Liberté conditionnelle…véritable parcours de combattant et conséquences tragiques pour certains !



Qu’a fait Eddy Balancy durant son règne pour améliorer les choses ?

Les débats autour de la liberté provisoire ont repris de plus belle. Certains affirment que ce sera un droit constitutionnel qu’ils imposeront s’ils accèdent au pouvoir. A travers cet article, Le Xournal veut simplement expliquer la difficulté de ceux, qui n’arrivent pas à trouver d’ancien Chef-Juge, d’Avengers, d’avocats non enregistré…  Et qui souffrent le martyr de la détention. Ces sans voix qui n’ont pas la cohue médiatique pour exposer leurs cas et les défendre. Il y a ceux qui meurent dans le silence et l’indifférence. Cela mérite notre analyse.

La Bail and Remand Court est aujourd’hui dépassé. Malheureusement, nous ne savons pas ce que l’ancien Chef Juge, Eddy Balancy, très volubile ces jours-ci, y a fait durant son mandat pour y remédier. On ne parle pas de ces landmark judgements dans certains cas mais dans le côté pratique pour « secouer la barraque », comme l’avait dit un de ses prédécesseurs. Aujourd’hui, il critique le niveau des magistrats, qu’il décrit comme des incompétents ou encore des peureux, ceux ayant recours au « copy and paste » dans leurs jugements. « C’est peut-être dû à la peur de ne pas plaire au public, à la peur de ne pas plaire à certaines personnes », a-t-il déclaré jeudi dernier sur Radio Plus.

« À mon avis, les magistrats de nos tribunaux à Maurice, que ce soit ceux de la ‘remand court’ ou des cours de district, ne sont pas en train d’appliquer la loi correctement quand il s’agit des principes de ‘bail’, c’est-à-dire de liberté conditionnelle. Cela ne peut être dû qu’à deux raisons possibles : soit ce sont des magistrats plutôt ignorants, pas capables d’appliquer. Ceux qui n’ont pas lu mon jugement, qui avait fait jurisprudence dans l’affaire Deelchand, suffisamment pour voir, par exemple, comment j’avais considéré l’approche de certains magistrats dans leurs ‘rulings’ dans cette affaire ou alors ce sont des magistrats qui d’une certaine manière sont en train de refuser d’appliquer la véritable loi. La plupart de ces jugements que j’ai eu l’occasion de lire sur le ‘bail’ que ce soit de la ‘remand court’ ou des cours de district, sont des jugements stéréotypés. Ce sont des jugements qui ont été écrits sur ‘computer’, comme on dit ‘copy and paste’. »

L’ancien chef juge qu’il est, est-il en train d’octroyer un « certificat d’incompétence à ces magistrats ?

« Ce n’est pas nécessairement de l’incompétence. C’est peut-être délibéré. C’est peut-être dû à la peur de ne pas plaire au public, à la peur de ne pas plaire à certaines personnes. Je ne sais pas ».

Pire encore, ce « réformiste » estime que la présomption d’innocence ne pèse guère lourd dans la balance. Dans une déclaration, il affirme même que le Directeur des Poursuites Publiques devrait laisser tomber les charges contre son client. Pourquoi se demande-t-on ? Mais là c’est un tout autre débat.

Revenons à nos moutons. La liberté conditionnelle est un droit pour le commun des justiciables. Quel système peut-il garantir un traitement égal à chaque justiciable peu importe sa classe sociale ou les moyens qu’il dispose. Peu importe s’il est défendu par un King’s Counsel ou un avocat «ti-dimoune ». Nous n’allons pas nous immiscer dans l’affaire où Eddy Balancy est conseiller légal.

Encore moins dans cette guéguerre qui a marqué son mandat : Pour rappel en avril 2020, Eddy Balancy avait porté plainte auprès de la même police qu’il trouve « incompétente » contre Narghis Bundhun, alors présidente du Bar Council. Pourquoi ? Parce que Narghis Bundhun avait osé critiquer l’attitude de certains juges à l’égard des avocats et avoués. L’ancienne présidente du Bar Council disait à l’époque que les avocats ne vont pas en Cour pour « se faire insulter et jeter » en arguant, que le respect que ses confrères doivent à la Cour, doit être réciproque. Une polémique qui fait suite aux échanges tendus entre Eddy Balancy et le Principal State Counsel Yvan Jean-Louis dans une affaire opposant la police à l’avocate Lovena Sowkhee. Yvan Jean-Louis avait alors dénoncé le parti-pris de l’ancien chef juge.

Le cas Savrimoutou interpelle !

L’ex-détenu qui pesait 70 kilos n’en faisait plus que 35 kilos à sa mort…

Mais nous voulons des réponses dans le cas de Ronny Sylvestre Savrimoutou. Ce détenu âgé de 46 ans qui est mort en détention policière des suites d’une longue maladie. Il était incarcéré sur des allégations pour trafic de drogue. Ceux qui l’ont dénoncé se seraient même ou ont fait part de leurs intentions de se rétracter. Ronny ne voulait pas fuir la justice. Il n’avait pas d’ancien chef juge dans son panel légal. Sa famille et ses orphelins engageront bientôt des actions légales pour obtenir des réparations. Ces derniers voulaient simplement qu’il obtienne une liberté provisoire surtout pour se faire soigner. Mais le médecin de l’hôpital a donné l’assurance, en cour   que Ronny avait tous les traitements nécessaires. Ce qui n’était vraisemblablement pas le cas.

