Politique en France : La semaine des psychodrames



Le Rassemblement National n’a pas eu le temps de savourer sa victoire aux européennes et poser les jalons de ses projets futurs. Car à peine les résultats tombés, le parti de l’extrême droite a eu droit à un coup de Jarnac du président français Emmanuel Macron. Ce dernier a promptement réagi pour freiner l’euphorie bleue marine.

Macron attaque

C’est un séisme politique. À 21h ce dimanche 9 juin, exactement une heure après le résultat des élections européennes, qui a vu le Rassemblement national (32,3 %) triompher devant le parti présidentiel (15,4 %), Emmanuel Macron a pris la parole et annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale.

« Après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l’Assemblée nationale », a déclaré le chef de l’État dans une allocution télévisée depuis l’Élysée. « Je signerai dans quelques instants le décret de convocation des élections législatives qui se tiendront le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second », a-t-il ajouté.

L’issue du scrutin européen « n’est pas un bon résultat pour les partis qui défendent l’Europe », a-t-il martelé, en relevant que l’extrême droite a atteint « près de 40 % des suffrages exprimés » en France. « La montée des nationalistes et des démagogues est un danger pour notre nation mais aussi pour notre Europe, pour la place de la France en Europe et dans le monde », a-t-il ajouté.

« Oui, l’extrême droite, c’est à la fois l’appauvrissement des Français et le déclassement de notre pays », a-t-il affirmé. « À cette situation s’ajoute une fièvre qui s’est emparée ces dernières années du débat public et parlementaire dans notre pays ».

« Or, aujourd’hui, les défis qui se présentent à nous, qu’il s’agisse des dangers extérieurs, du dérèglement climatique et de ses conséquences ou des menaces à notre propre cohésion, ces défis exigent la clarté dans nos débats, l’ambition pour le pays et le respect pour chaque Français », a-t-il conclu.

Un discours qu’il reprendra en conférence de presse mercredi dernier.

 

Les Républicains explose

Mais c’est ailleurs que s’est joué le drame. Profitant de la situation confuse, Eric Ciotti, président de Les Républicains (LR), affirme sur le plateau de TF1, une alliance avec le parti de Marine Le Pen. Le patron des Républicains Éric Ciotti appelle ce mardi 11 juin son parti à conclure un accord avec le RN en vue du scrutin. Une décision reçue avec amertume au sein de son camp, qui menace de se fissurer. En parallèle, les tractations se poursuivent pour consolider un bloc à gauche, tandis que Marion Maréchal annonce que Reconquête et le Rassemblement national ne s’uniront finalement pas.

Les partis de gauche ont appelé à créer un “nouveau Front populaire” et veulent “des candidatures uniques” dans “chaque circonscription” au premier tour des élections législatives anticipées convoquées par Emmanuel Macron.

 

Ciotti va regretter sa déculotté de Taubira

Eric Ciotti a provoqué un séisme au sein de son parti en appelant à rejoindre le Rassemblement national, sans parvenir à entraîner avec lui pour l’instant d’autres dirigeants du parti, ulcérés pour la plupart par sa décision.

“Il y aura un accord entre le Rassemblement national et Les Républicains” pour les législatives, avec “des dizaines” de députés LR, dont des sortants, qui seront “investis” ou “soutenus”, a pour sa part annoncé Jordan Bardella.

Les caciques rappliquent

Mais les choses ne se passent pas comme prévu. D’abord Eric Ciotti fera face à la révolte des gaulistes et non des moindres comme Gérard Larché, Xavier Bertrand, Francois Fillon, Valérie Précresse qui fustigent sa trahison envers sa famille politique.

La crise chez Les Républicains a pris un nouveau tournant. Le bureau politique, qui s’est réuni en l’absence du président du parti, Eric Ciotti, a décidé de l’exclusion de ce dernier. Mais M. Ciotti a aussitôt rejeté cette décision, jugeant illégale la réunion des cadres.

Réagissant au « 20 heures » de TF1 à l’exclusion d’Eric Ciotti de son parti, le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, a estimé qu’il avait fallu « clarifier la situation parce qu’Eric Ciotti n’avait pas respecté les orientations politiques qui étaient arrêtées par le bureau politique du mouvement ». « C’était une utile clarification », a-t-il ajouté, rappelant que l’ensemble des sénateurs et « des députés, sauf une [Christelle D’Intorni], ont partagé cette décision de ne pas suivre Eric Ciotti ».

Alors qu’Eric Ciotti a annoncé sur CNews qu’environ quatre-vingts candidats LR seraient soutenus par le Rassemblement national aux législatives, Gérard Larcher a réaffirmé qu’« il n’y aura qu’un seul label LR donné par notre commission nationale d’investiture ». Cette dernière s’est réunie en fin d’après-midi, se prononçant pour la réinvestiture de tous ses députés sortants, à l’exception d’Eric Ciotti et de Christelle D’Intorni.

