La Russie annonce l’arrestation des auteurs de l’attaque terroriste, qui a fait 133 morts
Le Kremlin a annoncé samedi l’arrestation de 11 personnes, dont « quatre » assaillants, après l’attaque menée dans une salle de concert de la banlieue de Moscou la veille et revendiquée par le groupe extrémiste État islamique (EI).
Le nombre de personnes tuées dans cet attentat terroriste s’élève désormais à 133 morts, selon le comité d’enquête russe. Les opérations de recherche se poursuivent, a indiqué ce dernier sur Telegram.
Les quatre auteurs présumés de l’attaque sont tous des citoyens étrangers, d’après un communiqué du ministère de l’Intérieur russe.
Selon les informations de CNN, l’agence de presse russe Ria Novosti a publié la confession supposée d’un des assaillants sur sa chaîne Telegram, de même que des photos de trois d’entre eux. Dans ses commentaires, l’agence de presse explique que les hommes parlent très mal russe et que l’un d’eux s’exprime en tadjik par le truchement d’un interprète.
Des médias russes et le député Alexandre Khinstein avaient affirmé plus tôt dans la journée que certains des suspects étaient originaires du Tadjikistan, un pays d’Asie centrale frontalier de l’Afghanistan, où EI est actif.
Depuis qu’il est devenu indépendant de l’Union soviétique, en 1991, le Tadjikistan a été le théâtre de l’activité d’une multitude de mouvements armés islamistes. Ces dernières années, des citoyens de ce pays ont été accusés d’avoir été liés à des attaques djihadistes, notamment en Iran.
Le groupe armé État islamique a revendiqué l’attaque sur un de ses comptes Telegram en précisant qu’elle s’inscrivait dans le contexte […] de la guerre qui fait rage entre ce groupe et les pays qui combattent l’Islam.
L’attaque a été menée par quatre combattants du groupe EI armés de mitraillettes, d’un pistolet, de couteaux et de bombes incendiaires, a-t-il encore précisé sur son compte Telegram.
Moscou évoque une complicité ukrainienne
Lorsqu’il a pris la parole, samedi, pour la première fois depuis l’attaque, Vladimir Poutine n’a pas mentionné la responsabilité du groupe armé EI.
J’exprime mes plus sincères condoléances à ceux qui ont perdu leurs proches […] et je déclare le 24 mars jour de deuil national, a déclaré le chef d’État lors d’une allocution télévisée en dénonçant un massacre sanglant et un acte terroriste barbare.
Il a assuré que les quatre auteurs de l’attaque ont été arrêtés alors qu’ils se dirigeaient vers l’Ukraine. Ceux qui ont commandité ces terroristes seront punis et n’auront pas un destin enviable, a-t-il ajouté.
- Poutine reprenait ainsi la version des faits présentée plus tôt par ses services de sécurité (FSB), affirmant que les suspects avaient des contacts du côté ukrainien et comptaient fuir dans ce pays.
Les suspects ont été arrêtés dans la région de Briansk, frontalière de l’Ukraine et du Bélarus, selon le comité d’enquête russe.
Andriy Yousov, le porte-parole du renseignement militaire ukrainien, a mis en doute cette information dans une entrevue accordée à la BBC.
Cette zone, a-t-il expliqué, est pleine de militaires russes et de membres des services de sécurité. Il aurait été stupide ou suicidaire pour les terroristes de fuir par là, selon lui.
La version du FSB selon laquelle les suspects ont été arrêtés alors qu’ils étaient en route pour l’Ukraine est bien sûr un autre mensonge des services spéciaux russes, a également déclaré M. Yousov à Reuters.
Kiev dément avec véhémence toute implication et accuse la Russie de se servir de l’attentat pour accroître le soutien de sa population à la guerre en cours.
“L’Ukraine n’a jamais eu recours aux méthodes terroristes. Tout dans cette guerre ne sera décidé que sur le champ de bataille.”- une citation deMykhaïlo Podolyak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Le premier ministre polonais, Donald Tusk, espère que l’attentat à Moscou ne sera pas un prétexte pour l’escalade de la violence.
