Coupable de détournement de fonds publics, Marine Le Pen est déclarée inéligible pour 5 ans
Coup de tonnerre ! C’est le scénario le plus redouté dont a accouché ce lundi le tribunal correctionnel de Paris, qui a condamné la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen, à cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate. Cela signifie qu’à moins d’une procédure tout à fait exceptionnelle — et même en faisant appel —, celle qui demeure selon tous les sondages la favorite de l’élection présidentielle de 2027 ne pourra tout simplement pas se présenter dans deux ans.
Dans une décision historique et totalement inédite, les juges ont condamné celle qui se disait la « candidate naturelle » du RN à 100 000 euros d’amende quatre ans de prison (dont deux fermes, aménageables sous bracelet électronique) et, surtout, à une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate. Si Marine Le Pen ne perd pas son poste de députée, elle ne pourrait pas non plus se représenter en cas de dissolution de l’Assemblée nationale, et donc diriger son groupe parlementaire.
« C’est la démocratie française qui est exécutée », a aussitôt lancé sur le réseau social X le président du RN et éventuel successeur de Marine Le Pen, Jordan Bardella. Sa « seule culpabilité » est qu’elle « menait notre camp sur le chemin de la victoire », a aussi déclaré sa nièce, la députée européenne Marion Maréchal.
Onde de choc politique
Ce n’est pas seulement la candidate et son parti, mais toute la classe politique qui sort ébranlée par ce verdict.
Avant même le prononcé du jugement, des personnalités de gauche et de droite, comme Emmanuel Bompard (La France insoumise, gauche), Gérard Darmanin (Les Républicains (LR), droite) et même le premier ministre François Bayrou s’étaient inquiétés pour la santé de la démocratie qu’un tribunal empêche Marine Le Pen d’être candidate. À gauche, le député socialiste de l’Essonne, Jérôme Guedj, a cependant estimé que « la justice doit être la même pour les élus comme ceux qui ne sont pas élus, pour les puissants comme pour les faibles. » Même son de cloche pour le communiste Fabien Roussel, selon qui « Mme Le Pen est une responsable politique qui exige plus de fermeté de la part de la justice ! Respectons la justice, donc. »
« Dans une démocratie, il n’est pas sain qu’une élue soit interdite de se présenter à une élection », a affirmé sur X le patron des Républicains, Laurent Wauquiez. Selon le député européen (LR) François-Xavier Bellamy, « l’exécution provisoire est normalement justifiée par le risque de récidive. Qui peut ici prendre cette inquiétude au sérieux ? ». Selon lui, « refuser que l’appel de Marine Le Pen suspende le jugement, comme c’est le cas ordinairement, revient donc à une interférence majeure sur notre vie démocratique ».
Si personne ne conteste les amendes et les peines de prison dont ont hérité Marine Le Pen et 24 membres de son parti, il n’en va pas de même de son inéligibilité.
Le tribunal a établi que, de 2004 à 2016, le RN avait utilisé ses assistants au Parlement européen à des fins politiques « de façon continue » et « au mépris de la loi ». Selon la cour, le Front national (ancien nom du RN) aurait détourné 4,1 millions d’euros durant trois mandatures. On sait qu’à cette époque, le parti était en grande difficulté financière et que les banques françaises lui refusaient tout crédit. Le RN n’est d’ailleurs pas le seul à avoir agi ainsi, car le Modem a similairement été condamné l’an dernier. Une enquête est aussi en cours sur les pratiques de La France insoumise.