Marion Maréchal exclu de Reconquête et rejoint le clan familial de Le Pen

Marion Maréchal a rompu avec Eric Zemmour : la tête de liste Reconquête ! pour les européennes a désavoué la stratégie du président de son parti et appelé à soutenir les candidats de l’alliance électorale entre le RN et Eric Ciotti.

Éric Zemmour reproche à sa tête de liste des élections européennes de l’avoir “trahi” en appelant à voter pour les candidats soutenus par le Rassemblement national pour les législatives. “Elle est entourée de professionnels de la trahison”. Éric Zemmour a réagi sur BFMTV à l’appel de Marion Maréchal, la vice-présidente de son parti Reconquête, à voter pour les candidats soutenus par le Rassemblement national aux législatives.

“Je suis à la fois écoeuré et blessé”, a-t-il déclaré sur BFMTV, “Marion Maréchal a négocié quelques places misérables pour ses amis et son clan au sein du Rassemblement national.”

« Le record du monde de la trahison »

Plus tôt ce mercredi 12 juin, Marion Maréchal a appelé à soutenir “les candidats uniques de la coalition des droites” pour les élections législatives qui se tiendront le 30 juin et 7 juillet prochain, évoquant notamment une “triple faute” d’Éric Zemmour qui souhaite, lui, présenter des candidats Reconquête contre le Rassemblement national.

“Les militants ont tracté pour elle, on donné de l’argent pour elle, et au bout de 48 heures elle les abandonne comme des chiens, comme des vieilles chaussettes”, a lancé le président de Reconquête qui évoque le « record du monde de la trahison ».

Éric Zemmour annonce en conséquence son exclusion de Reconquête ainsi que celle de Nicolas Bay et de Guillaume Peltier, eux aussi vice-présidents exécutifs du parti d’extrême droite et “compères en traîtrise”. Laurence Trochu, membre du comité politique de Reconquête, est également exclue de Reconquête.

A gauche, appel à contrer le fascisme

L’union de la gauche de plus en plus large, le NPA annonce rejoindre le Front Populaire. Le parti NPA-L’Anticapitaliste annonce rejoindre la coalition lancée par François Ruffin qui regroupe déjà le PCF, EELV, LFI et le PS. “L’urgence est à l’unité contre le fascisme!” écrit le mouvement sur X. Une annonce confirmée par Philippe Poutou sur le même réseau social. Dans le flou,  Jean Luc Mélenchon se verrait bien premier ministre d’une gauche  unie.

Les partis de gauche ont acté une première répartition des circonscriptions dans le cadre du « front populaire ». LFI aura des candidats dans 229 circonscriptions (326 en 2022), le Parti socialiste dans 175 (70 en 2022), Les Verts dans 92 (100 en 2022). Le Parti communiste, quant à lui, garde son petit quota de 50 circonscriptions.

Jean-Luc Mélenchon a dit se « sent[ir] capable » d’être premier ministre en cas de cohabitation entre le parti présidentiel et le « nouveau front populaire » . Il assure cependant se ranger derrière « la formule d’Olivier Faure », le premier secrétaire du PS, à savoir que « c’est le groupe parlementaire le plus important qui propose[ra] » le nom du chef. « Je ne m’élimine pas, mais je ne m’impose pas », a résumé M. Mélenchon.

Pendant ce temps, Macron réorganise Renaissance.

Emmanuel Macron a tenu une conférence de presse en fin de matinée dans le but de donner le cap de son camp pour les législatives anticipées. Il a justifié sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale par la majorité relative dont Renaissance dispose depuis deux ans et par la poussée de l’extrême droite aux élections européennes.

Emmanuel Macron a appelé à un « large rassemblement » pour battre les « deux extrêmes » que sont à ses yeux le Rassemblement national et La France insoumise. Selon lui, Eric Ciotti a « fait un pacte du diable » en proposant une alliance avec le RN. Quant aux tractations à gauche, elles ont abouti d’après lui à une alliance « contre nature » entre « la gauche républicaine [et] l’extrême gauche, qui s’est rendue coupable d’antisémitisme, [de] communautarisme, d’antiparlementarisme ».

Par contre c’est Gabriel Attal qui mènera la campagne de Renaissance pour les élections du 30 juin et du 7 juillet. Alors qu’il était omniprésent médiatiquement ces dernières semaines, Gabriel Attal était resté complètement silencieux depuis dimanche soir après l’échec de la majorité aux élections européennes et l’annonce de la dissolution par Emmanuel Macron. Ce mardi soir, il a repris la parole dans le journal de 20h de TF1, annonçant qu’il mènerait la campagne pour les législatives comme chef de la majorité.

Posted by on Jun 13 2024. Filed under Monde. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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