Ronny Savrimoutou avait été arrêté par l’ADSU le 5 juin 2020 sur la base des allégations de deux maçons, a commencé à avoir des complications de santé en prison. « En septembre 2021, il a commencé à avoir des problèmes qu’il pensait être d’ordre gastrique mais c’était finalement un problème cardiaque car il avait des douleurs à la poitrine. Il avait également contracté la jaunisse. Par la suite, un stent a été placé en décembre 2021 et en janvier 2022, il a subi une autre opération car je soupçonne que la première n’avait pas été faite convenablement,» explique sa sœur.

Depuis la chirurgie, son frère avait arrêté de manger. « Il avait des nausées en permanence, il n’arrivait pas à manger: Il buvait un peu d’eau et mangeait un bout de pain sec. Il faisait le va et vient à l’hôpital. C’est la prison qui nous avait informé qu’il avait été hospitalisé. En allant le voir à l’hôpital, nous avons appris qu’il avait un problème au niveau du cœur et qu’un stent avait été placé.»

L’attitude odieuse du chirurgien qui l’avait opéré

Devant l’état de santé de son frère, elle se rend à l’hôpital rencontrer le chirurgien qui l’avait opéré. «Il n’a jamais trouvé utile de nous informer sur la santé de mon frère. C’est dans la cour de l’hôpital que j’ai pu l’aborder : Et il s’était contenté de me dire qu’il n’avait pas le temps de me parler», nous raconte-t-elle.

Exaspérée par cette situation, elle porte plainte auprès du surintendant de l’hôpital de Rose-Belle en mars dernier. « Mais on ne nous a jamais reçus. Nous n’avons jamais été pris en considération. » L’ex-détenu décédé, qui pesait environ 70 kg, avait subitement perdu du poids pour ne peser que 35 kg à sa mort.

La sœur était horrifiée par la perte de poids de son frère en l’espace d’un mois après les deux chirurgies. « Avant le “bail hearing” en mars 2022, je voulais que mon frère ait des soins dans le privé. J’avais soumis une demande par lettre auprès du ministère de la Santé. Son médecin traitant avait répondu qu’à l’hôpital tous les soins sont prodigués à mon frère. Il répète la même chose en cour le jour de la motion pour sa remise en liberté.»

Les jours passèrent ainsi jusqu’à ce que son frère décède en prison le 21 juillet de cette année. «Kan ou fami prizonie, dokter pa pran ou compte›, allègue-t-elle.

Liberté Conditionnelle

Paroles à deux avocats… Mes Alvin Juwaheer et Madan Dulloo

La liberté conditionnelle a toujours fait débats dans les milieux concernés. Dans cette optique, nous avons sollicité les impressions de deux avocats notamment Mes Alvin Juwaheer et Madan Dulloo.

 

Me Alvin Juwaheer :

« Bail is the rule, pre-trial incarceration the exception » est-ce une réalité ?

Me Alvin Juwaheer a d’abord fait comprendre que la règle générale pour une demande de liberté conditionnelle requiert, qu’un citoyen provisoirement accusé d’un délit, soit admis en liberté sujet à des conditions qui puissent garantir son apparition devant un tribunal au moment requis par une audience. Comme on dit dans le fameux cas de Islam : « Bail is the rule, pre-trial incarceration the exception’’.

Toutefois, dira-t-il, ce principe n’est pas appliqué sans réserve. « Il y a plusieurs cas dans lesquels, même si un prévenu n’a pas d’antécédent ou n’est pas déjà sous une caution, ce dernier peut se voir refuser l’accès à la liberté basée sur la gravité d’une charge ou une allégation sérieuse », a-t-il ajouté.

Débats

L’homme de loi a de plus, fait ressortir que ‘les autorités’ investigatrices telles la police ou l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) peuvent formuler les raisons d’objection pour la détention continue d’un prévenu, généralement pour trois raisons. D’abord, ils peuvent évoquer les délits de fuite, la récidive ou l’interférence avec les témoins ou des éléments de preuves.

Ces autorités investigatrices, sont généralement représentées en Cour par l’ODPP. « Souvent, selon l’envergure d’un cas les autorités retiennent les services du bureau des Directeur des Poursuites Publiques (DPP) qui lui, présente l’argumentation en faveur de la détention continue et c’est devant les tribunaux compétents que ces débats sont entendus’’, dit-il.