Des précédents, mais jamais d’une telle ampleur
L’attaque contre la salle de concert municipale de Crocus est la plus meurtrière en Russie depuis une vingtaine d’années et la plus sanglante en Europe à avoir été revendiquée par le groupe armé EI depuis les attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
Les assaillants auraient utilisé des armes automatiques et auraient provoqué un vaste incendie dans le bâtiment avec un liquide inflammable. Les victimes ont été tuées par balles ou en inhalant la fumée de l’incendie, selon les enquêteurs.
Le groupe armé EI, que la Russie combat en Syrie et qui est aussi actif dans le Caucase russe, a déjà commis des attentats dans ce pays depuis la fin des années 2010. Toutefois, le groupe n’y avait jamais revendiqué une attaque d’une telle ampleur.
Cet assaut, dont les médias russes ont commencé à faire état vers 20 h 15, heure de Moscou, a été mené par plusieurs individus armés à la salle de concert de Crocus, située à Krasnogorsk, à la sortie nord-ouest de la capitale russe.
Les chaînes Telegram d’actualités Baza et Mash, réputées proches des forces de l’ordre, ont publié des vidéos qui montraient au moins deux hommes armés avançant dans le hall et d’autres vidéos dans lesquelles on peut voir des cadavres et des groupes de personnes se précipiter vers la sortie.
L’incendie a complètement brûlé la salle de concert, a expliqué le gouverneur de la région de Moscou, Andreï Vorobiov.
Juste avant le début, nous avons tout d’un coup entendu plusieurs rafales de mitraillette et un terrible cri de femme, puis beaucoup de cris, a raconté à l’AFP Alexeï, un producteur de musique qui se trouvait dans les loges au moment de l’attaque.
Anna, 40 ans, qui s’y trouvait avec son mari, a dit samedi à l’AFP avoir couru vers la sortie dès qu’elle a entendu des claquements, qui étaient en fait des tirs. Son époux est tombé, mais tous deux ont finalement pu s’enfuir.
L’ambassade américaine en Russie avait averti ses citoyens il y a deux semaines qu’elle suivait de près des informations selon lesquelles des extrémistes projetaient de façon imminente de cibler de grands rassemblements à Moscou, y compris des concerts.
Mardi, Vladimir Poutine avait rejeté ces déclarations provocatrices. Tout cela ressemble à du chantage pur et simple et à une volonté d’intimider et de déstabiliser notre société, avait-il dit.
Nous sommes en deuil
Les recherches se poursuivaient samedi dans les décombres de la salle de concert municipale de Crocus à Krasnogorsk, détruite par les flammes.
La police et les forces spéciales étaient déployées devant l’édifice et des centaines de secouristes déblayaient les débris, le toit s’étant effondré dans l’auditorium.
Dès le matin, de longues files d’attente se sont formées devant certains centres de dons de sang à Moscou. À la mi-journée, les autorités médicales russes annonçaient avoir suffisamment de sang pour la centaine de personnes blessées lors de l’attaque.
Mais nous continuons à recevoir tous les donneurs. Nous sommes solidaires avec le souhait des gens qui viennent aider à constituer des réserves, a déclaré une responsable de l’Agence fédérale médico-biologique russe, Olga Eïkhler, citée par l’agence de presse officielle TASS.
Dans certains arrêts de bus de la ville, des affiches sont apparues, montrant une bougie et l’inscription Nous sommes en deuil, 22 mars 2024.
La communauté internationale a dénoncé cet assaut, l’Union européenne et l’Espagne se disant choquées et la Maison-Blanche déclarant être aux côtés des victimes. Le porte-parole du ministère afghan des Affaires étrangères a assuré condamner dans les termes les plus forts cet acte.
La Syrie, alliée de Moscou, a pris position en jugeant que l’attentat est directement lié aux cruelles et douloureuses défaites du néonazisme et de ses partisans à la suite de l’opération militaire spéciale dans le Donbass.
Nous affirmons notre détermination à être à vos côtés dans notre guerre commune contre le terrorisme et l’extrémisme transfrontalier, a encore écrit le président syrien Bachar Al-Assad dans une lettre adressée au président Poutine.
En Russie, les mesures de sécurité ont été renforcées et plusieurs activités publiques ont été annulées.