Le Ghana doit trouver la bonne formule pour développer son industrie de cannabis légal



L’utilisation du cannabis à des fins médicales et industrielles se développe progressivement en Afrique. Le Ghana est l’un des pays à avoir fait le pari de la dépénalisation, mais les attentes d’industrie viable et rentable tardent encore à se concrétiser.

Le 21 janvier 2025, Mark Darko, président de la Chambre de l’industrie du cannabis au Ghana (Cannacham) a lancé un appel au gouvernement pour accompagner les investissements dans le développement du cannabis légal. Selon lui, ce secteur pourrait s’il est bien encadré, permettre de diversifier les revenus générés par l’agriculture, qui proviennent principalement du cacao et de l’anacarde.

Ce n’est pas la première fois que la Cannacham plaide pour la promotion des investissements dans la filière. Le 26 septembre 2024, l’entité avait organisé un forum à Accra consacré à l’industrie du cannabis, avec la collaboration de la Mission économique et commerciale israélienne au Ghana. L’ambition était de mettre en avant ce que peuvent apporter les technologies israéliennes dans ce domaine, notamment en matière d’irrigation intelligente, d’agriculture de précision et d’applications pharmaceutiques avancées.

Une décision historique, mais sans suite

Si la Cannacham multiplie les initiatives pour attirer l’attention sur la filière cannabis, c’est parce que depuis la dépénalisation, aucune suite concrète n’a encore été donnée à cette décision qui a pourtant suscité un engouement notable.

Le 12 juillet 2023, le Ghana légalisait en effet l’usage du cannabis à des fins médicinales et industrielles, après l’adoption d’un amendement à la loi sur la commission de contrôle des stupéfiants par le Parlement. Cette démarche historique a fait de l’ex-Gold Coast le premier pays d’Afrique de l’Ouest à autoriser l’utilisation du cannabis, mettant fin à une bataille lancée 3 ans plus tôt.

Mais plus d’un an et demie après, les acteurs privés ne se bousculent pas au portillon, et pour cause. Jusqu’ici, aucune feuille de route n’a été présentée pour faire émerger une industrie et aucun cycle n’a été lancé par le ministère de l’Intérieur pour octroyer des licences de culture de certaines variétés de cannabis dont la teneur en tétrahydrocannabinol (THC – substance responsable des effets hallucinogènes) est inférieure à 0,3%.

Si cette lenteur institutionnelle a quelque peu refroidi l’enthousiasme dans le camp des promoteurs de la dépénalisation, la Cannacham veut malgré tout croire au potentiel du secteur. D’après son président M. Darko, le Ghana bénéficie de conditions climatiques idéales pour développer cette filière, et les acteurs qui s’y engagent peuvent y puiser des revenus conséquents. « Un hectare de cannabis peut générer au moins 10 000 USD » aurait-il déclaré, selon des propos relayés par le média Ghanaweb.

Des modèles inspirants en Afrique

De fait, les revenus générés sur le marché africain du cannabis médical ont plus que triplé, passant de 146,9 millions USD en 2020 à plus de 443,6 millions USD en 2024, d’après les données compilées sur Statista. Selon les prévisions formulées sur cette plateforme, le secteur devrait générer 466,80 millions USD en 2025 et croître de 2,14% par an en moyenne jusqu’en 2029, pour dépasser les 508 millions USD.

Cette croissance anticipée montre qu’il y a une place à prendre pour tous les pays du continent qui s’engagent sur ce segment. Si plusieurs sont déjà bien positionnés, il n’est pas trop tard pour le Ghana qui peut même s’inspirer des modèles de réussite environnants pour mieux façonner son industrie. L’un des cas d’école pouvant servir d’exemple au nouveau gouvernement est celui du Maroc.

Le royaume chérifien, qui a légalisé l’usage du cannabis médicale et industriel, a instauré un cadre strict pour sa culture qui est limitée à 3 régions (Chefchaouen, Al Hoceïma et Taounate). Ce confinement de la production à des zones spécifiques permet entre autres de surveiller et éviter les dérives vers un marché clandestin.

Au Ghana, l’Office national de contrôle des stupéfiants (NACOB) est chargé de superviser l’utilisation légal du cannabis alors que la Narcotics Control Commission (NACOC) a été chargée de contrôler l’ensemble des stupéfiants. Mais selon les observateurs, l’industrie gagnerait véritablement à s’inspirer de l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (ANRAC) créée au Maroc en 2022.

Au-delà de la supervision, celle-ci mène plusieurs initiatives, dont la formation des cultivateurs et l’organisation de coopératives pour faciliter l’accès au marché. Ces efforts ont conduit à une forte hausse de la production légale, passant de 294 tonnes en 2023 à plus de 4000 tonnes en 2024.

Sur un autre plan, le pays Est-africain pourrait également profiter des opportunités économiques liées au cannabis sur d’autres segments que les applications pharmaceutiques. Une étude intitulée « The potential for Ghana to become a leader in the African hemp industry » et publiée en 2023 dans le Journal of Cannabis Research, souligne que l’industrie ghanéenne du cannabis peut explorer des pistes du côté de la construction et surtout du textile.

« Les fibres de chanvre sont reconnues pour leur solidité, leur durabilité et leur caractère écologique, ce qui en fait une alternative attrayante aux matériaux textiles traditionnels comme le coton » soulignent les auteurs.

Posted by on Feb 10 2025. Filed under En Direct, Featured, Santé. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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