A Dubaï, Madagascar propose aux Émirats un partenariat gagnant-gagnant
Trois mois après sa participation au World Government Summit, le président malgache Andry Rajoelina était de retour cette semaine à Dubaï, pour la première édition d’un forum dédié au partenariat économique entre les Émirats arabes unis et Madagascar. Annoncé de longue date, le « Madagascar – Dubaï Business Forum » (MDBF) a réuni entreprises malgaches et investisseurs émiratis afin de consolider les liens entre les deux pays. En ligne de mire, une augmentation significative des investissements émiratis sur l’île.
Signe de l’importance accordée à cette rencontre, c’est le chef de l’État Rajoelina qui a lui-même conduit la délégation malgache, aux côtés du ministre de l’Industrialisation et du Commerce, David Ralambofiringa, et de la directrice générale de l’EDBM, Josielle Rafidy. Pendant deux jours, les 27 et 28 mai, une soixantaine d’entreprises venues de Madagascar ont pu échanger avec plus d’une centaine d’opérateurs économiques émiratis. Les discussions ont porté sur des secteurs variés à savoir agriculture, tourisme, artisanat, infrastructures, énergie et économie numérique.
Le programme comprenait aussi des rencontres B2B ciblées, des présentations institutionnelles sur les synergies Madagascar-Dubaï, ainsi que des visites de sites économiques à fort potentiel comme des zones franches ou incubateurs technologiques.
Une soirée dédiée au networking dans le tourisme a également permis d’initier des partenariats dans un secteur jugé stratégique par les deux parties.
Une soirée dédiée au networking dans le tourisme a également permis d’initier des partenariats dans un secteur jugé stratégique par les deux parties.
Renforcer la coopération
Selon l’Observatory of Economic Complexity (OEC), les Émirats arabes unis ont exporté pour 246 millions $ de biens vers Madagascar en 2023, majoritairement des produits pétroliers raffinés, suivis de calcaire et de ciment. À l’inverse, Madagascar a exporté pour 108 millions $, principalement de l’or, des clous de girofle et des légumineuses sèches. Ces flux bilatéraux, en recul ces dernières années, ont cependant connu une nette reprise hors pétrole en 2024, selon Sultan bin Saeed Al Mansoori, président de Dubai Chambers, avec une hausse estimée à 90 %.
Lors de son allocution d’ouverture, le président Rajoelina a souligné que « Madagascar est prêt à accueillir les investisseurs émiratis. Prêt à bâtir des partenariats gagnant-gagnant. » Il a annoncé un investissement majeur du groupe Masdar, un des leaders mondiaux des énergies renouvelables, pour le développement d’un projet solaire de 150 mégawatts dans le pays.
Il a annoncé un investissement majeur du groupe Masdar pour le développement d’un projet solaire de 150 mégawatts dans le pays.
Aucun détail n’a été communiqué à ce stade sur le montant ni le calendrier du projet, mais cette initiative illustre la volonté des deux parties d’aller au-delà du commerce pour s’engager dans des investissements structurants.
Ce rapprochement prend appui sur des atouts que Madagascar a largement mis en avant pendant le Forum. Le pays dispose de ressources naturelles stratégiques (8 % des réserves mondiales de graphite, 3 % d’ilménite, 1 % de nickel), d’un capital humain jeune (75 % de la population a moins de 35 ans) et d’une position géographique idéale, au carrefour de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie.
« Ce que nous offrons ne se limite pas à un cadre fiscal attractif ou à des ressources naturelles exceptionnelles, c’est une vision », a déclaré le président Rajoelina. Une vision centrée sur l’industrialisation, l’innovation, l’agriculture connectée aux marchés du Golfe et la transition énergétique. Il a également annoncé l’ouverture imminente de l’ambassade de Madagascar à Abu Dhabi, prévue le 31 mai, marquant une nouvelle étape diplomatique dans ce partenariat.
Il a également annoncé l’ouverture imminente de l’ambassade de Madagascar à Abu Dhabi, prévue le 31 mai, marquant une nouvelle étape diplomatique dans ce partenariat.
Pour rappel, les Émirats arabes unis ont nommé l’année dernière leur premier ambassadeur à Madagascar, en la personne du docteur Salim Ibrahim Bin Ahmed Mohamed Alnaqbi. Plus récemment, en janvier dernier, les Emirats arabes unis avaient annoncé un programme d’investissement de dix milliards de dollars financé par le Fonds d’Abu Dhabi en faveur de Madagascar.
Consolider l’offensive africaine des Emirats
Ce renforcement de la coopération s’inscrit dans une stratégie plus large des Émirats arabes unis, qui multiplient les partenariats à travers le continent africain. Selon un rapport d’Afreximbank publié en décembre 2024, les investissements directs des six pays du Golfe sur le continent africain entre 2012 et 2022 ont totalisé 100 milliards de dollars. Les Émirats arrivent en tête, portés par une stratégie offensive alliant diplomatie économique et financement de projets d’envergure.
Les échanges commerciaux entre les Émirats arabes unis et le continent africain ont progressé ces dernières années, passant de 62,2 milliards $ en 2021 à près de 85,6 milliards $ en 2023, et Dubaï joue un rôle central dans cette dynamique, en servant de plateforme d’exportation pour les produits africains vers les marchés internationaux. Avant Madagascar, les Émirats se sont ainsi rapprochés de plusieurs pays nord-africains, dont l’Égypte et le Maroc. Pas plus tard que la semaine dernière, le Maroc a signé trois protocoles d’accord avec un consortium incluant TAQA Morocco, filiale du groupe émirati TAQA. Ce partenariat public-privé prévoit d’ici 2030 la construction d’une ligne électrique haute tension de 1400 km, le développement de 1200 MW d’énergies renouvelables et la mise en service de centrales à gaz naturel pour une capacité de 1500 MW.
Dans l’océan Indien aussi, les Émirats arabes unis multiplient les initiatives, comme aux Comores où une centrale solaire de 50 millions $ est en cours de construction, ou au Mozambique, où Abu Dhabi explore des investissements dans la surveillance maritime.
Quelles suites pour les relations Madagascar et Dubaï ?
« Nous ne demandons pas de l’aide. Nous proposons un partenariat. Madagascar est stable, souverain et prêt à jouer son rôle dans les grandes transitions de ce siècle ». Cette déclaration du président Andry Rajoelina, prononcée en ouverture du forum, résume l’ambition affichée par Antananarivo qui est de bâtir une coopération durable, fondée sur la réciprocité et la confiance.
« Nous ne demandons pas de l’aide. Nous proposons un partenariat. Madagascar est stable, souverain et prêt à jouer son rôle dans les grandes transitions de ce siècle ».
Le principal défi sera désormais de transformer les annonces en projets porteurs de valeur ajoutée pour l’économie malgache. À court terme, les autorités voudront capitaliser sur les secteurs jugés prioritaires, notamment les énergies, les mines, le textile ou encore le tourisme. Autant de domaines identifiés par le FMI comme des moteurs potentiels de la reprise en 2025.