Demande de saisie de Rs 270 millions : la FCC soutient que Navin Ramgoolam n’a pas satisfait les exigences de la loi concernant l’origine de ses biens
L’affaire reportée au 25 juillet 2024 après un incident professionnel
Lundi 8 juillet, la nouvelle motion de la Financial Crimes Commission devant la Cour suprême pour confisquer les Rs 270 millions en devises et monnaie locale saisies chez l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam en février 2015 a été présentée devant la cheffe-juge, Rehana Bibi Mungly-Gulbul. Cependant, suite à un différend entre les avocats représentant les intérêts de la FCC, l’affaire a été reportée et sera à nouveau appelée le 25 juillet 2024.
Pour rappel, la FCC a déposé une demande de richesse inexpliquée en Cour suprême contre l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam. La commission, représentée par son directeur général, Navin Beekarry, a demandé un ordre d’enrichissement inexpliqué visant à confisquer des sommes importantes, dont 3 140 939 dollars américains, Rs 100 833 864, 515 782 euros, 46 191 livres sterling, une Mercedes Benz S400 Hybrid et deux cartes American Express Centurion. Au total, la commission cherche à récupérer environ Rs 270 millions en devises et monnaie locale, ou demande à ce que Navin Ramgoolam paie l’équivalent monétaire de ces biens.
Cette demande de la FCC est fondée sur les articles 117(1) et 119(3) du Financial Crimes Commission Act (FCC Act). La FCC soutient que le 6 février 2015, suite à un mandat de perquisition, des policiers ont saisi d’importantes sommes d’argent en roupies mauriciennes et en devises à la résidence de Navin Ramgoolam à Riverwalk, Floréal et à Port-Louis, y compris une enveloppe portant l’inscription « Vickram Bhunjun ».
En décembre 2017, feu l’Integrity Reporting Services Agency (IRSA) a demandé à Navin Ramgoolam de justifier l’origine de cet argent, ainsi que des fonds utilisés pour l’acquisition de plusieurs véhicules et cartes American Express Centurion. La FCC souligne que le leader du Parti travailliste a affirmé que la majorité des fonds appartiennent au parti, mais cette explication n’a pas satisfait la FCC qui demande des preuves substantielles pour justifier ces fonds.
La plainte de la FCC mentionne qu’en mars 2018, l’ancienne IRSA avait saisi la juge des référés pour obtenir un ordre de richesse inexpliquée. Après la proclamation du FCC Act 2023, la FCC a repris l’affaire et a retiré son appel pour déposer une nouvelle demande devant la cour compétente, comme ordonné par la juge en Chambre. Navin Ramgoolam conteste la constitutionalité de certaines sections du FCC Act, arguant qu’elles vont à l’encontre de ses droits fondamentaux sous la Constitution.
À savoir que l’ancien Premier ministre avait saisi la Cour suprême pour contester la constitutionnalité de la loi-cadre régissant l’IRSA, soit la Good Governance Integrity Reporting Act (GGIRA). Mais après l’intégration de l’IRSA à la FCC, l’ancien Premier ministre avait dû amender sa plainte constitutionnelle, qui avait été appelée en Cour suprême le 28 juin dernier. Dans cette plainte amendée, toute mention de l’IRSA avait ainsi été gommée et remplacée par la FCC. Navin Ramgoolam conteste ainsi la constitutionnalité de la section 112(4) de la FCC Act, qui impose à un prévenu de prouver la provenance des biens saisis par la FCC, et la section 117 de cette loi, qui permet à la FCC de procéder à la saisie de biens avant même que le prévenu n’ait été condamné par une Cour de justice pour un quelconque délit.
Pour Navin Ramgoolam, ces dispositions sont contraires à ses droits fondamentaux selon la Constitution, qui prévoit que nul ne peut être privé de ses biens sans le « due process of law ». La FCC est représentée dans l’affaire par Mes Atish Roopchand, Homanaden Ponen et Bibi Mahejabeen Chatoo (avouée). Le Directeur des poursuites publiques (DPP) et le Commissaire de Police sont cités comme co-défendeurs dans l’affaire.
Embarras professionnel
Lors de l’audience de l’affaire, le lundi 8 juillet 2024, l’avoué Preetam Chuttoo a déposé une motion pour se retirer de l’affaire. Cette motion a été déposée en son nom et au nom de l’avocat Ali Hajee Abdoula. Ce dernier a évoqué un « embarras professionnel » en raison d’un « désaccord » avec Me Atish Roopchand, le conseiller juridique de la Financial Crimes Commission (FCC). Le désaccord porte sur la portée de leur mandat, ainsi que celui de Me Ali Hajee Abdoula. Leurs services avaient été retenus par la défunte Integrity Reporting Services Agency (IRSA). Or, la plainte de Navin Ramgoolam a été amendée pour contester dorénavant les dispositions du FCC Act, les fonctions de l’IRSA étant passées à la FCC.
L’avoué a cité une correspondance datée du 5 juillet 2024 de Me Atish Roopchand, où il est mentionné que : “The Commission reserves its rights to take any action it may deem fit and proper in the circumstances”. Cette déclaration est perçue comme une menace par Me Preetam Chuttoo et Me Ali Hajee Abdoula, au point qu’ils estiment ne plus être en mesure de continuer à représenter la FCC dans cette affaire. L’Assistant Director of Corporate Affairs de la FCC, Karuna Persand, s’est opposée à la motion de Me Preetam Chuttoo. La chef juge a invité les représentants de la FCC à clarifier la situation lors de l’audience.