D’autre part, Me Alvin Juwaheer a aussi déclaré que : « Nous observons que plus les délits sont graves, plus il est difficile de persuader que la liberté est la règle générale. Par exemple pour les délits de trafic de drogues, d’assassinat ou des peines d’emprisonnement de 25 à 60 ans, peuvent être infligées. »  

Cet homme de loi précise également qu’il est coutumier de la part des autorités d’alerter les tribunaux des risques imminents, par rapport à la perversion d’une enquête. Cela est souvent assez persuasif parce que les autorités investigatrices sont protégées par ce qu’on appelle, la source de leurs informations dans certains cas. Par exemple : certains officiers qui déposent en Cour font allusion à des informations crédibles ou encore le risque de ramification internationale où le côté lucratif de certains délits afin de persuader les tribunaux de déroger à la règle générale de la liberté conditionnelle », a-t-il ajouté.

Représentations

Par ailleurs, l’homme de loi a indiqué parfois, même dans des petits délits des arguments pareils sont persuasifs. Ils n’aident pas à la garantie de la maxime générale selon les cas dont celui de Siddick Islam.

Me Alvin Juwaheer a aussi souligné que la majorité des demandes de liberté conditionnelle se font à la ‘Bail and Remand Court’ (BRC). Trois magistrats y siègent quotidiennement et ils doivent gérer les conditions de détentions des prisonniers (quelquefois presque plus de mille dossiers) et des centaines de demandes par semaine. ‘’Donc c’est un travail difficile de plus que des objections sont souvent frivoles et si elles étaient adressées avec du recul cela permettrait aux magistrats de se concentrer sur des cas où, elles sont vraiment nécessaires de débattre la question de liberté au niveau jurisprudentiel’’, dit-il.

Manque d’accès à la liberté conditionnelle

Selon l’avocat, il faut peut-être revoir comment pallier ce manque d’accès à la liberté conditionnelle pour ces personnes les plus démunies de la société mauricienne. « Quelquefois, les autorités investigatrices et même leurs conseillers, c’est-à-dire le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) doivent exercer dans la discrétion. Dans certains cas, nous voyons même que le DPP n’insiste plus sur des objections à la liberté conditionnelle. Or, comme il n’y a aucune pratique générale et tout s’analyse cas par cas, il y a une perception de manque de transparence dans le processus décisionnel, parfois dans une affaire ou il y a trois accusés représentés par différents avocats, chacune de ses demandes est entendu par un différent magistrat, et vous avez trois jugements irréconciliables même si les faits sont les mêmes, laissant les accusés et leurs familles dans une total incompréhension » , déclare-t-il.

Me Alvin Juwaheer a ainsi affirmé que notre système pourrait évoluer et s’améliorer si par exemple le BRC pouvait opérer en parallèle avec les Cours de district. Ainsi, par exemple, poursuit-il, un magistrat pourrait être assigné dans chaque cour de district avec ses propres officiers de police et deux membres de personnel administratif par district. Ces derniers écouteraient les affaires divisionnelles pour des délits de drogue ou de vols valeur de moins d’un million de roupies. « Nous devons encourager les autorités à réfléchir dans cette direction », conclut Me Alvin Juwaheer.

Me Madan Dulloo :

«  Il faut revoir nos lois, les procédures légales et les pouvoirs ou discrétions conférés aux différents institutions concernées »

  • « Une nouvelle approche de la part des autorités concernées s’avère nécessaire », estime l’homme de loi

L’homme de loi, Madan Dulloo, Ancien Attorney General, soutient qu’il faut revoir la ‘Criminal Procedure And Evidence Act’ et ajoute qu’une mise à jour pour faire refléter notre démocratie s’avère nécessaire pour assurer et sauvegarder les libertés des citoyens comme prévu par la Constitution de notre pays.

Plaintes des citoyens

«  C’est vrai que tout le temps, il y a des plaintes de la part de certains citoyens au sujet des traitements infligés par la police et d’autres institutions qui sont associées avec l’exercice des devoirs et pouvoirs de la police. Mais ces derniers temps, il y a eu beaucoup plus des plaintes, protestations et revendications surtout au sujet des arrestations, détentions et libertés conditionnelles », a-t-il ajouté.

L’homme de loi a ainsi souligné que la situation est devenue plus compliquée par faute des moyens de certains suspects ou détenus pour fournir des cautions exigées pour leur remise en liberté conditionnelle. « Dans ce cas, il faut avoir une nouvelle approche des différentes forces de l’ordre y compris la police et surtout le judicaire. Il y a des différentes façons pour assurer qu’un suspect, détenu ou un accusé soit présent devant notre Cour de justice quand c’est nécessaire » , estime-t-il.

Conséquences tragiques

Par ailleurs, Me Madan Dulloo a laissé entendre que ce n’est pas essentiellement nécessaire d’imposer une caution d’une forte somme d’argent si la personne concernée n’a pas les moyens. « Dans ce cas, la personne restera en détention provisoire dans nos prisons et parfois cela a des conséquences néfastes, voire tragiques », a-t-il indiqué.

L’homme de loi a expliqué que nos Cour de justices et même le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) doivent suivre des procédures établies quoique dans certaines circonstances ils peuvent exercer leurs discrétions. « Mais encore faut-il revoir nos lois, les procédures légales et aussi les pouvoirs ou discrétions conférés aux différents institutions concernées », affirme-t-il.

Posted by on Oct 2 2022. Filed under Actualités, En Direct, Faits Divers, Featured, Opinion. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0. You can leave a response or trackback to this entry

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