il débarque au beau milieu d’experts de la tactique comme Klopp, Guardiola, De Zerbi ou encore Arteta, qui ne lui feront aucun cadeau.
C’est en prenant les commandes de Tottenham que Postecoglou peut marquer l’inversion d’une spirale négative et de résultats jamais au rendez-vous, marquée par des entraîneurs de renom comme Mourinho ou Espirito Santos qui n’ont jamais réussi à gagner avec cette équipe. Pour soulager les fans d’un passé trop peu couronné, il devra donner un nouveau style à une équipe des Spurs qui manque de folie. « Pour moi, Tottenham n’a vraiment aucune identité en matière de football, la façon dont ils jouent n’est pas plaisante, débite Diogo Ferreira. Il va leur apporter un nouvel air venu de la mer du Japon, un style de jeu qu’il a découvert au Yokohama Marinos. » Cet exploit a déjà été réalisé par des entraîneurs de son calibre, arrivés comme inconnus dans ce championnat où l’on ne pensait pas qu’ils pourraient imposer les idées. « Arsène Who » pourra en témoigner. Alors avec Kane ou pas, Ange Postecoglou ne peut que surprendre les observateurs et se faire un nom dans cette grande machine à laver qu’est la Premier League. Et si « Postecoglou » voulait dire « postérité » en grec ?