Changement climatique : La Cour européenne des Droits de l’Homme condamne la Suisse pour inaction
Les États en font-ils assez face au changement climatique ? La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) se prononçait mardi, une position très attendue car susceptible de contraindre les États à redoubler d’efforts.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté le mardi 09 avril 2024, un recours contre la France l’accusant de manquements en matière de lutte contre le changement climatique.
La Grande Chambre de la CEDH avait été saisie d’une plainte déposée par Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe (Nord), accusant la France de manquer à son obligation de garantir le droit à la vie et le respect de la vie privée et familiale en ne luttant pas suffisamment contre le changement climatique. La CEDH a rejeté un autre recours déposé par six jeunes Portugais contre 32 pays, dont la France, sur le même thème.
Ces plaignants accusaient ces pays d’avoir une responsabilité concernant les conséquences actuelles et à venir du changement climatique. Ils citaient en particulier les vagues de chaleur, les feux de forêt et les fumées d’incendie, qui, selon eux, ont des effets sur leur vie, leur bien-être ou encore leur santé mentale.
Gain de cause pour un groupe de femmes âgées en Suisse
La CEDH a en revanche donné gain de cause à un groupe de femmes âgées en Suisse accusant leur gouvernement de manquer à ses obligations en matière de lutte contre le changement climatique. Elle est ainsi convenue que les autorités suisses avaient violé certains droits humains en ne respectant pas ses objectifs passés en matière de réduction des émissions polluantes.
Ces différentes décisions ne sont pas susceptibles d’appel.
Un “tournant en demi teinte”
La position de la cour, qui siège à Strasbourg, “peut marquer un tournant dans la lutte pour un avenir vivable”, assure l’avocat Gerry Liston, de l’ONG Global Legal Action Network (GLAN). “Une victoire dans l’une des trois affaires pourrait constituer pour l’Europe l’évolution juridique la plus significative sur le changement climatique depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015”.
Les signataires s’étaient alors engagés à limiter le réchauffement de la planète “bien en deçà” de 2 degrés depuis l’époque préindustrielle (1850-1900), et de 1,5 degrés si possible.
“Les questions d’environnement au sens large ont été abordées mais la question du climat en particulier n’a jamais été abordée à Strasbourg. Rien que pour ça, c’est un événement”, explique Christel Cournil, professeure en droit public à Sciences-Po Toulouse et membre du conseil d’administration de Notre Affaire à tous, qui lutte par le droit contre le changement climatique. Elle ajoute que “ça s’inscrit dans une dynamique de contentieux qui aboutissent un peu partout dans le monde pour aller saisir la dernière voie de la gouvernance climatique, celle du juge, après l’échec diplomatique, l’échec des politiques, des législateurs, qui ne vont pas assez loin”.
La CEDH devra dire si les États visés ont enfreint la Convention européenne des droits de l’Homme, en particulier le “droit à la vie” (article 2) et le “droit au respect de la vie privée et familiale” (article 8), en ne luttant pas suffisamment contre le réchauffement climatique.
En raison de la complexité du sujet et de son importance, c’est la Grande chambre, formation la plus solennelle de la CEDH, composée de 17 juges, qui s’est penchée sur ces dossiers, traités en priorité.
Cependant, la Cour ne statuera sur le fond de ces affaires qu’à la condition d’avoir d’abord jugé qu’elles respectent les conditions de recevabilité, dont l’épuisement de tous les recours au niveau national. Une démarche non suivie par les Portugais, qui ont invoqué l’urgence climatique pour saisir directement la juridiction européenne.
La militante suédoise pour le climat Greta Thunberg devrait être présente à Strasbourg pour apporter son soutien aux requérants.